Chaque année, des centaines d’entreprises québécoises ferment leurs portes pour toutes sortes de raisons qui relèvent autant d’un plan d’affaires déficient ou d’une mauvaise lecture du marché que d’une conjoncture défavorable. Si au cours des 40 dernières années on a beaucoup poussé l’entrepreneuriat au Québec, on ne s’est pas beaucoup occupé des entrepreneurs qui se retrouvent en situation d’échec ou de détresse.

Et cette situation de détresse a été exacerbée chez de nombreux entrepreneurs qui ont eu à traverser les deux premières années éprouvantes de la pandémie avant de retrouver un contexte d’activité à peu près normal depuis le printemps dernier.

Il y a eu le stress financier lié au confinement, puis un certain répit avec les programmes de soutien qu’ont mis en place les gouvernements, puis le stress de redémarrer et de réembaucher en situation de pénurie d’emploi, sans filet gouvernemental.

Il y a 250 000 entreprises au Québec, et beaucoup d’entrepreneurs décident de se lancer en affaires pour s’y investir pleinement, mais beaucoup d’autres sont forcés de renoncer parce que leur expérience ne s’est pas déroulée comme ils l’auraient souhaité.

Il y a moyen d’adoucir la chute, de permettre aux entrepreneurs qui viennent de subir un stress énorme, qui vivent de la détresse, de sortir de leur isolement et de s’intégrer à nouveau dans le tissu entrepreneurial, beaucoup de ces gens-là ne sont pas capables de travailler pour un autre, c’est dans leur nature.

Nathaly Riverin, grande spécialiste de l’entrepreneuriat québécois

« Il faut qu’on s’occupe d’eux aussi. J’ai passé ma vie professionnelle à pousser l’entrepreneuriat au Québec. Là, j’ai décidé de m’impliquer dans la persévérance entrepreneuriale », poursuit Nathaly Riverin.

Économiste de formation et spécialiste de la stratégie d’entreprise, Mme Riverin a enseigné deux ans à HEC Montréal, avant de se joindre à la Fondation de l’entrepreneurship à titre de vice-présidente.

Elle a créé un centre de recherche et participé à la fondation, en 2010, de l’École d’entrepreneurship de Beauce (EEB), qu’elle a dirigée jusqu’en 2014.

« J’ai lancé ma propre firme de consultation, Rouge Canari, et mon premier mandat a été de faire la fusion de 18 organismes de financement d’entrepreneuses pour créer Femmessor que j’ai présidée avant sa transformation en Evol.

« Déjà là, j’ai observé que beaucoup de femmes qui n’arrivaient pas à rembourser leur emprunt avaient des problèmes d’épuisement, c’est là que j’ai compris qu’il fallait mieux épauler nos entrepreneurs. »

Persévérance entrepreneuriale

Il y a trois ans, Nathaly Riverin a décidé de revenir à ses racines d’entrepreneuse sociale en élaborant, de concert avec le ministère du Développement économique, le programme Persévérance entrepreneuriale, dont le lancement a été retardé par la pandémie, mais qui vient tout juste de démarrer ses activités.

« On offre du soutien sous plusieurs formes aux entrepreneurs qui vivent de la détresse, mais qui veulent poursuivre leur cheminement.

« On offre les services d’un coach et de l’accompagnement. On fait aussi du codéveloppement avec d’autres entrepreneurs qui vivent les mêmes situations, comme celle de se retrouver dans les comptes spéciaux de ta banque », explique Nathaly Riverin.

Quand tu te retrouves dans cette situation, ton réseau se sauve, ton banquier n’a plus la même face, tu te retrouves seul.

Nathaly Riverin

L’entrepreneur qui a recours à ce programme a aussi droit à une formation personnalisée de 10 heures, aux services pro bono de la firme comptable MNP, spécialiste en redressement-insolvabilité, et à un séjour de formation de 2 jours à l’EEB en présentiel par groupes de 6 ou 7 participants.

« Comme tout se fait en virtuel, il était important d’avoir un volet de groupe, en personne. L’EEB est un de nos partenaires commanditaires, tout comme la Fondation de la famille Lemaire », précise Nathaly Riverin.

Les participants au programme auront droit au mentorat de cinq entrepreneurs persévérants qui ont tous connu un ou des échecs avant de repartir sur de nouvelles bases.

On retrouve Marcel Dutil, fondateur du Groupe Canam, Jean Laflamme, PDG du fabricant de meubles South Shore, Louis Garneau, Nadia Bourgeois, anciennement de Fabritec et maintenant d’Orä Partenaires, et enfin Dominic Gagnon, de Connect and Go.

« On a fait un peu de publicité en décembre et on a ouvert les lignes téléphoniques la semaine dernière et on a déjà reçu l’appel de 65 entrepreneurs qui étaient intéressés par le programme. On est surpris de cet intérêt, mais on va s’adapter selon la demande », souligne Nathaly Riverin.

Le programme Persévérance entrepreneuriale est en partie financé par le ministère du Développement économique, mais les participants doivent payer de 150 à 300 $ par mois, durant l’année que dure l’accompagnement.

« C’est un nouvel outil qu’on a développé pour les entrepreneurs en difficulté, une aide que les institutions prêteuses n’offrent pas. Nous, on leur ouvre un réseau, on veut qu’ils retrouvent leur vision d’entrepreneurs, qu’ils ne s’éteignent pas », souhaite Nathaly Riverin.