Les professionnels en ressources humaines doivent apprendre à parler le langage des financiers, affirme un professeur en gestion des ressources humaines de HEC Montréal. Quels chiffres brandir? Voilà la question.

Les professionnels en ressources humaines doivent apprendre à parler le langage des financiers, affirme un professeur en gestion des ressources humaines de HEC Montréal. Quels chiffres brandir? Voilà la question.

L'atelier Finances et ressources humaines: la grande séduction promet d'être l'un des plus fréquentés du congrès de l'Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec (ORHRI), du 4 au 6 octobre.

Un mois avant son ouverture, environ 150 des 1000 participants inscrits avaient déjà choisi ce thème parmi les six autres présentés au même moment.

Le conférencier Jean-Yves Le Louarn, professeur en ressources humaines à HEC Montréal, entend inviter les congressistes à défendre leurs réalisations et leurs projets en utilisant le langage des financiers.

" Certains directeurs des ressources humaines ont du mal à faire entendre leur voix dans les comités de direction parce qu'ils utilisent un jargon qu'ils sont seuls à comprendre."

" Ils parlent, par exemple, de taux de mobilisation ou d'adhésion aux valeurs de l'entreprise. La plupart de leurs collègues ne savent pas de quoi il s'agit et ça ne les intéresse pas ", affirme-t-il.

Selon M. Le Louharn, les professionnels en ressources humaines doivent s'armer pour faire la preuve, chiffres à l'appui, que leurs interventions conduisent à des résultats positifs sur les affaires de l'organisation.

" Les employés ne sont pas des charges mais des sources de revenus. Voilà ce qu'ils doivent démontrer ", résume-t-il.

Chiffres contradictoires

Dans sa conférence, M. Le Lehouarn présentera une étude qui compare " les ratios du retour sur l'investissement en capital humain " des six grandes banques canadiennes entre 1996 et 2005.

Ce ratio établit le profit avant impôt généré par chaque employé pour chaque dollar investi en salaires et avantages sociaux.

Premier constat: toutes les banques affichent un ratio de retour sur l'investissement en capital humain positif. Il oscille entre 1,40 $ et 1,97 $, selon les établissements.

L'étude démontre également que la banque la plus généreuse au chapitre des salaires et avantages sociaux est celle qui enregistre les revenus les plus élevés par employé.

Le hic, pour le VP ressources humaines qui voudrait utiliser cette étude pour défendre ses choix en matière de rémunération, c'est qu'un autre ratio invite à la conclusion contraire. Celui du rendement sur les capitaux investis par les actionnaires entre 1996 et 2005.

Selon cette mesure, c'est la banque qui offre la plus basse rémunération qui réalise la meilleur performance alors que la banque la plus généreuse arrive au cinquième rang.

Le VP finances de cette banque pourra rétorquer à son collègue des ressources humaines qu'il faut freiner les hausses salariales ou même réduire les effectifs.

Les professionnels en ressources humaines qui s'aventurent sur le terrain des ratios financiers doivent donc s'attendre à recevoir des coups.

Selon M. Le Louharn, ils n'ont, malgré tout, pas le choix. " Les discours sur le bonheur organisationnel ne font rien avancer ", insiste-t-il.

D'autres mesures

Florent Francoeur, PDG de l'ORHRI, estime pour sa part que la mesure des taux de mobilisation dans les entreprises ainsi que du bonheur ou de la détresse organisationnelle peuvent ébranler les financiers, à certaines conditions.

" La mobilisation du personnel, par exemple, a un impact sur le taux d'absentéisme. La formation peut diminuer le nombre et la gravité des accidents du travail. Le bonheur organisationnel peut réduire les problèmes de santé mentale. Tout ça se traduit en vrais dollars ", rappelle-t-il.

M. Francoeur reconnaît que les VP finances ne sont pas impressionnés, en soi, par la présence d'une entreprise parmi les meilleurs employeurs, les employeurs de choix et autres palmarès dressés par les grandes firmes de consultants en ressources humaine.

" À la limite, les financiers peuvent conclure que ces distinctions sont données aux entreprises qui en font trop pour leurs employés. Plusieurs études ont toutfois démontré que les lauréats de ces palmarès réussissent mieux en Bourse ", dit-il.

Les consultants en ressources humaines Hewitt, qui établissent le palmarès des " 50 employeurs de choix au Canada ", ont comparé les résultats des 55 entreprises cotées en Bourse qui ont participé à son étude en 2005.

Ce palmarès établit le taux de mobilisation dans les entreprises participantes à partir d'un sondage mené auprès de leurs employés.

En 2005, les 50 employeurs de choix au Canada affichaient un taux de croissance annuel composé des revenus de 16,4 % en moyenne pour les cinq derniers exercices. Le taux de croissance des autres participants à l'étude était de 6,1 %.

Toutes ces études donnent aux professionnels en ressources humaines des armes pour séduire les comptables. Mais attention à l'effet boomerang. Il y a généralement un ratio financier pour en contredire un autre.

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