Le lancement d'imitations de liqueurs dans les épiceries et dépanneurs, l'une d'Amaretto et l'autre de Peachtree Schnapps, et l'arrivée prochaine de trois autres produits du genre, créent d'importants remous dans l'industrie des vins et spiritueux.

Le lancement d'imitations de liqueurs dans les épiceries et dépanneurs, l'une d'Amaretto et l'autre de Peachtree Schnapps, et l'arrivée prochaine de trois autres produits du genre, créent d'importants remous dans l'industrie des vins et spiritueux.

Toutes ces imitations sont produites par le même fabricant, le groupe Geloso, de Laval.

Nos digestifs sont les pionniers dans le secteur des épiceries et dépanneurs, affirme sa filiale, la Société de vin internationale, dans une publicité parue dans la livraison d'octobre du magazine l'alimentation, lequel s'adresse à l'industrie agroalimentaire.

Les supposées liqueurs en question doivent être vendues sous les noms de Southern Comfort, Crème de Menthe et Coconut Drive, d'après la même publicité.

De nombreuses distilleries fabriquent une Crème de menthe, alors que le Southern Comfort - une marque déposée- est produit uniquement par la société Brown Forman, de Louisville, au Kentucky.

Ça nous touche directement, on a tout de suite sauté au plafond, et on en a saisi notre fournisseur, a déclaré à La Presse Affaires Huong Q. Vu, le directeur général de l'agence Charton-Hobbs, laquelle représente la marque Southern Comfort partout au Canada.

Il poursuit : C'est sûr que Brown Forman va réagir."

L'authentique Southern Comfort, d'un degré alcoolique de 35%, est un assemblage de bourbon (whisky américain) et de liqueur de pêche.

Il s'en vend 14000 caisses de 12 bouteilles par an au Québec, et [près de 50 000 caisses dans tout le Canada], précise Huong Q. Vu.

Le plus étonnant est que Geloso ne fait rien d'illégal...

Ils ont trouvé un loop hole (un trou) dans la loi, souligne Jean-François Fortin, le président de la distillerie Melville, laquelle fabrique et commercialise plusieurs boissons alcoolisées dans le réseau de la SAQ, dont un Amaretto.

En bref : les cinq produits présentés comme des digestifs par Geloso sont élaborés officiellement avec du malt, comme la bière, en vertu du permis de brasseur industriel qui lui vient de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ).

Le permis a été attribué à Broue Alliance, laquelle est une de ses autres filiales.

Tous ces produits sont aromatisés avec des composantes non alcoolisées et ont une teneur en alcool de 14%.

Le problème est un problème d'apparence extérieure, indique le directeur des communications de la RACJ, Réjean Thériault. Si leur intention est de faire accroire aux gens qu'ils achètent autre chose que ce qu'ils achètent, il y a un problème là.

Légalement, rien dans la loi actuelle de la RACJ n'empêche Geloso de donner de tels noms à ses produits.

On est en train de réfléchir au problème. On veut le régler (...) Il y a des avocats à la RACJ qui sont là-dessus pour voir comment on pourrait encadrer ça, dit-il.

Les produits en question entrent directement en concurrence avec les véritables spiritueux vendus à la SAQ, signale C.J. Hélie, vice-président-directeur général de l'Association des distillateurs canadiens.

Sur une bouteille d'Amaretto di Saronno, la SAQ touche 13 dollars en marge bénéficiaire et en taxes, et 30 cents sur l'autre, ce qui est la taxe spécifique du Québec sur une bouteille de bière de 750 milliaires, dit-il.

Dès janvier 2006, au moment de l'introduction sur le marché des deux premiers produits, l'Association des distillateurs a écrit à la RACJ pour poser quelques questions, dit-il. Premièrement, si c'était vrai que c'était seulement un mélange de bière et de produits non alcoolisés.

On n'en a pas de preuves, ajoute-t-il, mais on ne pense pas que c'est seulement ça, nous pensons qu'il est probable qu'il y a de l'alcool distillé dans ces produits.

En avril, la RACJ a informé l'Association des distillateurs qu'elle allait se pencher sur la question, continue-t-il, [et qu'ils nous répondraient quand ils auraient la réponse]. L'Association de distillateurs attend encore sa réponse officielle.

La SAQ est elle aussi intervenue auprès de la RACJ à ce propos.

Ce que la SAQ nous demande, c'est s'il n'y a pas moyen de régler le problème à la source en ce qui concerne l'étiquetage, note Réjean Thériault.

Deuxième question que pose l'Association des distillateurs, selon C.J. Hélie : Est-ce que la politique actuelle de la RACJ a du sens?

Sous entendu : puisque, de toute évidence, elle permet à des sociétés telles que Geloso de faire à peu près n'importe quoi.

Geloso, qui fut d'abord une société d'embouteillage de vins, fut rachetée il y a environ six ans par la Maison des Futailles et, en vertu d'une clause de non-concurrence valable pour cinq ans, disparut du paysage pendant ce laps de temps. Elle est de retour dans l'industrie depuis à peu près un an. Avec des vins, mais aussi ses supposés digestifs.

À noter enfin que certains de ces produits portent des noms légèrement différents des liqueurs originales.

Ainsi, le Peachtree Schnapps est la vraie liqueur, le Peach Snapps, la copie; pour le Southern Comfort, le produit Geloso porte en petits caractères, entre les deux mots, la mention [classic Mississipi].

Mais de loin, tout ce qu'on voit c'est le nom Southern Comfort], souligne Huong Q. Vu, de l'agence Charton-Hobbs.

Ni Geloso ni la SAQ n'ont rappelé La Presse Affaires vendredi afin de faire connaître leur position là-dessus.

La SAQ s'est contentée d'un bref courriel, de la main de sa directrice des communications externes, Michèle Cloutier: Quant aux parts de marché que la SAQ perdrait, on ne peut malheureusement pas les évaluer puisque nous ne pouvons accéder aux chiffres de vente de ces différents produits, aux allures de coolers, vins et spiritueux.

Enfin, le même phénomène touche le milieu du vin, puisqu'on trouve des imitations de marques connues dans le réseau épiceries-dépanneurs, telles que le bordeaux Bichon-Louvet (Mouton-Cadet).

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