Toyota a ses petits secrets, des informations hautement d’intérêt pour ses clients, mais qu’il communique uniquement à ses concessionnaires, tout en prenant soin de leur préciser de tenir ça mort. Le chat est sorti du sac lundi, au palais de justice de Montréal.

Vous vous souvenez de cette histoire de câbles haute tension sous les RAV4 hybrides et Prime qui corrodent prématurément et coûtent jusqu’à 6800 $ à faire changer ? Cette affaire, que j’ai rapportée au printemps 2022 et qui a ensuite fait l’objet d’un reportage à La facture, a engendré une demande d’exercer une action collective.

C’est ainsi qu’on a découvert la teneur d’une note de service transmise en décembre aux concessionnaires Toyota du Canada. Le document leur apprenait la création d’un programme d’amélioration de la garantie du fameux câble (160 000 km plutôt que 60 000).

PHOTO FOURNIE PAR JEAN-THOMAS LANDRY

Câble corrodé sous un Toyota RAV4 hybride tombé en panne en janvier 2022

Comme le souhaitait l’Association pour la protection des automobilistes (APA) depuis le début, Toyota a décidé de prolonger la garantie du câble qui alimente le moteur des roues arrière. Cela permet à tout le monde de le faire changer gratuitement. Quelle bonne nouvelle. En plus, Toyota a décidé de rembourser tous ceux qui avaient déjà payé pour faire changer la pièce. Même les frais de location d’une voiture pendant la réparation sont admissibles à une indemnisation. Encore une bonne nouvelle.

Mais encore faut-il que les principaux intéressés le sachent…

Or, en décembre, le bulletin d’information reçu par les concessionnaires contenait deux phrases pour le moins déconcertantes, à commencer par celle-ci : « En particulier, il ne faut pas faire la promotion ou le marketing d’un Programme d’amélioration de la garantie auprès des clients. » Et ensuite : « Le service prévu dans ce programme […] ne peut être fourni qu’à la suite d’une plainte du client. » Pour la transparence et la diffusion de l’information, on repassera.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Bulletin d’information reçu par les concessionnaires en décembre dernier

Pire, lundi, les avocats de Toyota ont souhaité que cette note de service soit frappée d’une ordonnance de non-publication en raison de son contenu sensible, notamment des numéros de pièces. L’avocat Fredy Adams, qui pilote la demande d’action collective, s’y est opposé. Toyota a finalement laissé tomber sa demande.

Selon deux déclarations écrites sous serment par un ingénieur de Toyota, le constructeur automobile devait transmettre une lettre à ceux qui roulent en RAV4 « à la fin de janvier 2023 » pour leur annoncer l’amélioration de la garantie du câble. Ce n’est pas très rapide, puisque le problème est connu depuis octobre 2020, et qu’on en parle dans les médias depuis le printemps 2022.

PHOTO FOURNIE PAR JEAN-THOMAS LANDRY

RAV4 hybride tombé en panne et ayant dû être remorqué

Surprise, à ce jour, aucune lettre n’a encore été envoyée. Selon Toyota, cela s’explique par « la disponibilité limitée des pièces ». On ne veut pas que les clients se déplacent au garage pour rien. L’entreprise a précisé que pour cette raison, les annonces se feraient « en phases ». Quand ? Mystère.

Cinq autres modèles concernés

La journée de plaidoiries a aussi permis d’apprendre une autre nouvelle importante pour les consommateurs : les RAV4 ne sont pas les seuls véhicules qui risquent de se retrouver au garage pour cause de câble corrodé.

Pas moins de cinq autres modèles sont aussi concernés par ce problème qui peut empêcher le démarrage et provoquer de l’interférence (de la neige) sur la bande AM.

Voici la liste à jour

  • Highlander hybride 2020-2022
  • Venza hybride 2021-2022
  • Lexus NX 350h hybride
  • Lexus NX 450h plug-in hybride 2022
  • Sienna hybride 2021-2022
  • RAV4 hybride 2019-2022
  • RAV4 Prime 2021-2022

La note de service transmise aux concessionnaires ne mentionne que le RAV4. Pourtant, la nécessité d’une mise à jour n’a pas été évoquée en cour.

Les avocats du cabinet Stikeman Elliott représentant Toyota m’ont affirmé ne pas savoir combien de véhicules au Canada pourraient être concernés. Mais on les imagine très nombreux, compte tenu de la popularité des modèles en cause. Le porte-parole de Toyota n’a pas voulu faire de commentaires étant donné que l’affaire « est actuellement devant les tribunaux ».

Et l’action collective, dans tout ça ?

Même si Toyota a été bon joueur en allongeant la garantie du câble maudit, MFredy Adams a demandé au Tribunal d’autoriser l’action collective. « Il faut que le juge reste saisi du dossier pour s’assurer que Toyota accomplisse ses promesses au bénéfice des membres », a-t-il plaidé.

À son avis, il y a un risque, car la lettre envoyée aux concessionnaires mentionne que la garantie couvre la « corrosion excessive des connexions », ce qui laisse place à une certaine subjectivité.

De son côté, Toyota estime que les propriétaires des véhicules concernés par le « défaut allégué » ne subissent pas de préjudice grâce à l’amélioration de la garantie. Ce remède « n’est pas parfait, mais il est raisonnable », a insisté l’avocat Guillaume Boudreau-Simard. De plus, la sécurité des automobilistes n’est pas compromise et les inconvénients subis, comme aller au garage, « font partie des troubles ordinaires » de la vie qui ne méritent pas une indemnisation.

Reste à voir si les parties voudront s’entendre sur un texte officiel qui inclurait des engagements fermes de Toyota. Cela pourrait éviter des années de procédures judiciaires dans un contexte de tribunaux qui débordent. Le juge a fait comprendre aux parties qu’il serait sympathique à un tel scénario.

De fait, il faut que les informations présentées en cour soient transmises aux automobilistes et pas seulement par l’entremise du texte que vous venez de lire.

Lisez « Un câble corrodé à 6800 $ fait pester » Lisez « Toyota enquête sur les câbles corrodés de ses RAV4 hybrides »