Le Canada risque l'hécatombe chez les manufacturiers, avec 100 000 mises à pied cette année, parce que la Banque du Canada va sans doute devoir augmenter son taux directeur dès l'été prochain, ce qui a déjà fait bondir mardi le huard canadien à plus de 93 cents US.

Le Canada risque l'hécatombe chez les manufacturiers, avec 100 000 mises à pied cette année, parce que la Banque du Canada va sans doute devoir augmenter son taux directeur dès l'été prochain, ce qui a déjà fait bondir mardi le huard canadien à plus de 93 cents US.

Les prochains mois risquent d'être «très difficiles, sinon terribles», lance à La Presse Affaires Jayson Myers, économiste en chef des Manufacturiers et exportateurs canadiens.

Le huard est parti en folie hier après que la banque centrale ait ouvert la porte à une hausse des taux d'intérêt pour contrer l'inflation, alimentée surtout par le pétrole et les ressources de l'Alberta, souligne la présidente de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Françoise Bertrand.

À ce rythme, le huard s'approche rapidement de la parité avec le dollar américain. «Des économistes bancaires ont prévu récemment de 95 cents à 97 cents US cette année et les gens d'affaires se sont déjà tous inquiétés», souligne Jean-Robert Lessard, président de la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud.

Le président-directeur général des Manufacturiers et exportateurs du Québec, Jean-Luc Trahan, ne spécule pas sur les licenciements à venir, mais ses compagnies vont manger toute une raclée et «en voir de toutes les couleurs», craint-il.

Chose certaine, c'est l'Ontario et le Québec qui ont le plus souffert des restructurations manufacturières provoquées par la hausse vertigineuse et rapide du huard.

Le Québec a vu disparaître 150 000 emplois chez les manufacturiers en quatre ans, estime Jean-Luc Trahan. L'an dernier seulement, le Canada a rayé 90 000 emplois d'usines, ajoute Jayson Meyers. Sur ses 268 000 emplois manufacturiers, la région de Montréal en a déjà perdu 17 000 l'an dernier, souvent dans des PME, déplore la présidente de la Chambre de commerce, Isabelle Hudon.

En seulement trois mois au début de 2007, l'Ontario a vu 112 usines fermer, soit le triple de toute l'année 2006, précise Jayson Meyers, qui n'a pas les données équivalentes pour le Québec. À cela, il faut ajouter les faillites. «À plus de 93 cents US, de nombreuses autres entreprises vont fermer», craint Jayson Meyers.

«Ce ne sera pas facile. Les bonds du huard ont déjà érodé les profits depuis trois ans, des exportateurs ne sont plus concurrentiels et ils n'ont pas les capitaux pour investir dans leur productivité», explique Jayson Meyers. D'où l'aide d'Ottawa aux manufacturiers, par des encouragements fiscaux, souligne à La Presse Affaires le ministre d'Industrie Canada, Maxime Bernier.

Jean-Robert Lessard craint que les jours terribles vécus par les industries de la forêt et des papiers débordent sur d'autres secteurs.

«Les transporteurs et leurs fournisseurs vont aussi y goûter. Ce sera une chaîne sans fin», lance Jean-Robert Lessard, aussi vice-président marketing de Transport Robert. Ça va compliquer la vie d'exportateurs comme Bombardier, Alcan, Dorel et Shermag.

«La montée en flèche du huard canadien par rapport au dollar américain est provoquée par la faiblesse de l'économie des États-Unis. Les exportateurs canadiens comptaient sur le marché américain, mais là ils peuvent difficilement s'ajuster», explique Jayson Myers. Le Québec réalise pas moins de 86% de ses exportations aux États-Unis, souligne Jean-Luc Trahan.

«À 62 cents US, les manufacturiers pouvaient investir dans leur productivité, mais là, ils ne peuvent plus se payer ça» sans aide des gouvernements, selon Jayson Myers.

Françoise Bertrand accuse surtout la rapidité de la hausse du huard de provoquer les problèmes des exportateurs et du tourisme. «Et toutes les données économiques du Canada sont faussées par l'activité fébrile dans l'Ouest canadien.» Il n'y a pas de recettes miracles, dit-elle.

La Chambre de commerce du Canada compte surtout sur l'innovation, la productivité et la modernisation des usines, souligne le vice-président à la direction, Michel Barsalou.

Les gouvernements d'Ottawa et de Québec reconnaissent toutefois maintenant la situation difficile des manufacturiers et leur importance pour l'économie, déclare Jean-Luc Trahan.

Deux jours après la manifestation monstre de 30 000 travailleurs à Windsor, le ministre Maxime Bernier a réitéré l'appui du gouvernement aux manufacturiers, mais «les politiciens ne créent pas d'emplois, seulement un climat favorable», dit-il.

Une hausse de taux inévitable

«Tout compte fait, la Banque juge qu'il y a un risque accru que l'inflation future demeure au-dessus de la cible de 2%, et qu'une certaine hausse du taux cible du financement à un jour pourrait s'avérer nécessaire dans un proche avenir pour ramener l'inflation au niveau visé.» Banque du Canada, communiqué publié le 29 mai 2007