Une nouvelle norme des relations socioéconomiques entre l'industrie minière et les communautés autochtones est en train de voir le jour au Québec. Un pas important pour exploiter les gisements sans exploiter les peuples.

Une nouvelle norme des relations socioéconomiques entre l'industrie minière et les communautés autochtones est en train de voir le jour au Québec. Un pas important pour exploiter les gisements sans exploiter les peuples.

Pour les villages nordiques de Salluit et Kangiqsujuak, le mois d'avril est celui de la récolte des bénéfices du secteur minier. Chaque année, la mine de nickel Raglan, située à proximité, leur remet une part de ses profits selon une entente d'impact et de bénéfices (IBA en anglais), négociée il y a 10 ans.

Avec la flambée des prix des métaux de base, 16,7 millions seront ainsi versés à la société Makivik cette année. L'organisme à but non lucratif, dont le mandat est de faire respecter les droits territoriaux des Inuits, redistribue ensuite ce montant aux habitants sous forme de monnaie sonnante et de programmes sociaux.

L'entente signée par les deux parties en 1997 prévoit aussi de nombreux programmes de formation et, à compétences égales, une priorité d'embauche pour les Inuits de la région.

«Plutôt que de décider ce qui est bon pour les communautés, nous les laissons nous dire ce dont elles ont besoin», explique Mario Julien, directeur des ressources humaines à la mine de Raglan. Cette approche, pétrie de sens commun, constitue néanmoins une révolution dans la façon dont les sociétés minières traitent les autochtones de la province.

«Dans les années 70, les autochtones étaient tout simplement déplacés lors de l'ouverture des mines», dit Alan Penn, conseiller scientifique à l'Administration régionale Crie (ARC), l'équivalent Cri de la société Makivik.

Même aujourd'hui, les IBA sont encore l'exception dans l'industrie. Aucune loi, fédérale ou provinciale n'oblige les entreprises à négocier. On s'en remet à leur bonne volonté. Et pourtant, plusieurs minières semblent y trouver leur compte.

À la mine d'or Troilus, la première à avoir négocié une IBA avec les Cris de Mistissini en 1996, environ 15 % des emplois sont occupés par des Cris.

Les habitants de la communauté fournissent aussi la mine en denrées, équipements et services de toutes sortes. En retour, ils ont reçu 40 millions en retombées économiques l'an dernier seulement, soit près d'un quart du budget total de la mine.

Gagnant-gagnant

«Pour les entreprises minières, les IBA sont une vraie chance de faire bénéficier les communautés environnantes sans augmenter les coûts d'exploitation de la mine», explique Dave Heritage, analyste financier et négociateur auprès des Cris de l'entente Troilus.

Contrairement à l'entente Raglan, aucune formule de partage des profits n'a été prévue dans ce cas spécifique. «Mais donner de l'emploi à 70 ou 80 familles, voilà une valeur socioéconomique bien plus importante pour les autochtones», ajoute-t-il.

Du côté des minières, les deux principales réserves des employeurs en ce qui concerne les autochtones sont le manque de productivité et la création d'une norme de travail différente (salaires, bénéfices, etc.), dit M. Heritage.

Les ententes pionnières de Troilus et Raglan ont su démontrer que leurs craintes n'étaient pas fondées. Un dénouement heureux pour les Cris et les Inuits. Plusieurs compagnies junior emboîtent le pas des grandes minières et sont en train de négocier, avec succès, leurs propres IBA.

«Bientôt, il n'y aura plus de mines qui vont s'installer sans ces ententes», prédit Mario Julien.

Forte de sa réussite, la multinationale suisse Xstrata, propriétaire de Raglan, songe déjà à exporter son concept. Elle est actuellement en palabre avec les Kanaks de Nouvelle-Calédonie au sujet de l'ouverture d'une importante mine de nickel sur leur territoire.

«Les aborigènes de partout dans le monde se parlent», dit Mario Julien. Et ils n'exigeront rien de moins que leurs frères, où qu'ils soient sur le globe.