La société biopharmaceutique lavalloise Bellus Santé a réalisé, il y a deux semaines, la troisième transaction en importance de l’histoire canadienne dans le domaine des biotechnologies en répétant sensiblement le même exploit qu’avait réalisé sa société d’origine BioChem Pharma en 2001. Une transaction stimulante pour la grappe montréalaise des biotechs.

Bellus Santé est un peu la créature de l’ancienne IAF Biochem qu’avait lancée le DFrancesco Bellini en 1986, en rachetant les travaux de recherche de l’Institut Armand-Frappier pour développer un traitement pour soigner le sida.

Après des années de travaux de recherche qui ont permis de développer la trithérapie, ou 3 TC, BioChem Pharma a été rachetée en 2001 par la multinationale britannique Shire pour 6 milliards dans ce qui est devenu la plus grosse transaction jamais réalisée dans le secteur biopharmaceutique canadien.

Le DBellini a ensuite racheté la société Neurochem et travaillé au développement d’un médicament pour ralentir la maladie d’Alzheimer, mais son produit n’a pas été homologué par les autorités médicales américaines. En 2010, Neurochem devient Bellus Santé, et Roberto Bellini, le fils de Francesco, en devient le PDG.

Bellus Santé a travaillé au développement de différentes molécules, dont celui du camlipixant, un antagoniste des récepteurs P2X3 – qui se trouvent sur les fibres nerveuses des voies respiratoires qui signalent le besoin de tousser – qui traite la toux chronique réfractaire.

Depuis 2017, l’équipe de Bellus Santé a poursuivi les recherches pour amener la molécule à la phase III des études cliniques et c’est la bonne réponse du traitement chez les patients atteints de toux chronique – plusieurs centaines de toux par jour – qui a incité la multinationale GSK à racheter l’entreprise pour pousser plus loin les travaux en vue d’une commercialisation du traitement.

Il y a deux ans, l’entreprise canadienne Trillium Therapeutics a été rachetée par Pfizer pour 2,3 milliards US, et Bellus Santé va être rachetée par la britannique GSK pour 2 milliards US, devenant ainsi la troisième transaction d’importance au Canada dans les biotechs.

« C’est un gros coup pour nous, mais c’est aussi un très gros coup pour tout l’écosystème des biotechs de Montréal », m’a confié la semaine dernière Roberto Bellini, PDG de Bellus Santé.

« C’est vrai qu’on a suivi le même parcours que BioChem Pharma. Quand tu développes un traitement, tu veux qu’il soit accessible au plus grand nombre, et les grandes sociétés multinationales ont les structures industrielles pour développer les médicaments et les réseaux pour les distribuer », poursuit-il.

Au fil des ans, Bellus Santé a levé plus de 500 millions US pour avancer ses projets de recherche et l’entreprise va bientôt être récompensée pour sa persévérance et la pertinence de ses travaux.

Une pépinière de molécules

Il y a un peu plus de 10 ans, la société pharmaceutique internationale AstraZeneca décidait de fermer son centre de recherche à Saint-Laurent, mettant fin au travail de 135 chercheurs et techniciens de haut niveau.

Une fermeture qui suivait tout juste celles des laboratoires de recherche des multinationales Merck et Pfizer survenues quelques mois plus tôt et qui devançait de quelques mois celle de la société pharmaceutique Boehringer qui allait aussi fermer son laboratoire de Laval.

En bref, Montréal subissait les contrecoups de la fin de l’application de la protection légale de 15 ans qui avait été accordée aux brevets sur les nouveaux médicaments, entraînant la disparition de 700 postes de chercheur dans la région de Montréal.

Ç’a été un dur coup. L’écosystème a été malmené avec la fermeture de ces laboratoires, mais plusieurs petites sociétés ont émergé et pris le relais. Aujourd’hui, l’écosystème des biotechs à Montréal est bien vivant.

Frank Béraud, PDG de Montréal InVivo

À preuve, lorsque AstraZeneca a fermé son laboratoire en 2012, elle a cédé ses installations et ses équipements de recherche à d’anciens cadres de l’entreprise qui ont créé l’Institut Néomed, qui est devenu le Laboratoire de développement thérapeutique du Québec, où plusieurs jeunes pousses ont pu se développer.

« En quittant Montréal, AstraZeneca a aussi cédé trois molécules sur lesquelles elle travaillait, dont celle qu’a rachetée Bellus Santé au coût de 3 millions à l’époque. C’est ce modèle qu’on développe à Montréal où on travaille en étroite collaboration avec les centres de recherche et les entreprises », explique Frank Béraud.

La grappe des sciences de la vie et des technologies de la santé tenait la semaine dernière à Montréal son évènement annuel « Effervescence », et Roberto Bellini a tenu à rappeler aux participants qu’il était lui-même un produit de l’écosystème de la biotechnologie de Montréal.

Montréal InVivo regroupe quelque 600 organisations, soit 150 groupes et centres de recherche et 450 entreprises actives dans ce secteur. Une grappe qui mobilise plus de 40 000 spécialistes au Québec.