Dans sa dernière mise à jour annuelle des mesures pour mettre en œuvre son Plan pour une économie verte, le gouvernement Legault a décidé d’injecter 1 milliard additionnel sur cinq ans pour la décarbonation du secteur des bâtiments, qu’ils soient résidentiels, commerciaux ou industriels. Une belle occasion pour les entreprises d’adopter une stratégie de transformation avant de se la faire imposer.

Il y a deux semaines, le gouvernement du Québec a annoncé de nouvelles mesures pour atteindre ses cibles climatiques, mesures assorties d’une enveloppe additionnelle de 9 milliards dans le but d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030.

Au-delà de la faisabilité ou non de l’atteinte des objectifs que s’est fixés le gouvernement québécois, les nouvelles mesures qui visent à réduire l’empreinte carbone des bâtiments au Québec devraient inciter les entreprises qui n’ont pas encore adopté de stratégie énergétique conséquente à s’y atteler rapidement.

On le sait, le chauffage, la climatisation et la ventilation des bâtiments comptent pour environ 10 % du total des émissions de GES au Canada.

Au cours des 10 dernières années, beaucoup de gestionnaires d’immeubles de bureaux et commerciaux, de bâtiments multirésidentiels et industriels se sont mis à la tâche et ont adopté des mesures visant d’abord à réduire leur facture énergétique et, accessoirement, de réduire leur empreinte carbone.

« Dans le secteur commercial et résidentiel, une entreprise pouvait espérer amortir son investissement en efficacité énergétique sur une période de trois ans ou moins en profitant des subventions gouvernementales. Dans le secteur industriel, les entreprises cherchent un retour sur l’investissement dans un horizon d’un an », m’explique Myrielle Robitaille, conseillère directrice séniore énergie et environnement chez Sia Partners, un groupe conseil français implanté à Montréal depuis 2017.

Depuis 15 ans, Myrielle Robitaille, ingénieure spécialisée en efficacité énergétique, a accompagné des dizaines d’entreprises dans leurs démarches pour adopter une stratégie de transformation optimale. Elle accueille très favorablement les dernières mesures que le gouvernement Legault a présentées pour accélérer le mouvement.

« Il y a près de 80 % des édifices commerciaux qui ont entrepris une transformation, mais seulement 20 % des entreprises industrielles. Pour elles, investir dans de nouveaux équipements était plus important que de réduire leur empreinte carbone, elles veulent un retour rapide sur leur investissement », observe Mme Robitaille.

Dans les édifices commerciaux, il s’agit souvent d’implanter tout simplement des systèmes de contrôle de bâtiment – même si les équipements de chauffage, de climatisation et de ventilation sont récents – pour obtenir une baisse de la consommation en la modulant selon les conditions changeantes de la journée.

Restaurer avant de se le faire imposer

L’entreprise montréalaise BrainBox AI a, par exemple, développé une technologie d’intelligence artificielle autonome qui permet d’interconnecter tous les appareils de chauffage, de ventilation et de climatisation d’un immeuble et de les faire communiquer entre eux en fonction de l’achalandage, de l’ensoleillement, de l’ouverture des portes.

La technologie de BrainBox AI permet de réduire la facture énergétique d’un bâtiment de 25 % et son empreinte carbone de 20 à 40 %.

« Je propose ce genre de technologie à nos clients, mais il y a une cinquantaine d’actions différentes que l’on peut faire pour augmenter son efficacité énergétique. Il faut y aller au cas par cas », expose Myrielle Robitaille.

Si les entreprises pouvaient déjà compter sur différents programmes subventionnaires des différents gouvernements pour optimiser leur efficacité énergétique, le milliard de dollars que compte investir Québec pour soutenir leur transformation vient ajouter de la prévisibilité, estime la spécialiste.

Des subventions, ça dure un moment. Là, on sait qu’il y aura encore des fonds, mais ce qui est important surtout dans les dernières mesures annoncées par Québec, c’est que le gouvernement prévoit d’instaurer une norme de divulgation obligatoire des bilans énergétiques des entreprises.

Myrielle Robitaille, conseillère directrice séniore énergie et environnement chez Sia Partners

Montréal a imposé cette règle en 2021 pour les immeubles de plus de 100 logements et a commencé à l’appliquer en 2022. Québec pourrait agir dès l’automne pour forcer les entreprises à dévoiler leur bilan énergétique.

Cela se fait en Europe et les entreprises qui émettent trop de GES peuvent obtenir une mauvaise note ou même être considérées comme insalubres.

À l’heure où les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) prennent sans cesse de l’importance dans l’évaluation des entreprises, un fournisseur de biens ou de services qui aurait une note négative pourrait perdre des contrats auprès d’un client qui souhaite afficher un bilan environnemental impeccable.

Il y a des entreprises non performantes au bilan environnemental peu reluisant qui vont se réveiller trop tard et se faire imposer leur transformation énergétique. Le gouvernement annonce de l’aide et elles feraient mieux d’en profiter pour restaurer leur bilan énergétique plutôt que de se faire imposer une transformation coûteuse tout en risquant de ternir leur réputation.