Le Québec est un terreau fertile pour les entreprises qui souhaitent élargir la portée de leur mission et ne pas la limiter à l’unique fonction de générer des profits pour le seul enrichissement de leurs actionnaires. Ces sociétés profitables qui aspirent à une plus grande exemplarité en matière de gouvernance et d’environnement sont de plus en plus nombreuses, pour le plus grand bien de tous.

J’ai entendu parler pour la première fois de la certification B Corp l’an dernier lors d’une rencontre avec l’entrepreneuse sociale Natalie Voland, présidente de Gestion immobilière Quo Vadis.

Avec ses différents projets de revitalisation industrielle tels que le Complexe Dompark, sur le bord du canal de Lachine, ou le Complexe Griffintown, Quo Vadis gère un parc immobilier de 1,5 million de pieds carrés.

Dans le Complexe Dompark, l’entreprise a remplacé le mazout par le gaz naturel pour le chauffage avant d’implanter l’an dernier un système de ventilation et de chauffage par géothermie, ce qui lui a permis de devenir carboneutre.

Quo Vadis a été la première entreprise québécoise à obtenir la certification B Corp, la lettre B signifiant ici Bénéfique pour la société.

Cette certification B Corp a été développée en 2006 en Pennsylvanie par trois entrepreneurs qui souhaitaient transformer le capitalisme pour donner un sens à la réalisation de profits. Ils ont fondé le B Lab, un organisme à but non lucratif qui coordonne les certifications partout dans le monde.

Le mouvement B Corp a pris de l’essor au Québec depuis 2013 et s’est même enregistré en 2018 comme OBNL sous le nom de B Local Québec.

C’est en discutant avec Aurelia Talvela, présidente du conseil de B Local Québec, que j’ai compris combien cette certification gagnait en popularité.

« Le Québec est, après la Californie, la deuxième région qui enregistre la plus forte croissance du nombre de certifications B Corp en Amérique du Nord. On aura bientôt une 100entreprise québécoise certifiée B Corp », m’explique Aurelia Talvela.

Conseillère stratégique pour l’agence Phil, une firme de conseil en philanthropie, stratégie et gouvernance pour entreprises et organismes à mission sociale – qui est certifiée B Corp –, Mme Talvela souligne qu’elle s’occupe de B Local Québec de façon bénévole et que son rôle est principalement d’animer la communauté québécoise d’entreprises B Corp.

Profits et parties prenantes

Une 97entreprise a d’ailleurs annoncé jeudi avoir obtenu sa certification B Corp, il s’agit de la firme Larochelle Groupe Conseil, spécialisée dans le conseil en valorisation de données et en transformation numérique, détenue à 100 % par ses 180 employés.

Parmi les autres entreprises québécoises qui ont obtenu cette certification, on retrouve notamment le groupe Optel, spécialisé dans la traçabilité des chaînes d’approvisionnement, la firme de génie-conseil Norda Stelo et même la Banque de développement du Canada !

Au Québec, ce sont principalement des PME qui ont cherché jusqu’à maintenant à obtenir cette certification. Chaque entreprise doit répondre à un formulaire de 200 questions en vue de détailler ses pratiques en vigueur en matière de gouvernance, de relations avec ses employés, sa communauté, l’environnement et ses clients.

Pour chaque pays, c’est l’organisation B Lab qui est responsable de l’audit et chaque entreprise doit subir une nouvelle évaluation tous les trois ans. Les droits payés à B Lab sont établis en fonction de la taille des entreprises et il faut compter un an pour que l’analyse des questionnaires soit complétée.

Une entreprise doit obtenir un score de 80 points pour obtenir la certification B Corp et la note moyenne obtenue par les entreprises qui répondent au questionnaire est de 50 points à peine, ce qui démontre le niveau de difficulté de l’exercice.

Une entreprise doit pouvoir démontrer que sa mission aura un impact positif dans chacun des cinq volets du test, et qu’elle fait preuve de transparence financière, qu’elle partage l’information avec ses employés. Idéalement, le salaire du PDG ne doit pas être supérieur à cinq fois celui de la moyenne des employés.

On ne parle pas de salaire minimum dans le questionnaire, mais de salaire décent qui tient compte du coût de la vie ; au Québec on parle de 18 $ l’heure. Les relations avec la communauté doivent démontrer l’établissement de liens véritables ainsi qu’une ouverture à la diversité et à l’inclusion auprès des fournisseurs…

Au chapitre de l’environnement, les entreprises certifiées doivent mesurer leur empreinte carbone et acheter des crédits carbone pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre. On évalue également les mesures qui sont prises pour économiser l’eau, l’énergie, l’utilisation de produits qui peuvent endommager l’environnement.

Il s’agit donc d’un exercice assez exhaustif et le fait qu’autant d’entreprises souhaitent obtenir cette certification démontre l’importance que bien des organisations accordent aujourd’hui au rayonnement et à la réussite sociale de leur entreprise plutôt qu’à son seul succès financier.

On recense aujourd’hui plus de 6500 entreprises dans 89 pays qui ont obtenu la certification B Corp et ces entreprises sont actives dans 161 secteurs industriels.