L'industrie du porc québécoise ne fait pas d'argent à l'heure actuelle. Et pour Kevin Grier, analyste au Centre George Morris, il n'y a pas mille conclusions à en tirer. «Le Québec doit être compétitif avec le reste du Canada et le reste du monde... ou réduire sa production substantiellement.»

L'industrie du porc québécoise ne fait pas d'argent à l'heure actuelle. Et pour Kevin Grier, analyste au Centre George Morris, il n'y a pas mille conclusions à en tirer. «Le Québec doit être compétitif avec le reste du Canada et le reste du monde... ou réduire sa production substantiellement.»

En décembre dernier, lors d'une assemblée de la Fédération des producteurs de porcs du Québec, l'analyste ne s'est pas fait que des amis en confrontant les éleveurs à la dure réalité qui est la leur.

À ceux qui rêvent de solutions alternatives pour se sortir de la crise – stimuler la demande locale, ou se recycler dans le porc bio — M. Grier a été impitoyable. Vous allez vous battre avec le Brésil et les États-Unis sur la scène internationale... ou bon nombre d'entre-vous allez disparaître, a-t-il dit en substance aux producteurs.

«Il y a des McDonald's pour le boeuf, des St-Hubert et des Kentucky pour le poulet. Pourquoi on n'aurait pas des chaînes de restaurants qui vendraient nos produits?», s'est interrogé un éleveur de cochons.

M. Grier lui a poliment fait comprendre qu'il fallait arrêter de rêver. Car on a beau dire aux Québécois que le gras du porc s'enlève comme un peau du banane, ou les inciter à être tendre avec leur cochon québécois, promettant qu'il le leur rendra bien, les habitants de la belle province continuent de manger moins de porc que le reste des Canadiens.

«La demande est stable, et ça, c'est pour être poli. Il faudrait plutôt dire qu'elle est stagnante. Ce que ça veut dire, c'est que vous ne pouvez pas compter sur le marché domestique pour croître», a averti M. Grier. Les chiffes montrent d'ailleurs à quel point l'industrie porcine québécoise dépend des exportations.

L'Union européenne exporte 7% de sa production; les États-Unis, entre 10 et 13%, le Brésil, 25%. Au Québec, c'est 63% de la production qui est exportée, dont 18% dans le reste du Canada.

Pourquoi ne pas faire les choses différemment ? Miser sur la qualité, faire du porc bio, transformer davantage les produits ?

Cela pourrait bien être une partie de la solution. Mais ce ne sera jamais suffisant pour soutenir une industrie de la taille de celle du Québec, croient les experts. «Le nerf de la guerre se résume à trois choses, aime dire M. Grier. Le prix, le prix, et le prix.»

Mais cette guerre est-elle déjà perdue? La Financière agricole prévoit que l'État québécois devra verser 164 millions de dollars aux producteurs pour l'année 2006 via le programme de l'assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA). Et les producteurs, qui contribuent à hauteur d'un tiers à l'ASRA (le reste provient de l'État), sont tellement pris à la gorge que 20% d'entre eux sont actuellement incapables de verser leur part.

«En 35 ans, je n'ai jamais vu ça, dans aucune production», s'est exclamé à ce sujet Laurent Pellerin, président de l'Union des producteurs agricoles.

Après le meuble et le textile, faut-il déjà inscrire le cochon québécois à la liste des industries exportatrices victime de la mondialisation? Le considérer comme un «secteur mou» et le laisser péricliter lentement, sans y engloutir l'argent de l'État?

Maurice Doyon, de l'Université Laval, croit qu'il est trop tôt pour envoyer les avis de décès. «Il faut réaliser qu'on continue, aujourd'hui, à vendre sur les marchés internationaux. On a des problèmes structuraux qu'on est capable d'ajuster pour passer à travers la crise. Je ne dis pas que ça ne fera pas faire mal. Mais on est capable de s'en sortir.»

«La production peut devenir extrêmement rentable dans deux ans, ajoute-t-il. Imaginez la grippe aviaire qui frappe solidement en Europe, ou des cas de vache folle qui amènent un transfert dans la consommation. Demain matin, on peut rouler sur l'or dans le porc.»