Louis et Johanne doivent non seulement planifier leur propre avenir, mais également celui de leur enfant.

Louis et Johanne doivent non seulement planifier leur propre avenir, mais également celui de leur enfant.

Leur petit Alexandre, âgé de 11 ans, souffre d'un handicap intellectuel.

«Bien que le handicap de notre fils ne soit pas majeur, il ne sera jamais entièrement autonome, explique Louis. Nous devons donc prévoir son avenir le plus loin possible.»

Il faut voir loin, en effet. Alexandre a une espérance de vie d'environ 60 ans. " Qu'est-ce qu'on doit faire pour qu'il ait le nécessaire lorsque nous ne serons plus là? Notre premier réflexe est de tout mettre pour Alex plus tard, mais je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure formule. "

Alexandre aura probablement accès à divers programmes sociaux. Mais lesquels? De quelle ampleur? " Il peut être placé dans un appartement supervisé, par exemple, indique Louis. Mais s'il a des revenus connexes, il peut avoir mieux. Nous voulons qu'il ait plus que seulement la base. "

Évaluation délicate pour Marguerite Pernice, directrice principale, Gestion personnalisée, à la Banque Nationale. Elle a établi trois cas de figure, pour lesquels elle pose les mêmes prémisses : Louis et Johanne doivent en priorité " récupérer leur ballon REER ". Ils ont respectivement 25 000 $ et 59 000 $ en droits de cotisations REER inutilisés.

Or, au décès du dernier parent survivant, les REER peuvent être cédés à un enfant handicapé et à charge sans que l'impôt soit immédiatement exigible. C'est l'enfant qui sera imposé à mesure des retraits. Notre couple a donc tout avantage à verser au REER tout surplus budgétaire, jusqu'à combler le retard de ses cotisations.

Marguerite Pernice leur prescrit de poursuivre leur rythme de cotisation actuel 6950 $ par année pour lui, 3300 $ pour elle. Dès que l'hypothèque sera remboursée, fin 2012, les liquidités dégagées seront consacrées au rattrapage de leurs droits inutilisés, qui sera complet au moment de leur retraite.

" Madame n'a pas de caisse de retraite, observe notre planificatrice. Monsieur devrait donc contribuer au REER de sa conjointe. Si le projet de loi Flaherty devient effectif il permet de partager un maximum de 50 % des revenus de retraite d'un ménage , on pourra réviser cette mesure. "

Dans ces conditions, il devient impératif de rédiger une convention de conjoints de fait pour prévenir les injustices en cas de rupture.

Cela dit, attaquons les trois scénarios.

Premier scénario : retraite à 65 ans

Louis et Johanne atteignent sans encombre leur retraite, qu'ils prévoient prendre dans 19 ans, quand Louis aura 65 ans et Johanne, 61. Le couple conserve son train de vie actuel de 90 000 $ par année, sous une inflation de 2 %. Le rendement de leurs investissements REER est fixé à 6 %, et celui des épargnes non enregistrées à 4 %.

En tenant compte des rentes gouvernementales et du régime de retraite de Louis, les épargnes du couple contiendront encore 320 000 $ dans 50 ans.

Si on y ajoute la valeur de leur résidence de 200 000 $, qui vaudra alors 420 000 $ (à raison d'une plus-value de 1,5 % par année), Alexandre pourrait donc compter à 61 ans sur un capital de 740 000 $. En supposant un rendement de 4 %, cette somme lui assurera pendant les 30 années suivantes un revenu annuel de près de 43 000 $. C'est l'équivalent d'environ 16 000 $ en dollars d'aujourd'hui.

S'y ajouteront les rentes et programmes sociaux auxquels il pourra avoir droit. Les dépenses d'Alexandre seront nécessairement limitées : il ne sera jamais en mesure de posséder voiture ou maison.

" Si les parents se rendent à la retraite, il n'y a pas de problème ", conclut notre experte.

Décès des deux parents...

Les choses se compliquent si un parent meurt avant la retraite. Mettons les choses au pire : les deux parents décèdent demain. Dans la situation actuelle, Alexandre hériterait de 800 000 $ d'actifs assurances vie de 300 000 $ de Louis et de 100 000 $ de Johanne, maison, épargnes, caisse de retraite...

Si Alexandre touche un salaire de 15 000 $ entre 25 et 55 ans, il serait en mesure de maintenir un train de vie de 30 000 $ pendant 50 ans, indexé à 2%. À ces revenus s'ajouteraient les programmes gouvernementaux auxquels Alexandre aura droit.

À partir de 61 ans au-delà de son espérance de vie présumée , il ne pourra plus compter que sur les programmes gouvernementaux.

S'il ne touche aucun salaire, son coût de vie est réduit à 23 000 $, indexé durant les 50 prochaines années.

" Si on pense que c'est insuffisant, il faut songer à prendre une assurance vie plus élevée ", indique Mme Pernice. Il faudrait alors envisager une assurance temporaire, qui permettrait au couple de parvenir à la retraite sans inquiétude.

Explorons cette voie dans l'hypothèse du décès de Louis, qui touche le revenu le plus élevé.

Décès précoce de Louis...

Si Louis décédait, ses biens et épargnes iraient tous à Johanne. L'hypothèque, assortie d'une assurance vie, se trouverait aussitôt acquittée, ce qui soustrairait 10 000 $ aux 90 000 $ de dépenses annuelles du ménage. Parce que le ménage compterait une personne de moins, Mme Pernice a fixé un coût de vie approximatif de 55 000 $. Une fois à la retraite, ce train de vie serait encore réduit de 10 %.

Louis bénéficie d'un régime d'assurance vie avec son employeur, qui verserait trois fois son salaire, soit environ 300 000 $. La planificatrice y ajoute une assurance vie temporaire de 200 000 $. Johanne laisserait alors, dans 50 ans, des épargnes de 180 000 $ et une maison de 420 000 $. Ce capital de 600 000 $ procurerait à Alexandre un revenu non indexé de 34 700 $ jusqu'à 91 ans.

Mme Pernice recommande enfin de faire un testament fiduciaire. " L'enfant ne sera jamais capable de se prendre en charge à 100 %. Il faut créer une fiducie viagère qui gérera ses biens sa vie durant, et le choix d'une société de fiducie serait souhaitable afin d'en assurer la pérennité. "

Une planification à très long terme...

LES FAITS

Louis 46 ans

Revenu : 104 000 $

REER : 49 000 $

Compte de retraite immobilisé : 48 000 $

Droits de cotisation REER inutilisés : 25 000 $

Régime de retraite d'employeur

Johanne 42 ans

Revenu : 40 000 $

REER : 23 600 $

Droits de cotisation REER inutilisés : 59 000 $

Aucun régime de retraite

Propriété : valeur de 200 000 $

Solde hypothécaire de 59 000 $, acquitté en 2012

Alexandre

11 ans

Rente de 150 $ par mois investie dans un REER

L'ANALYSE

Louis et Johanne doivent rattraper leurs droits de cotisation REER inutilisés. S'ils décèdent après leur retraite, Alexandre touchera ainsi un héritage qui lui procurera un revenu suffisant. Le décès précoce d'un ou l'autre parent amoindrirait ces revenus. Une assurance vie temporaire serait une bonne idée

" On ne connaît pas le coût de vie véritable de l'enfant quand il sera adulte. Mais les parents auront au moins des repères. " Marguerite Pernice