Revenu Québec vient de démanteler un présumé réseau de fraudeurs immobiliers, qui s'enrichissait grâce au stratagème classique du «flip» de propriétés.

Revenu Québec vient de démanteler un présumé réseau de fraudeurs immobiliers, qui s'enrichissait grâce au stratagème classique du «flip» de propriétés.

À la mi-avril, le ministère a fait des perquisitions dans 16 différents bureaux des régions de Gatineau, Laval, Lachute, Longueuil et Val-des-Monts. Le réseau comprendrait 11 personnes et 10 entreprises, dont certaines agissaient sous le nom de Groupe immobilier Access.

Le «flip» de propriétés est un cas classique de fraude en immobilier, qui apparaît dans les périodes de surchauffe du marché. Le processus consiste à procéder à plusieurs ventes rapides et successives d'une même propriété avec, entre chacune, une hausse substantielle et artificielle du prix de vente.

La dernière transaction de la série est financée auprès d'une institution financière en fonction d'un prix très élevé. Les fraudeurs empochent la différence entre le prix réellement payé pour l'immeuble et le surplus de financement. Le stratagème, qui trompe les banques, fonctionne à l'aide de prête-noms et de fausses évaluations.

Le réseau mis au jour par Revenu Québec implique environ 400 transactions immobilières. Le stratagème aurait permis à ces personnes et ces entreprises de réaliser des revenus de 8,8 millions de dollars entre janvier 1999 et mars 2006.

Revenus non déclarés

Ces revenus n'étaient évidemment pas déclarés à Revenu Québec, mais le fisc réclame aujourd'hui son dû, en plus d'amendes pouvant représenter le double des montants éludés.

Globalement, la facture pourrait donc approcher les 10 millions de dollars. Précisons qu'il s'agit d'accusations de Revenu Québec, qui n'ont pas encore été prouvées en Cour.

Selon Revenu Québec, la tête dirigeante du réseau serait un certain Clermont Bouchard, de Gatineau. M. Bouchard est notamment l'un des représentants de la société 6 001 238 Canada inc.

De 2002 à 2005, cette entreprise a réalisé des transactions immobilières d'une valeur de 37,2 millions de dollars, engendrant des revenus bruts de 4,3 millions, est-il écrit dans l'un des mandats de perquisition que nous avons obtenu.

À Laval, le fisc a ciblé l'entreprise 6101470 Canada inc., faisant affaire sous la raison sociale Groupe immobilier Access. Cette entreprise a ses bureaux sur le boulevard Lévesque Est et est administré par un certain Michel Tremblay.

Entre 2004 et 2006, l'entreprise aurait réalisée pour 3,2 millions de dollars de transactions immobilières, procurant des revenus de 408 000$, selon Revenu Québec. À ce montant s'ajoute des revenus de 450 000$ réalisés par Michel Tremblay entre 2002 et 2004, revenus non déclarés.

Concernant Michel Tremblay, le fisc donne l'exemple de l'immeuble qui abrite le social de son entreprise, à Saint-Vincent-de-Paul. La propriété a été achetée par un collègue le 14 juillet 2004 au montant de 109 000$.

Dix jours plus tard, elle était revendue à M. Tremblay pour 149 900$. La propriété a alors bénéficié d'un prêt hypothécaire de 112 425$ de la Banque CIBC, soit davantage que le prix de départ.

Joint à son bureau de Laval, Michel Tremblay affirme n'être au courant de rien. «Je ne sais pas de quoi vous parler. Je n'ai rien à dire là-dessus», a dit M. Tremblay, qui a toutefois admis travailler pour le Groupe immobilier Access.

La Presse Affaires a laissé des messages téléphoniques à deux autres membres du réseau, dont Clermont Bouchard, mais ils n'ont pas rappelés.

Pour justifier ses perquisitions, Revenu Québec s'est notamment servi de l'enquête de Revenu Canada. De simples particuliers ont admis aux enquêteurs fédéraux avoir servi de prête-noms pour le stratagème de Clermont Bouchard en échange de petites sommes.

Revenu Québec a également épluché une enquête de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ) qui portait sur l'agent immobilier Bruce Lemieux.

En 2005, cet agent de l'Outaouais a perdu son permis de pratique pour une période de 30 ans pour avoir participé au «lip»de propriétés. L'enquête a démontré que Clermont Bouchard et Linda Goulet - un autre membre du réseau - participaient aux transactions frauduleuses.

Un certain Rock Tremblay figure également parmi les noms ciblés par l'ACAIQ et Revenu Québec. M. Tremblay a déclaré faillite en 2003, mais Revenu Canada a intercepté une correspondance en 2001 entre Rock Tremblay et une banque suisse établie à Nassau, aux Bahamas. Le document prouve que M. Tremblay avait un compte de banque aux Bahamas.

Revenu Québec n'a pas été en mesure de nous dire si des particuliers figurent parmi les victimes du stratagème, en plus des institutions financières.