J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle, côté emploi. La bonne : le Québec a multiplié les jobs payantes durant la pandémie. La mauvaise : la plupart des postes vacants ne seront jamais pourvus, même avec l’immigration, parce qu’il s’agit principalement de McJobs, délaissées.

Voilà ce qui ressort d’une étude de l’Institut du Québec (IDQ) rendue publique aujourd’hui. L’étude réalisée par Luc Belzile, Emna Braham et Daye Diallo, entre autres, compare le marché du travail de 2022 – essentiellement postpandémique – avec celui de 2019, soit avant les grands confinements.

Premier constat, qui fera plaisir à François Legault : le nombre d’emplois payés 30 $ ou plus l’heure a bondi de 43 % entre 2019 et 2022, soit de 531 900. Le bond est particulièrement important dans le secteur des services professionnels, scientifiques et techniques – où l’on retrouve les informaticiens et les ingénieurs – ainsi que dans ceux de la finance, de l’enseignement et de la construction.

À l’inverse, le nombre d’emplois payés moins de 20 $ l’heure a reculé de 40 %, soit de 465 500. Les secteurs du commerce de détail et de la restauration en ont particulièrement souffert. Bref, plusieurs des secteurs qui ont écopé pendant la pandémie n’ont pas récupéré les emplois perdus, souvent moins bien payés.

La transformation est marquante et « ces changements sont là pour durer, avec le retour à la normale d’après pandémie », dit Mme Braham, directrice générale de l’IDQ.

Globalement, en 2022, le Québec comptait 129 800 emplois de plus qu’en 2019, ce qui correspond à une hausse de 3 %. Cette hausse n’est pas vilaine, mais elle est sensiblement sous la moyenne ontarienne (3,7 %) ou celle de provinces pétrolières comme l’Alberta (4,2 %) ou Terre-Neuve-et-Labrador (5,5 %), qui ont bénéficié de la hausse du prix du pétrole.

Le Québec, faut-il dire, était dans une situation de plein emploi au moment de la pandémie, et son bassin de travailleurs s’accroît moins rapidement qu’ailleurs. « La reprise postpandémique laissait donc peu de place à de la création d’emplois supplémentaire », explique l’étude.

Le secteur public, porté par les besoins de la pandémie, notamment en santé, a connu une hausse bien plus importante de ses emplois (9,8 %) que le secteur privé (3,6 %) depuis trois ans.

L’année 2022 a toutefois vu cette tendance s’inverser, avec la création de 66 500 nouveaux postes dans le secteur privé, contre 10 000 pour le secteur public. En décembre 2022, le Québec comptait un million d’emplois dans le secteur public, soit 23 % du nombre d’emplois total (c’était 22 % en 2019).

Les salaires et l’inflation

Maintenant, grande question : quelle fut la hausse de salaire sur trois ans par rapport à l’inflation ? Encore une fois, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle, si l’on peut dire.

D’abord, le salaire moyen a augmenté de 17,1 % entre 2019 et 2022 pour atteindre 31,87 $ l’heure en décembre 2022. L’inflation a toutefois été moindre, surtout en 2020 et 2021, si bien que la hausse nette des salaires (une fois l’inflation retranchée) a été de 4,3 % sur trois ans.

En moyenne, donc, les Québécois ont un meilleur pouvoir d’achat en 2022 qu’en 2019. Voilà pour la bonne nouvelle.

La mauvaise nouvelle, en quelque sorte ? L’essentiel de cette hausse n’est pas le fait d’une progression de l’échelle salariale de chaque poste, obtenue après négociation avec les employeurs, mais plutôt d’un déplacement du marché vers des postes plus payants, comme expliqué plus haut.

Autre grande question : le ralentissement économique en cours soulagera-t-il la pénurie de main-d’œuvre ou, autrement dit, dégonflera-t-il le grand volume de postes vacants ?

Rien n’est moins certain, croit Emna Braham, vu la faible attractivité de la majorité des postes vacants – qui ne demandent pas de diplôme – et de l’augmentation de la scolarisation des Québécois.

Depuis 2016, le nombre de postes vacants pour lesquels aucune scolarité minimale n’est exigée a été multiplié par cinq, atteignant 88 695 à l’automne 2022. Il y a beaucoup plus de postes vacants dans cette catégorie aujourd’hui que de chômeurs (39 600).

À l’autre extrême, le nombre de postes vacants qui demandent un diplôme universitaire a été multiplié par trois durant la même période – plutôt que cinq – pour atteindre 31 450 à l’automne 2022. Et dans cette catégorie, les chômeurs sont plus nombreux (42 800) que les postes vacants, contrairement à celle des emplois qui ne demandent pas de diplôme.

Bref, l’essentiel des postes vacants ne sera probablement jamais pourvu, selon l’étude, car il s’agit de postes peu attrayants dans un contexte où le bassin de main-d’œuvre du Québec rétrécit et où les Québécois sont plus instruits.

L’immigration ne changera guère le phénomène. D’abord, les immigrants sont proportionnellement plus nombreux que les natifs à être diplômés.

Ensuite, leur taux d’emploi est en forte croissance, davantage que celui de la population en général. Ce taux d’emploi des immigrants de 25-54 ans était de 83 % en décembre 2022, un bond de 6 points en trois ans. En comparaison, la hausse est de 3 points pour l’ensemble des Québécois, à 87 % en décembre 2022.

La solution pour les entreprises aux postes qui exigent peu de scolarité passe par l’automatisation des tâches, donc par l’amélioration de la productivité.

Verra-t-on un jour des robots « flipper » des hamburgers la nuit ?