La SAQ est la régie provinciale responsable des ventes d’alcool qui, pour l’instant, verse le moins d’argent par tête au pays. Est-ce que l’écoresponsabilisation changera le sort de la SAQ ?

Dans les années 1970 et 1980, boire de la bière « tablette », à température ambiante, était bien à la mode. Nous connaîtrons vraisemblablement bientôt l’ère du vin « tablette ». Nous apprenions récemment que la Société des alcools du Québec (SAQ) a l’intention de se débarrasser de la plupart de ses réfrigérateurs en magasin. Le réseau, qui possède 2700 appareils, en comptera beaucoup moins d’ici 15 ans. Il deviendra plus difficile de trouver un vin froid en vente quelque part. Alors si vous voulez consommer un vin froid, il faudra y penser d’avance.

À première vue, cette décision est motivée par une volonté d’agir en conformité avec les aspirations environnementales de la société d’État.

Après tout, le mandat de la SAQ vise aussi à assurer une gestion efficace de ses activités de vente et de distribution d’alcool au Québec, tout en maintenant un équilibre entre ses objectifs commerciaux et les besoins de la population. Donc, devenir plus écoresponsable s’aligne parfaitement avec la vision de la SAQ.

Selon les propres données de la SAQ, cette stratégie diminuera sa consommation énergétique de manière équivalente à la consommation de 125 maisons sur 15 ans, et son empreinte environnementale passera de 12,6 tonnes de CO2 à 4 tonnes en 2037, une réduction totale de 83 tonnes sur 15 ans.

La stratégie peut surprendre un peu. Après tout, l’énergie au Québec est verte, propre et renouvelable. La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) viendra vraisemblablement de la réduction de l’entretien et du remplacement de ces appareils. Une stratégie pour diminuer les GES, mais surtout pour réduire les coûts.

Nous ignorons combien la société d’État épargnera avec cette nouvelle initiative, mais la SAQ mentionne dans son rapport annuel que le ratio des charges nettes sur les ventes nettes est de 15,2 %. Du côté de la LCBO, la régie des alcools de l’Ontario, on enregistrait un ratio de 16,5 % pour l’année 2022. Cela signifie que la SAQ génère plus de revenus selon les dépenses encourues et le fait mieux que la LCBO ou que ses prix sont plus élevés que ceux de l’Ontario.

Mais en comparant les revenus et dividendes par habitant de la SAQ avec les autres provinces, la société d’État se démarque aussi. La SAQ ne retourne que 154 $ par habitant soit la somme la moins élevée de l’ensemble des provinces. Un constat intéressant, autant pour les consommateurs que pour le gouvernement québécois. Les prix à la SAQ sont peut-être plus compétitifs que certains le prétendent. En contrepartie, à 397 $ par capita à Terre-Neuve, il faut se demander si les Terre-Neuviens ne paient pas trop pour l’alcool.

Mais est-ce que l’écoresponsabilisation pourrait améliorer ce ratio dans les prochaines années ? Le temps nous le dira.

La SAQ a déjà mis en branle des projets-pilotes en région dans quelques succursales, et les ventes n’ont pas subi le contrecoup du retrait de nombreux réfrigérateurs.

Toutefois, pour les clients, la bouteille de vin blanc doit se boire froide. S’ensuivra donc un transfert de coûts pour les consommateurs, qui devront refroidir leurs vins et leurs bières de toute manière.

Toujours selon la SAQ, seulement 28 % des clients disent consommer leur achat dans la même journée, mais pour les personnes pressées, cela pourrait causer un désagrément.

Le Québec n’innove pas en agissant ainsi au sujet des réfrigérateurs en succursale. La Colombie-Britannique n’avait pas d’appareils dans ses succursales pendant des années avant d’en ajouter récemment dans les magasins exploités par BC Liquor Store.

Des succursales de la SAQ avec moins de frigos ne causeront pas de souci à la majorité des clients. Mais la carboneutralité en distribution alimentaire pourrait aller encore plus loin. Si la SAQ réussit à inspirer d’autres détaillants, certaines enseignes pourraient emboîter le pas. Le coût énergétique reste tout de même assez important au détail, et nous pourrions voir des Maxi, Provigo, IGA ou Metro réduire le nombre de réfrigérateurs dans leurs établissements. D’ailleurs, les œufs et le fromage vendus en Europe ne sont pas réfrigérés. Avec l’appui d’un public de plus en plus conscient de l’environnement, tout reste possible.

Pour la SAQ, le prétexte environnemental ira sûrement chercher l’appui de certains citoyens. Mais surtout, bien difficile d’accuser la SAQ d’écoblanchiment (ou de greenwashing) puisque la société n’a jamais effectué une annonce officielle à ce sujet. Une fuite d’un journaliste était derrière la nouvelle récemment. Cependant, à l’avenir, pour les annonces liées à son plan de carboneutralité, la raison primaire derrière toute stratégie devrait être d’épargner afin d’arrimer la volonté de devenir carboneutre avec l’intention de rendre la SAQ financièrement plus responsable.