Que peut bien gagner la ministre des Affaires municipales Nathalie Normandeau à essayer de rallumer le feu des vieux débats sur les fusions et les défusions ?

Que peut bien gagner la ministre des Affaires municipales Nathalie Normandeau à essayer de rallumer le feu des vieux débats sur les fusions et les défusions ?

On croyait que la page était tournée, que l'énergie pouvait désormais être consacrée à regarder en avant et à construire. Mme Normandeau semble voir les choses autrement.

Vous avez vu ses déclarations à propos des projets d'immobilisations de Mme Boucher qui entraîneront une hausse des taxes et de l'endettement :

"Les citoyens paient les pots cassés... Il est certain que les fusions forcées ont fait très, très mal à la Ville de Québec..."

"La marge de manoeuvre financière est pratiquement toute consacrée à faire face aux engagements rattachés aux fusions forcées... La Ville doit emprunter parce que sa marge de manoeuvre est inexistante..."

Mme Boucher a raison de noter le fiasco des fusions forcées, c'est elle qui est prise maintenant à faire de la gymnastique et des acrobaties pour attacher un budget...

Mme Normandeau, pour sa part, a bien le droit de penser que les fusions n'étaient pas une bonne idée et peut bien continuer à faire du millage politique contre le PQ si ça lui chante.

On s'attend cependant à ce qu'une ministre des Affaires municipales montre un peu de rigueur lorsqu'elle commente la situation financière des villes.

C'est vrai. Il y a aujourd'hui à Québec plus d'employés que dans les anciennes villes réunies et la masse salariale a augmenté.

La fusion a entraîné le nivellement par le haut des conventions collectives avec l'impact que l'on devine sur les budgets de la Ville.

À cause de la taille de Québec, il y a désormais des normes plus élevées pour la protection policière, donc des coûts additionnels.

Il importe cependant de rappeler qu'une bonne part des embauches et dépenses supplémentaires n'est pas le résultat des fusions, mais de nouvelles normes fixées par le gouvernement : protection incendie, eau potable, gestion des déchets, lutte contre les gaz à effet de serre.

On ne peut nier que la fusion exerce une pression à la hausse sur les services, la Ville ayant tendance à niveler par le haut.

C'est le cas par exemple de la gratuité dans les bibliothèques et bientôt des faibles tarifs dans les terrains de jeux l'été qui seront étendus à toute la ville.

Ces choix politiques engendrent des coûts et n'auraient pas été faits sans les fusions. Mais ce sont des choix. Pas des obligations. Rien n'oblige la Ville à augmenter ainsi ses services.

Mme Normandeau suggère que les fusions ont privé Québec de sa marge de manoeuvre et que c'est la raison pour laquelle Mme Boucher doit aujourd'hui emprunter et faire de la "gymnastique" pour boucler ses budgets.

Mme Normandeau est une ancienne mairesse. Elle sait que les villes n'ont pas souvent de marge de manoeuvre. Souvenez-vous de l'époque où le ministre libéral Claude Ryan avait pelleté des factures dans la cour des villes. C'était bien avant les fusions du PQ.

Boucler un budget est un exercice difficile. Toutes les administrations publiques locales doivent faire de la gymnastique pour boucler leurs budgets. C'est rarement à cause de fusions.

Il est faux de dire que la Ville de Québec emprunte parce qu'elle n'a plus de marge de manoeuvre à cause des fusions. Québec a toujours emprunté. Avant les fusions comme après. Comme toutes les villes d'ailleurs.

Les villes empruntent pour payer les immobilisations. Pas pour payer l'épicerie. Mme Normandeau sait très bien que les villes n'ont pas le droit de faire de déficits d'exploitation. Alors pourquoi suggérer que c'est à cause des fusions ?

La mairesse de Québec a convaincu la ministre Normandeau qu'elle est une gestionnaire qui a le "souci de protéger l'intégrité de ses citoyens et du compte de taxes".

Tant mieux si la ministre a une haute estime de Mme Boucher. Elle le mérite bien. Mais Mme Normandeau risque d'être déçue.

La mairesse Boucher n'est pas la championne de "l'intégrité des comptes de taxes". Elle ne l'était pas à Sainte-Foy. Elle ne l'est pas davantage à Québec.

Mme Boucher doit vivre avec les conséquences des fusions et avec l'héritage des administrations précédentes, incluant le piètre état des infrastructures.

Mais elle fait aussi des choix politiques qui entraînent des coûts pour la Ville. On l'a vu dans le PTI de 1 milliard $ présenté cette semaine. On le verra encore dans le prochain budget municipal.

Mme Boucher essaie parfois de mettre tous les malheurs financiers de sa ville sur le dos des fusions. Avec le temps, on a appris à la connaître et à faire parfois des nuances. Ce n'est pas la peine de rouvrir chaque fois le vieux débat sur les fusions.

Pour joindre notre chroniqueur : fbourque@lesoleil.com