On travaille pour toutes sortes de raisons, mais la principale motivation demeure le chèque de paie. Québec utilise donc deux incitatifs financiers pour vous convaincre de faire plus d’heures, de reporter votre retraite ou même d’en sortir : des baisses d’impôts et des changements majeurs au Régime des rentes du Québec (RRQ).

Les baisses d’impôts promises sur les pancartes électorales de la Coalition avenir Québec (CAQ), à l’automne 2022, auront bientôt un impact concret sur la paie de 4,6 millions de Québécois. Dès juillet, la baisse de 1 point des deux premiers paliers d’imposition mettra un peu plus d’argent dans nos poches.

En pleine période inflationniste, alors que le pouvoir d’achat rétrécit, personne ne se plaindra de ces baisses d’impôts. Mais l’été prochain, l’allègement fiscal sera-t-il seulement remarqué par les travailleurs ?

Concrètement, une personne dont le revenu imposable est de 50 000 $ se retrouvera avec 328 $ de plus au bout d’un an. Chacune de ses paies sera bonifiée d’environ 13 $. Les Québécois qui gagnent 70 000 $ auront droit à 20 $ de plus par paie (528 $ par année), tandis qu’à partir d’un revenu de 100 000 $, le gain s’élève à 31 $ par paie (814 $ par année).

Dans le budget familial, au quotidien, pour payer l’hypothèque ou l’épicerie, ça ne changera pas grand-chose. Mais ce n’est pas unique à cette baisse d’impôts. C’est toujours ainsi : individuellement, les montants sont minimes, collectivement, ils sont considérables, atteignant cette fois 1,7 milliard. Le ministre Eric Girard affirme quand même que sa mesure améliorera la capacité des individus « à consommer et épargner ». Et, calcule-t-il, la baisse d’impôts convaincra les Québécois de travailler davantage, ce qui est nécessaire en pleine pénurie de main-d’œuvre.

« On suppose que l’offre de travail va être augmentée de 16 000 personnes », m’a précisé le ministre des Finances. En clair, c’est comme si 16 000 nouveaux travailleurs à temps plein s’ajoutaient dans la province parce que, soudainement, chaque heure est plus payante.

Certaines personnes seront plus enclines à accepter les heures supplémentaires proposées par le patron, d’autres pourraient vouloir faire une journée de plus par semaine, suppose-t-on.

Bien des raisons qui n’ont rien à voir avec l’argent peuvent toutefois inciter les travailleurs à limiter le nombre d’heures qu’ils sont prêts à consacrer au patron. La santé mentale ou physique, de jeunes enfants, l’âge, un parent malade, la fortune familiale… La réduction d’impôts de 1 point par palier vous fera-t-elle revoir vos priorités ? Ça reste à voir.

Cotisations au RRQ facultatives après 65 ans

Les changements au RRQ risquent d’avoir plus d’impact sur les comportements de la main-d’œuvre.

Pour convaincre les 65 ans et plus de rester sur le marché du travail, la cotisation au RRQ deviendra facultative pour ceux qui reçoivent déjà une rente. À compter du 1er janvier prochain, il suffira de prévenir son employeur au moyen d’un formulaire pour que les prélèvements cessent le mois suivant. L’entreprise arrêtera elle aussi de cotiser, le cas échéant.

En 2023, la cotisation maximale atteint 4038 $ pour les salariés et 8076 $ pour les travailleurs autonomes qui doivent aussi payer l’équivalent de la part de l’employeur.

« Ce n’est pas rien, selon le ministre Girard. Au niveau des liquidités, ça peut être très intéressant. » Le salarié dont le revenu de travail est de 15 000 $ augmentera son revenu disponible de 606 $ en cessant de cotiser au RRQ.

Son taux de conservation de revenu frôlera alors les 70 %. Contrairement à ce que certains croient, ce n’est pas vrai que les aînés voient la majorité de leurs revenus s’envoler en impôts.

Bien sûr, les cotisations effectuées passé 65 ans ne partent pas en fumée. Dans certains cas, comme dans celui d’immigrants arrivés au Québec en milieu de carrière, elles peuvent bonifier la rente (de 0,66 % l’année suivante). Mais ce n’est pas toujours le cas. Parfois, l’aîné qui cotise se nuit financièrement ! Cela survient lorsqu’un faible revenu réduit la moyenne des gains utilisée pour calculer la rente.

Cette absurdité sera d’ailleurs corrigée. C’est une excellente nouvelle.

La méthode de calcul de la rente sera en effet modifiée le 1er janvier 2024 pour que les années de faibles gains à partir de 65 ans ne puissent plus avoir d’impact négatif sur la rente. Cette mesure protégera financièrement 12 000 travailleurs.

Autre changement annoncé : l’âge maximal pour réclamer sa rente du RRQ passe de 70 à 72 ans. Comme on sait, plus on attend, plus le montant obtenu grimpe. Ces deux ans supplémentaires entraînent une hausse à vie de la rente annuelle pouvant atteindre 2634 $.

Il ne reste qu’à espérer que toutes ces nouveautés soient bien expliquées par Retraite Québec aux personnes concernées afin qu’elles prennent une décision éclairée en fonction de leur situation personnelle. Le ministre Girard somme par ailleurs les fonctionnaires de mieux communiquer les avantages de reporter le versement de la rente. Cette volonté, il l’avait mentionnée verbalement lors des consultations publiques sur le RRQ, en février. Cette fois, c’est écrit noir sur blanc dans le budget. C’est avisé, car la lettre « Cap sur la retraite », qu’on reçoit à 59 ans, est difficile à comprendre. Et son message alambiqué peut avoir comme effet d’encourager la demande de rente dès 60 ans, ce qui est rarement avantageux.

La mission première du RRQ est d’assurer aux aînés un revenu décent à la retraite. Le ministre Girard en fait aussi un outil de gestion de la pénurie de main-d’œuvre. Si ça fonctionne, pourquoi pas ?

Mais vous, est-ce que Québec vous donne le goût de travailler plus ?