Pour survivre malgré «l'énorme mutation» de l'industrie du vêtement au Canada et prendre une forte expansion, le fabricant Claudel Lingerie, de Montréal, s'est transformé en quelques mois en designer et importateur.

Pour survivre malgré «l'énorme mutation» de l'industrie du vêtement au Canada et prendre une forte expansion, le fabricant Claudel Lingerie, de Montréal, s'est transformé en quelques mois en designer et importateur.

Cette décision de l'an dernier de la famille Lapierre a été cependant «un couteau dans le coeur.»

«On n'avait pas le choix. C'était une question de marché et non pas de profits. Ça aurait été de loin plus agréable et plus facile de continuer à fabriquer ici», explique le vice-président à l'importation, François Lapierre.

Fabricant de vêtements pour femmes fondé par son père, Claude Lapierre, en 1967, Claudel commande aujourd'hui 100% de sa confection à des usines étrangères, dont en Chine, en Inde et en Turquie, précise le vice-président.

Le groupe Claudel a ainsi continué de grandir, souligne François Lapierre, et le nombre de ses employés a doublé rapidement, à plus de 400 en deux ou trois ans, si on inclut ceux à temps partiel.

«On a beaucoup investi dans les magasins Lilianne et on en ouvrira d'autres», dit-il. Ce réseau compte déjà 36 boutiques.

L'entreprise mise par ailleurs sur les marques Vanessa, Claudel et Lilianne, en plus de celle de Wonder Bra, sous licence, pour les vêtements de nuit. Claudel vend aussi sa gamme de produits chez des détaillants comme La Baie, Zellers, le Concept C de l'Aubainerie et des boutiques indépendantes.

Claudel n'avait pas le choix. Le prix du marché des pyjamas a chuté de moitié, de 80$ à 40$, et celui des robes de chambre, encore plus, de 140$ à de 40$ à 60$, raconte François Lapierre.

Wal-Mart et les autres chaînes de magasins à escompte qui visent le plus bas prix ont entraîné le marché à la baisse, explique Bob Kirke, directeur général de la Fédération canadienne du vêtement, d'Ottawa.

«Cette grande déflation dans le vêtement a forcé Claudel à sabrer ses coûts pour s'adapter à la mode porter-jeter à chaque saison», renchérit François Lapierre. «La mode reste très importante, mais on n'achète plus un vêtement pour le garder.»

Si des détaillants profitent des bas coûts des vêtements importés pour hausser leurs marges de profits, c'est un phénomène marginal, croit toutefois Bob Kirke, sans par contre avoir de chiffres pour le démontrer.

«Les marges de profits de Claudel ont diminué», renchérit François Lapierre, «et il faut vendre deux à trois fois plus de vêtements pour déclarer les mêmes revenus» que la compagnie à capital fermé ne dévoile pas.

Claudel emploie plus de designers et mise sur des nouveautés à chacune des fêtes de l'année, pour profiter de l'affluence des centres commerciaux. Les livraisons de l'Asie prennent jusqu'à six mois, mais «la mode reste très importante à Montréal. Seule la couture a déménagé», souligne François Lapierre. Devenu un abonné des vols de 20 heures vers l'Asie, le vice-président s'ennuie par contre tous les jours du contact direct avec les employés de la fabrication locale.

«Ottawa a laissé tomber depuis longtemps le vêtement au Canada, ce qui aide plusieurs pays à se développer, mais le gouvernement fédéral devrait pousser ces derniers à hausser leurs normes environnementales dans les usines de textiles», pour ne pas polluer davantage la planète, conclut François Lapierre.