Juillet 1976. Montréal vibre au rythme des Jeux olympiques. Toronto n'en a que pour sa Tour du CN, qui vient d'être inaugurée. Et les touristes américains au Canada sont en furie: leur dollar vaut moins que le huard et ils veulent obtenir la parité avec le dollar canadien dans les magasins.

Juillet 1976. Montréal vibre au rythme des Jeux olympiques. Toronto n'en a que pour sa Tour du CN, qui vient d'être inaugurée. Et les touristes américains au Canada sont en furie: leur dollar vaut moins que le huard et ils veulent obtenir la parité avec le dollar canadien dans les magasins.

«Ils provoquaient presque des émeutes», se rappelle un jeune employé de la Commission des liqueurs de l'Ontario.

Trois décennies plus tard, Stephen Harper a toujours l'oeil sur le taux de change. Et pour cause: le premier ministre du Canada pourrait voir sa monnaie dépasser le dollar américain cette année.

Le huard ne fait pas seulement de l'ombre au billet vert: il est la nouvelle vedette du marché des devises. Propulsé par la forte demande des ressources naturelles et les acquisitions d'entreprises canadiennes, il s'est apprécié contre toutes les devises majeures en 2007.

Seul le real brésilien lui a tenu tête depuis le début de l'année. «Le Brésil est l'un des quatre pays du BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine), dit François Barrière, vice-président du marché des devises à la Banque Laurentienne. C'est un pays très en demande pour les investisseurs étrangers, qui y ont investi 18 milliards US en 2006.»

Le huard a pris entre 9% et 13% aux devises du Japon, du Royaume-Uni, de la Suisse et de la Suède en 2007. La couronne norvégienne (+6,6%) et l'euro (+7,7%) s'en sont mieux tirés.

«La Norvège est un pays producteur de pétrole comme le Canada, dit M. Barrière. Et l'Union européenne montre des signes de croissance économique qu'on attend depuis 10 ans. En plus, l'euro est devenu une devise refuge qui a beaucoup de profondeur. L'euro est la seule devise qui peut espérer remplacer un jour le dollar américain comme devise de référence.»

À l'autre bout de la planète, les dollars australien et néo-zélandais accusent un retard inférieur à 5% par rapport au huard depuis le début de l'année. Un résultat plus qu'honorable considérant la vigueur du dollar canadien.

«Ce sont trois économies qui se ressemblent, dit M. Barrière. À long terme, il n'y a pas beaucoup d'écarts entre leurs devises. Ce sont d'ailleurs les trois devises qui performent le mieux sur le marché depuis cinq ans.»

Une vraie parité

Mardi, le dollar canadien a perdu 23 centièmes de cent par rapport au dollar américain, selon la Banque du Canada.

Le huard valait environ 94 cents US en fin d'après-midi. Selon des analystes, les deux devises pourraient atteindre la parité – une première depuis 1976 – avant la fin de l'année.

«Même si je crois que la parité (entre le dollar canadien et le dollar américain) aura lieu au milieu de 2008, rien n'est impossible d'ici la fin de l'année», dit M. Barrière.

«La parité avec le dollar américain est une possibilité, dit Christian Dupont, vice-président du marché des devises au bureau montréalais de la Société générale, une banque française. En laissant savoir qu'elle aura peut-être besoin de hausser les taux d'intérêt, la Banque du Canada cautionne une devise forte.»

«La plupart des indices mènent à une appréciation de la devise, d'autant plus que le premier ministre Stephen Harper a déclaré publiquement qu'il appuyait une devise forte. C'est assez rare de voir une telle déclaration de la part d'un politicien d'un pays exportateur comme le Canada.»

Entre 1970 et 1976, le huard et le dollar américain étaient pratiquement nez à nez sur le marché des devises. Ils se livraient toutefois une lutte inégale : la Banque du Canada soutenait sa devise de façon ponctuelle.

S'il dame de nouveau le pion à son rival américain, le huard n'aura que l'économie canadienne à remercier.

«La Banque du Canada n'est pas intervenue dans le marché des devises depuis 1998, dit Christian Dupont, de la Société générale. Ces interventions fonctionnement parfois à court terme, mais elles ne sont pas efficaces à long terme.»