Cette cote ne dit pas tout d’un pays. Elle est néanmoins souvent associée à une plus grande richesse, un meilleur indice de développement humain et une meilleure espérance de vie, entre autres. Et en ces temps troubles, elle nous permet de relativiser nos malheurs, si je puis dire.

De quoi je parle ? De la cote de crédit. J’en parle parce que le Canada est l’un des rares pays à avoir conservé sa cote parfaite AAA depuis 20 ans, malgré la crise financière de 2008, la crise pétrolière de 2014, la pandémie de 2020 et la guerre en Ukraine de 2022.

Mieux : parmi les pays de plus de 10 millions d’habitants, le Canada est celui qui maintient cette cote AAA depuis le plus longtemps, devant l’Allemagne, la Suède, l’Australie et les Pays-Bas. Et oubliez les puissances comme les États-Unis, la France ou le Royaume-Uni, le Canada fait bien mieux. N’est-ce pas réjouissant1 ?

La cote de crédit est établie par des agences de notation indépendantes en tenant compte d’une multitude de facteurs, comme l’endettement du gouvernement, la solidité de l’économie et sa diversité industrielle, entre autres. Pour simplifier, j’ai choisi les cotes de l’agence Standard & Poor’s (S&P), plus fiables et plus faciles à comprendre que celles des trois autres principales agences.

Ultimement, cette cote est une indication du degré de risque que courent les financiers lorsqu’ils prêtent à un emprunteur, dans ce cas-ci le gouvernement. Comme le Canada est à AAA, les prêteurs peuvent avancer des fonds les yeux fermés, ils seront assurément remboursés, peut-on dire.

Ce risque nul permet au gouvernement canadien de se financer à un taux d’intérêt très bas, ce qui réduit notre facture d’intérêts collective.

Où en sont les autres pays ? Quel est le contexte historique ? Voyons voir.

D’abord, 11 pays ont encore une cote AAA, mais ce nombre passe à neuf quand on retranche les deux pays minuscules que sont le Liechtenstein (moins de 30 000 habitants) et le Luxembourg (640 000 habitants). Sur les neuf qui restent, cinq comptent plus de 10 millions d’habitants, dont le Canada.

Il y a 20 ans, le Canada a retrouvé sa cote AAA après la traversée du désert des années 1980 et 1990. C’était, rappelez-vous, l’époque des déficits monstrueux, qui avaient fait grimper la dette nette du gouvernement fédéral à un niveau historique de 71 % du PIB en 1996.

Aujourd’hui, malgré les déficits gargantuesques de la pandémie, la dette fédérale avoisine les 45 % du PIB, c’est tout dire.

En 1992, la cote du Canada reculait à AA+, s’étant même vu accoler une perspective négative en 1995, signe d’une possible nouvelle décote. Certains parlaient alors de « l’argentinisation » tranquille du Canada, et les mouvements de gauche critiquaient l’influence soi-disant indue des agences de notation sur nos décisions.

Entre 1993 et 2002, Paul Martin a pris le taureau par les cornes à titre de ministre des Finances libéral, pelletant – c’est vrai – une bonne part des problèmes dans la cour des provinces.

Tout de même, au terme de l’exercice, la cote de crédit du gouvernement fédéral avait retrouvé son AAA en 2002, cote qui est restée à ce niveau jusqu’à aujourd’hui. C’est donc dire que le Canada – du moins le fédéral – aura réussi à maintenir une crédibilité financière sans faille auprès de S&P malgré toutes les crises depuis 20 ans (financière, pétrolière, pandémique, de la guerre).

Nos concurrents n’ont pas eu cette chance. L’un après l’autre, ils ont perdu des plumes.

Le plus important, les États-Unis, n’est plus dans le club des AAA depuis 2011, écorché par la crise financière de 2008 et la récession qui a suivi.

Sa dette est en croissance constante depuis, et représente aujourd’hui 129 % de son PIB, très loin des 96 % de 2011 et des 56 % de 2001. Ouch !

La France a été exclue du club des AAA en janvier 2012, au terme d’une gestion chaotique de ses finances, frappées aussi par la crise de 2008. Nouvelle décote de la France en novembre 2013, qui est passée d’AA+ à AA. Puis, en septembre dernier, S&P accolait une perspective négative à sa cote AA, ce qui indique qu’elle pourrait se retrouver à AA-, trois rangs sous le Canada.

Portrait semblable au Royaume-Uni. Le référendum du Brexit a fait disparaître sa cote AAA en 2016, et il y a cinq mois, S&P apposait une perspective négative à la cote AA du Royaume-Uni, sur fond de crise inflationniste et politique.

La Finlande, enfin, a quitté le club des AAA en 2014, tombant à AA+2.

Bref, le Canada tient le coup, contre vents et marées, pendant que plusieurs autres vacillent. Il est vrai que le Canada a pu compter sur son abondance de pétrole, comme ce fut le cas de la Norvège et de l’Australie, aussi cotées AAA.

Il est vrai aussi que le Canada n’est pas aussi sévèrement frappé par la guerre que les Européens. Et il faut ajouter que le Canada devra réinventer une partie de son économie pour pouvoir progressivement se défaire du pétrole, dont il profite grandement.

Il reste que cette comparaison console. Et sachant le lien entre cet AAA et notre qualité de vie, il n’est pas surprenant que des immigrants de partout sur la planète veuillent venir s’établir ici.

1. Certains de ces pays ont parfois des cotes AAA depuis plus longtemps, mais S&P leur a accolé une perspective négative pendant quelque temps, si bien que le Canada a été le plus stable du club des AAA depuis 20 ans parmi les grands pays.

2. Le Québec a une cote AA-, qui est en progression depuis quelques années, et qui est la 3e parmi les provinces canadiennes. En juillet 2022, l’agence Japan Credit Rating a fait grimper la cote du Québec à AAA, le plus haut niveau possible.