Les nombreuses entreprises québécoises du secteur culturel qui avaient pris d’assaut le marché chinois depuis le début des années 2000 ont dû rapidement se replier depuis que les relations Canada-Chine se sont considérablement refroidies, au point d’en être aujourd’hui rendues glaciales. Le vaste marché de l’Asie-Pacifique reste une solution de rechange au potentiel énorme qu’il reste à développer.

L’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, entré en vigueur en 2018 et qui regroupe aujourd’hui dans une entente de libre-échange 10 pays – l’Australie, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Viêtnam –, constitue selon le ministère fédéral des Affaires étrangères le bloc économique qui affiche l’un des plus forts potentiels de croissance sur la planète.

Une entente qui permet au Canada de profiter de l’élan de croissance de la région de l’Asie-Pacifique et de prendre ses distances par rapport à la Chine, où il est devenu nettement plus compliqué de faire des affaires.

Sylvain Gauthier, professeur à l’Université McGill, connaît bien le marché asiatique puisqu’il a séjourné en Chine de 2000 à 2008 et y a développé des projets culturels de 2015 à 2018.

Il a successivement été impliqué dans la production et la télédiffusion des courses de Formule 1, l’organisation des Jeux olympiques de Pékin de 2008 et le déploiement du pavillon du Canada à l’Expo universelle de Shanghai.

Après un stage de sept ans au Cirque du Soleil, où il était impliqué dans le bureau de projet et de logistique du groupe de Guy Laliberté, il est retourné en 2015 faire la production de spectacles du créateur et metteur en scène international Franco Dragone dans l’ensemble de la région asiatique.

Depuis 2018, Sylvain Gauthier est professeur à l’École d’éducation permanente de l’Université McGill, où il a participé à la mise sur pied d’un programme de certificat en production exécutive conçu et articulé autour des producteurs de contenus culturels.

Cela fait un bout de temps que j’en parle, mais là, on a décidé d’aller de l’avant.

Sylvain Gauthier

« Ça prend une présence permanente en Asie, un bureau de producteur exécutif qui pourrait appuyer les créateurs québécois, les producteurs de contenus, les techniciens… un bureau qui pourrait faire le lien entre les promoteurs asiatiques et les créateurs d’ici », m’explique le spécialiste en gestion de projets.

Combler un besoin, créer un lien

Sylvain Gauthier convient que l’Asie-Pacifique représente un marché en expansion énorme qui a soif de productions culturelles les plus diverses.

Les entreprises culturelles québécoises pourraient jouer un rôle important tout autant dans la production d’œuvres particulières que la mise en place d’infrastructures, que ce soit construire une salle de concert ou assurer l’habillage sonore d’un lieu de production.

« On a identifié quatre marchés porteurs, le Viêtnam, la Thaïlande, l’Indonésie et Singapour, où le savoir-faire de nos entreprises est apprécié et pourrait être exportable », souligne-t-il.

La présence sur place d’un bureau de producteur exécutif permettrait d’évaluer le sérieux de la démarche des promoteurs asiatiques, qu’il s’agisse de groupes immobiliers, de casinos ou de gouvernements en quête d’expertise.

« On pourrait réduire le risque d’opportunité de fiction comme ça arrive trop souvent. Beaucoup d’entreprises culturelles ont dépensé des fortunes en déplacements en Asie sur des projets virtuels. Notre bureau pourrait faire le tri et le lien entre les promoteurs asiatiques et nos entreprises culturelles », estime Sylvain Gauthier.

Il propose la mise sur pied d’une coopérative, baptisée la Compagnie des cent associés, un organisme sans but lucratif qui aurait une antenne de trois ou quatre employés en Asie et un modeste bureau à Montréal qui ferait la sélection entre le bon grain et l’ivraie.

Le projet de Sylvain Gauthier a été bien accueilli par le délégué général du Québec en Asie, René Sylvestre, qui convient que la délégation québécoise à Singapour n’a pas les ressources nécessaires pour assurer un suivi serré entre les besoins des promoteurs locaux et les entreprises québécoises.

Des producteurs québécois tels que Jeannot Painchaud, du Cirque Éloize, qui a dépensé beaucoup d’argent pour sonder la faisabilité de projets en Asie qui n’ont jamais abouti, sont favorables à la création d’un tel organisme qui serait ancré dans la réalité locale.

« Le Québec est bien perçu à l’étranger. Les Français et les Italiens aussi. Il faut prendre notre place. Toutes les entreprises créatives du Québec pourraient profiter d’une telle structure pour rayonner en Asie.

« Moi, je ne veux pas diriger un OBNL, je veux simplifier la vie des entreprises culturelles québécoises qui veulent percer à l’étranger, les rendre plus efficaces », conclut Sylvain Gauthier.