Les lucides se sont trouvés une nouvelle recrue de marque: Jacques Ménard, l'ancien président du conseil d'administration des Expos de Montréal et l'un des banquiers les plus en vue au Québec.

Les lucides se sont trouvés une nouvelle recrue de marque: Jacques Ménard, l'ancien président du conseil d'administration des Expos de Montréal et l'un des banquiers les plus en vue au Québec.

L'automne prochain, le président de BMO Groupe Financier au Québec lancera un livre sur les défis du Québec. Il défendra plusieurs thèses du manifeste Pour un Québec lucide, qui compte l'ancien premier ministre Lucien Bouchard parmi ses signataires.

La nouvelle recrue des lucides n'a pas la langue dans sa poche. «Nous avons développé au Québec une tolérance à la médiocrité qui m'ahurit. Nous tournons en rond depuis 15 ou 20 ans. Il est temps que la société québécoise fonctionne mieux. Si nous ne parvenons pas à renverser la tendance, ça va être très difficile de ne pas voir notre qualité de vie baisser. Il y a urgence en la demeure», a dit M. Ménard lundi en marge d'une conférence prononcée devant le Cercle canadien de Montréal.

Jacques Ménard craint surtout un exode massif des cerveaux québécois. «Je demeure un optimiste mais les jeunes Québécois d'aujourd'hui ne sont pas démunis d'alternatives, dit-il. Ils sont plus outillés, plus mobiles et ils ne sont pas indifférents aux alternatives qui s'offrent à eux ailleurs. En plus, ils savent compter. Quand ils prennent connaissance de la situation du Québec, ils souhaitent des changements. Ils voient le train qui s'en vient vers eux.»

Dans son projet de société, Jacques Ménard propose quatre défis aux Québécois: réduire la dette, améliorer la productivité de l'économie québécoise, hausser le financement du système d'éducation et faire face aux conséquences du vieillissement de la population.

«Nous tartinons tellement large au Québec, dit M. Ménard. Plutôt que de dire oui à tout, il faut se demander quelles sont nos priorités, garder le cap et ne pas se laisser distraire par le dernier sondage. Ça demande toutefois de faire des choix courageux.»

Au nombre des solutions avancées par Jacques Ménard: modifier le régime fiscal, faire de l'éducation la priorité absolue du gouvernement et rembourser la dette en haussant les tarifs d'hydroélectricité.

«Les tarifs d'électricité sont presque devenus des programmes sociaux, dit-il. Ça n'a pas d'allure.»

Même s'il priorise le remboursement de la dette et les investissements en éducation, l'ancien président du groupe du travail sur la pérennité du système de santé québécois, qui a remis son rapport en juillet 2005, refuse de condamner les baisses d'impôts de 950 millions octroyées la semaine dernière par le gouvernement Charest.

«Je suis aussi sensible à notre compétitivité sur le plan fiscal, dit-il. La fiscalité est trop élevée au Québec. Il faut ramener les impôts à un niveau qui nous rendra plus attrayant.»

Avec la publication de son livre à l'automne, Jacques Ménard espère conscientiser les Québécois aux défis économiques qui les attendent. Mais il sait fort bien que ses propos ne feront pas l'unanimité. Surtout pas chez Québec Solidaire, le parti politique créé en réaction au manifeste Pour un Québec lucide.

«Les solidaires n'ont pas seulement dit des sottises, dit M. Ménard. Lucien (Bouchard) et moi sommes d'accord avec leurs valeurs de solidarité, de compassion et de justice sociale. Nous portons peut-être des cravates, nous avons le même ADN. Je suis toutefois moins à l'aise avec leurs solutions et le peu d'attention qu'ils portent à la création de richesse.»

«Au moins, il y a moins de non-dit qu'il y a 10 ans, se console M. Ménard. On disait alors aux gens d'affaires: taisez-vous, faites de l'argent et ne parlez pas de politique. Force est de constater que les débats sociaux sont plus riches aujourd'hui.»