Après le débat de l'été sur l'aide gouvernementale à l'industrie du film et de la télévision, Michel Girard présente une analyse en trois volets de cette question. Demain: qui fait de l'argent avec le cinéma québécois?

Après le débat de l'été sur l'aide gouvernementale à l'industrie du film et de la télévision, Michel Girard présente une analyse en trois volets de cette question. Demain: qui fait de l'argent avec le cinéma québécois?

L'industrie québécoise du film et de la télévision peut rapporter en taxes et impôts jusqu'à six fois plus d'argent que l'aide versée directement par Québec et Ottawa.

Le fédéral et le provincial ont injecté, au total, 235 millions de dollars en 2005. Or, selon nos calculs, les divers ordres de gouvernement auront pu toucher près de 1,4 milliard de dollars en impôts et taxes de toute sorte grâce aux activités de cette industrie.

Malgré tout, le cinéma et la télévision sont en crise au Québec. Faute de fonds suffisants, seulement un nombre restreint de projets de films peuvent voir le jour, au grand dam des cinéastes québécois et de leurs producteurs.

Même chose pour les séries dramatiques: non seulement les télédiffuseurs cherchent-ils faire des coupes dans les budgets, mais on a également vu le printemps dernier TVA mettre fin prématurément à des émissions comme Vice caché et Un homme mort. Raison évoquée: ces deux fictions coûtaient trop cher dans un contexte où les revenus publicitaires sont en baisse à cause d'un fractionnement de l'auditoire.

Pourtant, la " rentabilité " de l'aide gouvernementale ne semble faire aucun doute. Pour la mesurer, nous sommes partis de la constatation suivante: pour chaque dollar de revenus (ou dépenses) dans l'économie canadienne (activité mesurée par le PIB), pas moins de 34,5 cents retournent dans les poches des gouvernements, d'une manière ou l'autre (taxes à la consommation, impôts sur le revenu des particuliers, impôts sur les bénéfices des sociétés, impôts fonciers, droits de toutes sortes, etc.).

C'est vrai pour l'activité économique en général. Il faut certainement pondérer cette statistique lorsqu'il est question des industries culturelles car toutes les activités n'apportent évidemment pas une contribution égale. Certains secteurs sont davantage taxés, certains autres profitent de crédits fiscaux, etc.

Par exemple, peu d'artistes vivent réellement- ou décemment- de leur métier. On peut donc déduire qu'ils paient moins d'impôts que des travailleurs de l'aéronautique. Ce qui, à la fin, réduira les entrées de fonds des gouvernements.

Même en apportant ces bémols, on peut parler d'une grosse industrie qui génère des retombées importantes.

Au Québec, le volume d'affaires de l'industrie du film et de la télévision a atteint les 4 milliards lors l'année dernière. Selon notre approche, les revenus fiscaux potentiels sont de l'ordre de 1,4 milliard. Disons qu'on ajuste à la baisse pour tenir compte des particularités de l'industrie culturelle, on peut quand même penser à un retour d'environ 1 milliard pour les gouvernements.

Dans l'ensemble du Canada, le volume d'affaires du film et de la télévision s'est élevé l'an dernier à 16,5 milliards. Donc, des retombées fiscales possibles de 5 milliards.

Tout cela pour un " investissement " gouvernemental de 235 millions...

Comment en arrivons-nous à des volumes d'affaires aussi imposants? Le film et la télé sont des éléments clés de notre star system, il apparaît donc logique d'évaluer les retombées fiscales de l'ensemble des secteurs de cette industrie. C'est pourquoi nous avons compilé le volume d'affaires de toutes les entreprises qui gravitent autour. Nous avons inclus Radio-Canada et Télé Québec, qui vivent essentiellement de l'aide gouvernementale.

Prenons un exemple tout chaud: le film à succès Bon Cop, Bad Cop. Le lancement a profité à tous les médias, en matière de nouvelles, de publicité, de promotion, etc. Après les recettes records qu'il aura engrangées dans les salles de cinéma, le film fera le bonheur et la richesse du marché de la vente et de la location de DVD. Par la suite, il se retrouvera à la télé payante, par l'entremise de la câblodistribution. Puis à la télé conventionnelle. Et un beau jour, dans les archives nationales. Et, souvent au cours sept vies de Bon Cop, Bad Cop, les vedettes du film auront multiplié les entrevues à la radio, à la télé, dans les magazines et les grands quotidiens.

On pourrait répéter l'exercice pour chaque film et fiction à saveur québécoise réalisé ici.

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