Rien n'était zen sur les marchés financiers jeudi, tout était plutôt yen.

Rien n'était zen sur les marchés financiers jeudi, tout était plutôt yen.

La devise nipponne s'est appréciée contre 16 des 17 principales monnaies du monde, y compris contre le dollar canadien.

Dans cette folle tourmente déclenchée par une soudaine aversion des investisseurs et des spéculateurs pour le risque, le billet vert américain a joué quelque peu son rôle de valeur refuge bien qu'il ses soit affaibli lui aussi contre le yen.

Voilà pourquoi le huard a connu sa pire séance en 13 mois contre le billet vert. Il a abandonné 1,18 cent d'équivalence pour coter 94,91cents US au fixing de 16h.

«On peut parler d'un mouvement de sympathie avec le dollar néo-zélandais qui a perdu 2,4% et australien qui a cédé 1,21%, explique de manière imagée Hughes Lajeunesse, vice-président principal, change étranger, chez BNP Paribas. Pour le dollar canadien, c'est relativement mince comme correction cependant.»

Si mardi le huard avait terminé à 96,36 cents US à la faveur de chiffres sur les ventes au détail qui avaient laissé bouche bée cambistes et investisseurs, on oublie qu'il s'échangeait à 90 cents US encore au printemps.

À l'origine de cette poussée soudaine du yen, il y a son rôle de portage qu'il joue depuis 12 mois. Comme le taux directeur de la Banque du Japon s'élève à 0,5% seulement, de grandes institutions financières empruntent en yens pour investir dans des endroits où les taux sont plus alléchants: le Canada par exemple, mais surtout les États-Unis où les marchés boursiers offrent un bon rendement depuis un an.

L'appât du gain guidait ce mouvement. Il a cédé le pas à la panique. «C'est une des journées les plus occupées que j'ai connues, raconte Éric Lacelles, stratège principal chez TD Valeurs mobilières. C'est incroyablement nerveux.»

Les marchés financiers craignent désormais que la crise des prêts hypothécaires à haut risque en défaut aux États-Unis ne soit plus grave que prévu. On apprenait ainsi hier que le prix de vente des maisons neuves était en baisse de 2,2% par rapport à l'an dernier tandis que le stock de maisons neuves invendues équivalait à 7,8 mois de production.

Les détenteurs de prêts à haut risque sont surtout des premiers acheteurs. Comme le prix de leurs maisons ne s'apprécie pas, ils ne peuvent les revendre pour s'en procurer de plus coûteuses. Ils doivent en outre renégocier à la hausse le taux d'intérêt de leurs prêts car les hypothèques fermées ne sont pas monnaie courante au sud de la frontière.

Les prêteurs accumulent les mauvaises créances. Ils sont nombreux à éprouver des difficultés. Leurs déboires ou les craintes de leurs déboires font tache d'huile en Bourse. Leurs porteurs d'actions les liquident afin de rembourser au plus vite leurs emprunts en yens, avant que leurs gains des derniers mois ne se transforment en pertes. Ils déclenchent un mouvement de ventes généralisées.

Bref, on assiste à un renversement des opérations de portage (carry trade). «Quand la nervosité apparaît, les investisseurs se couvrent sur le yen», résume Alexandre Belzile, cambiste à la Banque Laurentienne.

Ceux qui n'ont pas emprunté dans l'empire du Soleil levant empochent quand même leurs profits boursiers. Ils se réfugient sur les marchés obligataires où la demande était très forte, hier. Tant les taux canadiens qu'américains étaient à la baisse. Les taux évoluent en sens inverse du prix des obligations.

À terme, bien malin qui pourra dire ce qui attend les investisseurs. Le huard pourrait bien se négocier dans la fourchette de 93-95,5 cents US souhaitée par la Banque du Canada. L'économie canadienne va bien, le prix du pétrole reste très élevé et les pressions inflationnistes persistent. Sur une base annuelle, on apprenait hier que l'indice à pondération fixe de la rémunération horaire moyenne avait progressé de 4,9%, du jamais vu en 15 ans. Qui plus est, ce n'est pas qu'une histoire allbertaine. La poussée des salaires au Québec s'élève à 5,7%.

Voilà de quoi inquiéter la Banque du Canada et renforcer la probabilité d'une nouvelle hausse de son taux directeur en septembre. Cela devrait soutenir le huard à terme, y compris contre le billet vert. Aux États-Unis, on a recommencé à spéculer sur une baisse des taux de la Réserve fédérale...