Tandis que les pompiers tentent de maîtriser ces incendies de forêt qui ravagent plusieurs régions du pays, il sera intéressant de voir ce que la Banque du Canada décidera de faire mercredi pour éteindre l’inflation qui fait, elle aussi, beaucoup de dommages. L’endettement des consommateurs bondit, le recours aux cartes de crédit atteint des niveaux record et le nombre de personnes âgées insolvables se multiplie.

En temps normal, les soldes sur les cartes de crédit baissent dans les premiers mois de l’année, après le pic du temps des Fêtes. En 2023, ce n’est pas arrivé. Ils ont continué de grimper, passant de 3792 $ en décembre à 3821 $ à la fin de mars.

Une personne sur trois transporte un solde sur sa carte de crédit de mois en mois, ce qui n’est jamais bon pour le budget.

Si les soldes sont plus élevés, c’est parce que les achats réglés avec Mastercard et Visa sont plus substantiels, merci à l’inflation. Les dépenses mensuelles moyennes par titulaire de carte de crédit atteignent désormais 2207 $, soit 400 $ de plus qu’au premier trimestre 2020. « Pour un premier trimestre, c’est un record », m’a précisé Jean-Philippe Saumure, conseiller principal, données et analyses, chez Equifax.

Comme les salaires n’augmentent pas toujours aussi vite que le coût de la vie, le remboursement des dettes devient plus laborieux. Ainsi, le nombre de personnes ayant manqué au moins un paiement a augmenté de 18,8 %. Plus concrètement, ce sont 175 000 consommateurs qui n’ont pas été capables de payer leur carte de crédit ou leur prêt auto, par exemple.

Ce n’est pas pour rien que le téléphone sonne davantage chez BDO Canada, où le mois de mai a été particulièrement occupé, selon Ronald Gagnon, syndic autorisé en insolvabilité et associé.

« Les gens se tournent plus qu’avant vers les propositions de consommateur. Les profils sont très variés. Ça peut être des personnes qui ont un revenu décent, mais trop d’endettement, ou des personnes à plus faible revenu qui ont emprunté plein de petits montants à plein d’endroits. Les microprêts, c’est quelque chose qu’on ne voyait pas il y a deux ans. » On parle de sommes de 500 $ ou de 1000 $ empruntées à des taux dépassant amplement ceux des cartes de crédit.

Selon le Bureau du surintendant des faillites, le nombre de propositions de consommateur a bondi dans toutes les provinces depuis le début de l’année.

Pour le Québec, le nombre de propositions demeure légèrement inférieur à ce qu’il était avant la pandémie. C’est toutefois l’inverse en Ontario, où le nombre de 2019 a été largement dépassé, ainsi qu’à l’échelle canadienne.

Si le Québec se distingue du Canada, il n’en demeure pas moins que la tendance en matière d’insolvabilité ne va pas dans la bonne direction.

Ces insolvabilités s’expliquent en partie par l’augmentation de la dette moyenne de consommation (hors hypothèque) au pays. Elle frôle désormais 21 000 $, ce qui se compare à 18 282 $ au Québec.

Ronald Gagnon constate toutefois que sa clientèle n’a pas abusé du crédit. « C’est plus vrai que jamais. Ce n’est pas de l’abus. Les gens ont de plus en plus de misère à couvrir leurs besoins de base. » Certaines personnes se dénichent des revenus d’appoint, en devenant des chauffeurs pour Uber, notamment, mais ce n’est pas toujours suffisant.

Autre phénomène qui prend de l’ampleur : la hausse du nombre d’aînés insolvables, même parmi les propriétaires de maison. De plus en plus de personnes ont des dettes au moment de prendre leur retraite.

Avec des revenus amputés, ce n’est plus possible de faire tous les paiements. Or, les banques ne veulent pas systématiquement accorder de marge hypothécaire à ces retraités dont les revenus sont faibles. Et la vente de la propriété n’est pas toujours une option, surtout dans les villages où les condos et les appartements sont rares, voire inexistants. Il faut bien habiter quelque part ! Souvent, il n’y a tout simplement pas d’autre solution que la proposition de consommateur qui permet de garder son logis, contrairement à la faillite. Les créanciers acceptent l’offre qu’on leur fait dans la vaste majorité des cas.

On le voit, l’inflation fait mal. Ce n’est pas pour rien que la Banque du Canada est déterminée à la ramener à 2 %. Haussera-t-elle le taux directeur ce mercredi pour la 9e fois en 16 mois ? Une majorité d’économistes croit que non. Certains prévoient plutôt que l’augmentation sera annoncée en juillet.

Pour bien des ménages, les hausses de taux font mal. Il n’y a aucun doute là-dessus, même si les banques font preuve de souplesse avec leurs clients égorgés pour ne pas se retrouver avec un parc immobilier. D’autres doivent reporter leur rêve d’accès à la propriété, car ils ne se qualifient plus.

Mais la Banque du Canada juge que l’inflation est encore pire pour l’économie du pays et le bien-être des ménages.