Les craintes d'une intervention du gouvernement fédéral envers les fiducies de revenu ont plombé le titre de Bell Canada Entreprises (BCE), hier.

Les craintes d'une intervention du gouvernement fédéral envers les fiducies de revenu ont plombé le titre de Bell Canada Entreprises (BCE), hier.

Mercredi, le géant canadien des télécommunications avait annoncé son intention de transformer sa filiale Bell Canada en fiducie de revenu. Cette décision a ravivé les appréhensions d'une intervention fédérale envers ce type d'entreprise, qui échappe au fisc.

Et cette inquiétude a fait tache d'huile parmi les investisseurs à la Bourse de Toronto. Ils ont laissé retomber les actions de BCE à leur niveau d'il y a quelques jours, avant le gain provoqué mercredi par l'annonce de la fiducie.

Les actions de BCE ont terminé en baisse de 3,3 % à 31,81 $, alors que l'indice de marché S&P/TSX progressait de 0,8 %.

Mercredi, la valeur boursière de BCE avait bondi de plus de 8 % en cours de séance avant de clôturer en hausse plus modeste de 3,2 %.

"Tant que le fédéral n'aura pas dissipé tout doute d'intervention dans les fiducies, les actions de BCE risquent de subir des pressions baissières en Bourse", selon l'analyste Joseph MacKay, de Valeurs mobilières Desjardins (VMD).

"L'impact du projet de fiducie Bell Canada sur les revenus d'impôt corporatif, en plus de celui de sa rivale Telus, s'annonce tel que les investisseurs craignent qu'il déclenche une révision des fiducies par le ministère fédéral des Finances."

Dans une note aux clients de VMD, l'analyste MacKay souligne que la future fiducie Bell Canada profiterait d'une économie d'impôt d'environ 1 milliard $ durant ses deux premières années, en 2007 et en 2008.

Pour les gouvernements, ce manque à gagner s'ajoutera à celui d'au moins 500 millions $ anticipé avec le projet de fiducie de Telus, annoncé il y a un mois.

Chez la firme UBS, l'analyste en télécommunications Jeffrey Fan abonde dans le même sens.

"Les investisseurs s'inquiètent de l'impact d'un projet de fiducie de l'ampleur de Bell Canada sur les possibilités de BCE et de Telus de mener ces projets à terme, sans intervention du gouvernement", a indiqué l'analyste dans une note aux clients de UBS.

Les fiducies de revenu évitent l'impôt en distribuant la majeure partie de leurs fonds générés directement aux détenteurs de parts, qui eux sont imposés ou non, selon leur situation particulière.

Créée il y a quelques années à l'intention des PME de ressources, les fiducies ont pris de l'ampleur dans d'autres secteurs.

Depuis deux ans, leur nombre a doublé à 250, provoquant une perte d'impôt corporatif proche de 1 milliard $ pour le fédéral surtout, mais aussi pour les provinces.

Pour l'instant, le gouvernement conservateur de Stephen Harper semble vouloir se tenir en coulisses, malgré des indices d'un inconfort grandissant.

À Vancouver, hier, au lendemain de l'annonce de l'énorme fiducie de 28 milliards $ par BCE, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a fait état de sa "préoccupation" envers l'essor de ce type de structure d'entreprise.

Pendant ce temps, à Toronto, le premier ministre Harper a indiqué en conférence de presse qu'il "n'avait pas l'intention de faire des commentaires spéculatifs sur les fiducies de revenu au-delà de dire que nous surveillons la situation très attentivement".

Malgré leur ambiguité, ces propos du premier ministre et de son ministre des Fiances ont résonné de façon négative sur Bay Street.

D'autant que les fiducies de revenu ont perdu du lustre récemment, en raison d'une perception de risque accru de mauvais résultats chez plusieurs fiducies de taille restreinte.

Dans le cas de BCE, sa valeur boursière rabaissée hier sous les 32 $ l'action s'éloigne aussi de la valeur anticipée pour les parts de la future fiducie de revenu Bell Canada.

La moyenne des estimations d'analystes la situe entre 35 $ et 36 $ par part, ce qui comprend la prime accordée en Bourse à l'exemption d'impôt corporatif dont bénéficient les fiducies.

Chez Genuity Capital, à Toronto, l'analyste en télécoms Dvai Ghose applaudit le projet de BCE pour son avantage fiscal, mais aussi pour le fait d'avoir agi maintenant avant que le fédéral révise sa politique.

Dvai Ghose est l'un des analy- stes qui ont rehaussé leur prix-cible des actions de BCE et, indirectement, des parts de la future fiducie Bell Canada.

Mais pour l'analyste new-yorkais Patrick Grenham, de Citigroup Global Markets, les incertitudes qui entourent le projet de fiducie Bell Canada justifient une recommandation abaissée à "maintien en portefeuille" à l'égard de BCE.

© 2006 Le Soleil. Tous droits réservés.