C’est la grande question que je me posais avant le jour J : le portefeuille de la Caisse de dépôt aura-t-il su résister au marché baissier de 2022 ? Aura-t-il fait relativement bien dans les circonstances ?

Pourquoi cette question ? Parce que le talent d’un gestionnaire de fonds ne se vérifie pas seulement lorsque les marchés montent, mais aussi quand ils plantent. Depuis la fameuse débâcle de 2008, où la Caisse avait perdu 25 %, tous les dirigeants de la Caisse avaient juré que le portefeuille était devenu plus résilient, capable d’affronter les pires vagues.

Qu’en est-il finalement ? La réponse est assurément positive. Notre bas de laine collectif a perdu des plumes durant cette année 2022 hors norme où les taux d’intérêt ont explosé, mais il a fait nettement mieux que les marchés boursiers et obligataires, et bien mieux que son indice de référence.

Pour le commun des mortels, son rendement négatif de 5,6 %, soit - 24,6 milliards, est tout sauf une bonne performance. Mais placée dans le contexte où la Bourse s’est dégonflée de 8,7 % au Canada et de 18,1 % aux États-Unis, jumelée à une chute de 16 % du marché obligataire américain, la performance de la Caisse devient rassurante.

Mieux encore : les gestionnaires ont réalisé la 3performance de l’histoire de la Caisse si on la compare à son indice de référence, celui qui calque le même genre d’actifs que détient la Caisse, et qui a fait - 8,3 % en 2022.

Bref, cet écart favorable de 2,7 points de pourcentage entre le rendement de la Caisse (- 5,6 %) et celui de son indice (- 8,3 %) se traduit par une valeur ajoutée de 10,4 milliards de dollars pour les déposants. Seules les années 2010 et 2021 avaient fait mieux.

Justement, en 2021, la Caisse avait obtenu un rendement de 13,5 % dans un marché haussier, soit un écart de 2,8 points avec son indice de référence, ce qui constituait la 2performance de son histoire.

« Nous sommes capables de battre les comparables dans les marchés haussiers comme baissiers », a dit le PDG de la Caisse, Charles Emond, aux journalistes présents dans la salle de conférence.

Souvent, les petits épargnants se font conseiller de placer 60 % de leur portefeuille dans le marché boursier et 40 % dans le marché obligataire, par le truchement de fonds communs équilibrés ou autres. Or, si la Caisse avait suivi cette ventilation en 2022, elle n’aurait pas perdu 5,6 %, mais 11,3 %.

Bref, le portefeuille a passé le test, jusqu’à maintenant.

Qu’est-ce qui explique cette bonne performance relative ? Essentiellement, la grande présence de la Caisse dans les marchés immobiliers, les infrastructures et les placements privés. Vous me direz que pour ces secteurs, il est difficile de faire une comparaison valable avec les pairs, de trouver des indices de référence solides, contrairement au marché boursier. Soit.

Sauf que sur cinq ans, ces choix d’investissement distincts faits par la Caisse dans les infrastructures et les placements privés maintiennent de meilleurs rendements que la référence. Quant à l’immobilier, l’écart est favorable depuis deux ans, soit après que la Caisse a fait le ménage de son portefeuille.

Autre bon coup de la Caisse : ses décisions de placements pour le marché obligataire, qui lui ont fait perdre 1,5 point de pourcentage de moins que la référence, soit 14,9 % contre 16,4 %.

Enfin, son rendement dans les marchés boursiers (- 11,3 %) a été semblable à celui de la référence, mais cette performance a été réalisée alors que la Caisse était sortie du pétrole, l’un des seuls secteurs à avoir résisté à la déconfiture de 2022.

Parlant pétrole, bien des détracteurs ont critiqué la Caisse pour son retrait du secteur pétrolier et son engagement ferme envers l’économie verte. C’est bien beau, la verdure, a-t-on entendu, mais pas au prix de voir nos fonds de retraite amputés.

Or, en réponse à cette question de ma part, Charles Emond a affirmé que depuis cinq ans, la Caisse a réalisé un rendement annuel composé de 20 % avec les énergies renouvelables, alors que le secteur pétrolier aurait donné 7 %.

Les lecteurs me trouveront trop tendre envers la Caisse, mais il est difficile de passer à côté : en janvier, l’institution a été nommée « Fonds de l’année 2022 » par Global SWF, un organisme qui étudie les activités d’environ 400 fonds dans le monde.

Raison de cette reconnaissance : « pour son impact sur le développement du Québec, pour son leadership auprès des investisseurs souverains et publics à l’échelle mondiale, pour son importante activité d’investissement en 2022 et, plus largement, pour sa contribution à l’avancement de l’industrie », est-il écrit sur le site de SWF.

Autre distinction : la Caisse s’est classée au 1er rang sur 59 fonds de retraite en 2022 pour sa contribution à la finance durable.

J’ai été un ardent critique de la Caisse de dépôt depuis 20 ans, et je le demeure. L’institution fait des faux pas, comme on l’a vu avec Celsius, Azure Power Global et Otera Capital, et les médias doivent les relever. J’ose croire que ces critiques des médias, justement, contribuent à rendre notre Caisse meilleure.

Il reste que les fonds de retraite des enseignants, des infirmières, des employés de la construction, de certains fonctionnaires municipaux et de l’ensemble des travailleurs (via le Régime des rentes du Québec) sont entre bonnes mains, somme toute. Faut-il s’empêcher de le dire ?

Le pari de La Presse Affaires

Chaque année, les journalistes de La Presse Affaires tentent de prédire le résultat de la Caisse de dépôt la veille de sa publication. Le gagnant cette année ? Martin Vallières, qui avait prédit un rendement négatif de 5,5 %, soit 0,1 point de moins que la performance de la Caisse (- 5,6 %). Mentions honorables à Jean-Philippe Décarie (- 5,9 %) et à Nathaëlle Morissette (- 5 %). Votre humble serviteur était dans le lot des pessimistes (- 8,8 %) et les 17 personnes qui ont participé au jeu avaient une moyenne de - 3,6 %.