L'industrie touristique du Canada et du Québec ne peut plus y échapper: elle doit se remettre en question pour se réinventer.

L'industrie touristique du Canada et du Québec ne peut plus y échapper: elle doit se remettre en question pour se réinventer.

Les touristes américains, soit les trois quarts de la clientèle étrangère de l'industrie, boudent les attraits du pays et de la région de Montréal depuis 2002 et ce n'est pas la hausse du huard qui explique tout, déclare à La Presse Affaires le directeur de la chaire de tourisme de l'ESG-UQAM, Michel Archambault.

La vigueur du huard par rapport au billet vert «n'est même pas la cause principale du recul de la clientèle américaine», ajoute le professeur. «C'est plus fondamental.»

Pierre Bellerose, vice-président à la recherche de Tourisme Montréal, se dit «assez d'accord avec Michel Archambault. Durant la période au faible taux de change, les touristes américains n'ont d'ailleurs pas augmenté».

Avec le huard qui vient de dépasser 93 cents US, le déficit touristique du Canada et du Québec risque par contre de grimper si l'industrie ne se renouvelle pas, craint Michel Archambault.

Le tourisme canadien emploie plus de 625 000 personnes qui génèrent des recettes de 62,7 milliards (en 2005), dont 17,5 milliards provenant des visiteurs étrangers, soit 27,9% du total, selon la Commission canadienne du tourisme.

Si les touristes d'outre-mer ont augmenté de 7,7% (en 2005) au Canada, ceux des États-Unis ont reculé 4,6%.

Au total, les touristes internationaux ont effectué 18,6 millions de voyages d'au moins un jour au Canada en 2005, une baisse de 2,2%. Comme les résidents canadiens ont voyagé davantage à l'étranger que l'inverse, la Commission établit le déficit touristique de 2005 à 5,8 milliards.

Et durant les prochaines vacances, le huard plus fort va favoriser les voyages des Canadiens à l'étranger, souligne Michel Archambault, et le déficit touristique va grimper.

«Les touristes américains n'ont jamais autant voyagé dans le monde, mais ailleurs qu'au Canada. Il n'y a que le Canada qui n'a pas le pas», lance Michel Archambault.

«Le tourisme canadien et québécois doit scruter son image, ses attraits, son approche et innover. Il y a quelque chose de fondamental qui se passe», déclare Michel Archambault. Il faut le découvrir et donner un solide coup de barre, croit-il.

Plus de 14 millions de touristes américains passent tout de même au moins une nuit au Canada chaque année, souligne-t-il, auxquels s'ajoutent les excursionnistes frontaliers qui y viennent au moins pour quelques heures (spectacles, hockey).

Depuis 2002 cependant, l'affluence des touristes américains baisse en moyenne de 3,8% par année au Canada et de 4,9% au Québec. L'Ontario en perd autant que le Québec, mais la Colombie-Britannique, deux fois moins.

Pendant ce temps, l'afflux de touristes américains a grimpé en Europe (5,7%), en Asie (10,6%), en Amérique du Sud (10,4%) et même au Moyen-Orient (10,1%), souligne Michel Archambault. «Ce n'est pas la hausse du huard et du prix de l'essence qui explique ça.»

«Depuis cinq ou dix ans, le Canada et le Québec n'ont pas lancé beaucoup de produits touristiques», estime le professeur.

«Le Canada est loin d'investir dans de nouveaux attraits comme Dubaï ou de faire vivre de nouvelles expériences aux touristes, comme le Monténégro et même la Russie. Pourtant, les pays se livrent une bataille féroce pour attirer les voyageurs», dit-il.

Au contraire, «les touristes américains viennent souvent par habitude (du repeat business) au Canada», déplore-t-il. De plus, «le virage internet du tourisme canadien a été plus lent qu'aux États-Unis et qu'en Europe».

Ce n'est pas demain, non plus, que le Canada va renverser la vapeur. En 2008, les vacanciers américains auront plutôt la tête à l'élection présidentielle et aux Jeux olympiques de Pékin, dit Michel Archambault.