Plutôt que d'alimenter les pipelines, ils récoltent ce qui en sort. Leur slogan : «la même qualité à moindre prix.» Ce sont les fabricants de médicaments génériques. Et ils ont le vent dans les voiles, même au Québec, où le contexte ne les a pourtant jamais favorisés.

Plutôt que d'alimenter les pipelines, ils récoltent ce qui en sort. Leur slogan : «la même qualité à moindre prix.» Ce sont les fabricants de médicaments génériques. Et ils ont le vent dans les voiles, même au Québec, où le contexte ne les a pourtant jamais favorisés.

Dans les couloirs des grandes pharmas, on aime se comparer aux producteurs d'Hollywood qui créent les blockbusters que tout le monde aime. Les entreprises de médicaments génériques? «Elles ne font que graver des CD de films déjà faits», murmure-t-on pour pousser l'analogie jusqu'au bout.

La boutade n'a évidemment rien pour plaire aux principales intéressées. Mais elle illustre peut-être la menace que commence à faire peser l'industrie des génériques sur celle des médicaments d'origine au Québec.

Les fabricants de génériques interviennent lorsque les brevets des entreprises qui fabriquent les médicaments sont échus. Leur mission : démontrer aux organismes réglementaires comme Santé Canada ou la FDA américaine qu'ils peuvent en fabriquer une version équivalente, qui sera vendue moins cher que le médicament de marque. Pour un seul médicament d'origine qui a connu de bonnes ventes, de cinq à sept versions génériques peuvent voir le jour.

Dans le passé, des choix politiques ont poussé les fabricants de générique vers l'Ontario. Le Québec, lui, a plutôt choisi de séduire les entreprises de recherche et développement qui fabriquent les médicaments d'origine.

«Si vous reculez d'une vingtaine d'années, à l'exception de Pharmascience, les génériques étaient concentrés à toutes fins pratiques à Toronto», explique Yves Dupré, directeur exécutif pour le Québec de l'Association canadienne du médicament générique.

Or, après des années de retard, l'industrie québécoise du générique reprend du poil de la bête. Et rapidement. En 2000, les fabricants québécois vendaient pour 490 millions de médicaments génériques ; cinq ans plus tard, le cap du milliard de dollars était franchi.

Une partie de cette croissance s'explique par le fait que les Québécois sont eux-mêmes plus friands de ce type de médicaments. Les génériques représentent aujourd'hui 14,2 % du marché québécois, contre à peine 5,9 % en 1992. Mais les exportations grimpent aussi en flèche : 57 millions en 2005, contre sept millions de dollars en 2000.

La vague du générique qui gagne le Québec est représentative d'une industrie qui voit de belles choses dans sa boule de cristal. Car si les entreprises de médicaments d'origine peinent à remplir leurs pipelines, les fabricants de génériques, eux, salivent en voyant plusieurs médicaments-vedettes tomber bientôt sous leur contrôle.

«Et vous vous doutez bien que l'industrie des médicaments génériques est très au courant des dates d'échéances de tous les brevets», dit à ce propos M. Dupré. La transition entre médicament d'origine et médicament générique n'est pas toujours douce. À l'approche de la date d'échéance d'un brevet, il n'est pas rare de voir les grandes pharmas tenter de prolonger leur exclusivité commerciale en modifiant leur produit pour obtenir un nouveau brevet, tandis que les fabricants de génériques jouent du coude pour sauter dans la mêlée. Les choses finissent bien souvent devant les tribunaux.

Et avec des molécules comme le Lipitor et le Plavix sur le point de perdre leur brevet - les deux molécules les plus lucratives de l'année 2005 - des milliards de dollars de ventes s'apprêtent à passer dans les mains de l'industrie des génériques. De belles perspectives de croissance à l'horizon, qui n'échappent pas aux acteurs québécois : selon leurs propres prévisions, ils s'attendent à une croissance annuelle de 15 %... pour les cinq prochaines années.