Parvenue à 57 ans, Hélène appelle sa retraite de tous ses voeux, mais ne voit rien venir

Parvenue à 57 ans, Hélène appelle sa retraite de tous ses voeux, mais ne voit rien venir

Quand aimerait-elle cesser de travailler? «Demain matin!», répond-elle en riant, avant de préciser plus raisonnablement: «Je m'alignerais sur 62 ans.»

Pour prendre une retraite rapide, ajoute-t-elle, elle devra sans doute gagner à la loterie ou marier un millionnaire.

Divorcée, Hélène travaille depuis 2001 dans les services administratifs d'une grande entreprise québécoise, où elle gagne un salaire de 50 000$. Elle a accumulé jusqu'à présent 13 600$ dans le régime de retraite à cotisations déterminées de son employeur. Un REER immobilisé, issu d'un précédent emploi, contient pour sa part 20 000$.

Hélène a acquis un logement en copropriété en 2000. Le solde hypothécaire de 64 500$ ne sera pas acquitté avant 2024 - «ce qui me démoralise totalement», lance-t-elle.

Pour cet achat, elle a effectué un retrait de 20 000$ de son REER en vertu du Régime d'accession à la propriété (RAP), qu'elle rembourse à raison de 1333$ par année.

«Depuis l'achat de mon condo, explique Hélène, je verse chaque mois 200$ dans un certificat de placement garanti (CPG) afin de faire des versements pour mon RAP, et avec ce qui reste de ce pécule - minuscule, je l'avoue -, je souscris à des REER au Fonds de solidarité de la FTQ.»

Ses remboursements d'impôts sont également déposés dans ce CPG, qui contient ainsi en fin d'année une somme variant entre 3500$ et 5000$. Sous ce régime, ses REER totalisent 28 000$.

Malheureusement, son désir d'un amortissement hypothécaire raccourci et son espoir d'une retraite rapide sont en concurrence. «C'est pourquoi je me posais la question: est-il préférable, au lieu de contribuer à mes REER, de me concentrer sur l'hypothèque pour l'éliminer le plus rapidement possible?»

«J'attends vos conseils avec impatience afin, ironise-t-elle, de ne de pas être une retraitée toute ratatinée parce que vieille... et haïssable parce que pauvre.»

Priorité au REER

Malheureusement, en raison de sa situation financière, Hélène ne peut espérer prendre une retraite plus hâtive qu'à l'âge de 65 ans.

Même alors, elle devra s'imposer une sévère discipline.

Les planificateurs financiers Josée Bilodeau et Stéphane Mercure, de BMO Groupe financier, ont incité Hélène à établir son budget.

Son coût de vie a ainsi été fixé à 26 700$, hormis ses épargnes annuelles et le remboursement de son RAP, qui totalisent pour leur part 3700$. À la retraite, une fois son hypothèque remboursée, Hélène croit pouvoir ramener ses dépenses à 16 000$.

Pour résoudre le dilemme REER ou hypothèque, nos planificateurs ont lancé deux fois leur machine à voyager dans le temps. Dans les deux cas, ils prévoient qu'à 65 ans, les régimes immobilisés d'Hélène - ceux de ses employeurs précédent et actuel -totaliseraient un peu plus de 90 000$.

Pour que les placements d'Hélène puissent produire le rendement de 6% utilisé dans leurs projections, les planificateurs suggèrent une allocation d'actifs répartie à raison de 40% en revenus fixes et 60% en revenus de croissance - proportion compatible avec la tolérance au risque d'Hélène.

Ils supposent également que parvenue à 80 ans, Hélène vendra son condo et vivra en résidence, pour un coût de vie haussé à 28 000$. En considérant une indexation de 2,5%, le condo, qui vaut présentement 120 000$, aura alors atteint une valeur de 217 000$.

Dans une première projection, Hélène consacrerait toute ses épargnes annuelles de 3700$ aux cotisations REER, et maintiendrait ses versements hypothécaires à leur niveau actuel.

En supposant un taux d'intérêt stable à 5,5%, le remboursement de son hypothèque s'achèverait dans 17 ans, quand Hélène aura atteint 74 ans. Une fois cette dette acquittée, son coût de vie passerait de 22 000$ à 16 200$, en dollars d'aujourd'hui.

Cette stratégie permettrait à Hélène d'accumuler un capital REER d'environ 85 000$ à 65 ans. Mais parce qu'elle devra y puiser largement pour soutenir son hypothèque pendant les neuf années suivantes, ses REER seraient déjà épuisés à 71 ans.

S'en suivraient trois années de déficit budgétaire, avant que les revenus équilibrent à nouveau les dépenses. Le capital issu de la vente du condo serait épuisé à 89 ans.

Ou priorité à l'hypothèque

Dans la seconde projection dans l'avenir, Hélène réserve 2367$ de son épargne annuelle de 3700$ pour le paiement accéléré de son hypothèque. Les 1333$ restants seront appliqués au remboursement de son RAP.

En supposant un taux d'intérêt de 5,5%, l'hypothèque serait acquittée en 10 ans et cinq mois plutôt qu'en 17 ans - ce qui libère Hélène dès l'âge de 67 ans.

Dans ce scénario, le REER d'Hélène ne contiendrait que 61 000$ à 65 ans. Mais après à peine trois ans de retraite, l'hypothèque est acquittée et le coût de vie chute en proportion, ce qui lui permet d'étirer son REER et le capital de sa maison jusqu'à 90 ans - sans la période de déficit intermédiaire du premier scénario.

«Considérant les montants restreints pour l'épargne, le peu d'années avant la retraite et le profil d'investisseur d'Hélène, il est plus rentable de rembourser l'hypothèque, concluent nos spécialistes. Il aurait fallu un horizon de placement plus long pour que l'avantage des rendements à l'abri de l'impôt compense le fait que les retraits du FERR soient pleinement imposés.»

Hélène devra rembourser son RAP au rythme prescrit par le fisc, pour éviter que les versements exigibles ne soient imposés. Mais plutôt que d'accumuler l'argent et faire la remise en fin d'année, elle aurait avantage à effectuer le versement à intervalle de deux semaines.

«À long terme, observent encore les deux planificateurs, cette stratégie réduit le coût moyen des parts de fonds d'investissement, met immédiatement les rendements à l'abri de l'impôt et permet à chaque montant d'être investi dans un véhicule plus rentable que le marché monétaire où ces sommes sont présentement accumulées.»

Le scénario qui priorise l'hypothèque comporte lui aussi des failles. Après 90 ans, les revenus d'Hélène chutent sous le seuil nécessaire pour soutenir son train de vie de 16 000$ par année - déjà très frugal.

Un portrait en demi-teintes, qu'Hélène pourrait éclaircir en considérant, durant sa retraite, un emploi à temps partiel ou saisonnier.

Chose certaine, mieux vaut ne pas compter sur la loterie.