Je vous jure que je n’ai rien à voir là-dedans : trois familles de mon entourage sont relocalisées depuis des mois à la suite d’un sinistre survenu dans leur propriété. Qui dit relocalisation dit frais de subsistance payés par l’assureur. Mais quand les travaux s’étirent en longueur, il se peut qu’on arrive assez vite au bout de la somme qui nous est allouée.

L’enjeu touche les locataires et les propriétaires de condo qui n’assurent, comme il se doit, que leurs effets personnels et les améliorations locatives. Pourquoi ? Parce que le montant pour les frais de subsistance supplémentaires correspond à un pourcentage de leur couverture totale.

« La norme, dans l’industrie, c’est un pourcentage fixe à 20 %. Et ce n’est pas toujours possible de l’augmenter, c’est un package », précise Louis-Thomas Labbé, président du conseil de Gallagher GPL Québec, un courtier indépendant.

Une personne qui possède des biens d’une valeur de 50 000 $ se retrouve donc avec des frais de subsistance de 10 000 $, bien souvent. Ce n’est pas la mer à boire quand on connaît le prix des appartements temporaires « après-sinistres », meublés et tout équipés. Selon la grandeur et l’emplacement, il faut compter entre 2000 $ et 4500 $ par mois.

En plus, lorsqu’un dégât d’eau, un incendie ou une tornade (il y en a eu 26 au Québec l’an dernier) rend subitement notre espace de vie inhabitable, on se dirige à l’hôtel pour quelques jours. On mange au restaurant. On dépose l’animal de compagnie dans une pension. La facture atteint rapidement 1000 $.

Chez Desjardins, on a fait grimper les frais de subsistance de 20 à 50 % du montant total de la couverture autour de 2015, pour certaines polices. « Le changement a été fait de façon proactive pour mieux répondre aux besoins des copropriétaires », explique la porte-parole Valérie Lamarre.

En attendant que tous les assureurs fassent de même, certaines personnes se retrouvent dans le pétrin.

C’est le cas de Geneviève Gervais, une mère de trois enfants de 5, 7 et 9 ans. L’appartement flambant neuf qu’elle loue à Mascouche a été complètement inondé au début de décembre à cause d’un tuyau de lave-vaisselle. Ses frais de subsistance de 8000 $ sont épuisés et elle ne sait plus à quel saint se vouer.

Je compatis, car j’ai vécu la même chose. Comble de coïncidence : une copine est actuellement aux prises avec ce problème.

PHOTO FOURNIE PAR GENEVIÈVE GERVAIS

Geneviève Gervais était en vacances à Disney avec sa famille au début de décembre lorsque le sinistre est survenu à son domicile.

Le logis de deux chambres déniché par l’assureur de Geneviève coûte 4200 $ par mois. On lui rembourse l’écart de prix avec son loyer de 1625 $. Les travaux doivent être achevés en avril ou mai, m’a-t-elle raconté, désespérée.

Si la mère de famille vivait en condo et devait continuer de payer une hypothèque, ce serait encore pire. Ses frais de subsistance supplémentaires seraient alors de 4200 $. En moins de deux mois, son montant global de 8000 $ aurait été épuisé.

Ce genre de problème n’est pas très fréquent, dit le Bureau d’assurance du Canada (BAC). Mais on m’a quand même raconté que les frais de subsistance avaient été un enjeu à Gatineau quand une tornade a détruit des logements modiques, en 2018.

Certaines familles avaient assuré leurs biens pour 8000 $ ou 10 000 $. Leurs frais de subsistance de quelque 2000 $ ont été engloutis en criant : « Vent violent ! »

Geneviève réalise aujourd’hui que son assurance de 45 000 $ n’est vraiment pas suffisante, surtout en raison des frais de subsistance. Mais ce n’est pas un élément qui avait fait partie de la conversation lorsqu’elle a négocié sa police d’assurance avec Beneva, en mars 2022, dit-elle.

Assureurs et courtiers constatent que ce n’est pas une préoccupation de leur clientèle. « C’est quand on est dans le trouble qu’on se réveille », raconte Louis-Thomas Labbé, de Gallagher.

« On minimise le besoin d’assurance pour le contenu et la relocalisation », ajoute Marie-Eve Vezina, directrice principale, indemnisation, chez Desjardins Assurances.

Pourtant, la multiplication des dégâts d’eau, combinée à la pénurie de main-d’œuvre et de matériaux, a fait bondir le temps de reconstruction de 30 à 40 % depuis 2019, selon Desjardins Assurance. Le délai moyen frôle désormais les quatre semaines, une statistique qui cache évidemment de grands écarts.

Cette situation provoque déjà de l’impatience chez les assurés qui ont hâte de retrouver leur lit et leurs affaires. « Depuis le début de la pandémie, c’est problématique. Ce n’est pas l’fun. Il faut gérer les attentes et les priorités », m’a confié René-Charles Landry, président de l’entreprise GUS, spécialiste de l’après-sinistre.

Mauvaise nouvelle : avec les changements climatiques, on peut s’attendre à ce que le nombre d’inondations continue de croître. En même temps que les délais de reconstruction…

Il serait donc sage de parler de la question des frais de subsistance avec son courtier ou son assureur. Marie-Eve Vezina estime que 20 000 $ est un « montant sécuritaire ».

Quant à Geneviève, elle pourrait demander à l’assureur de l’unité responsable du sinistre, si la responsabilité est évidente ou reconnue, de payer sa relocalisation jusqu’à la fin des travaux. Une demande similaire peut aussi être transmise à la compagnie qui assure l’immeuble (appartements ou condos), dans certains cas.

Bon courage à tous les sinistrés, mes amis et les autres.