Si la pandémie de COVID-19 a freiné les projets de nombreux entrepreneurs qui souhaitaient lancer leur entreprise en 2020, le nombre d’entrepreneurs émergents au Québec a augmenté de façon importante en 2021, pour atteindre le taux record de 17,6 %. Le Québec arrive toutefois derrière le reste du Canada, qui affiche un taux de 20,8 % d’entrepreneurs émergents.

On a toujours eu l’impression que le Québec était le fer de lance de l’entrepreneuriat au pays et que les milliers de PME québécoises qui alimentent l’activité économique faisaient contrepoids aux succursales d’entreprises étrangères qui jouent le même rôle dans le reste du Canada.

La réalité est tout autre, comme le démontre une analyse réalisée par les professeurs Étienne St-Jean et Marc Duhamel de l’Institut de recherche sur les PME de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), associé à l’École de gestion de l’UQTR.

Depuis 2013, l’Institut de recherche sur les PME de l’UQTR est associé au Global Entrepreneurship Monitor (GEM), qui réalise chaque année une grande étude comparative sur le dynamisme entrepreneurial dans le monde.

« Le GEM a été mis sur pied par la London School of Economics et regroupe quelque 400 chercheurs dans le monde. Au Canada, on réalise une enquête annuelle auprès de 2500 répondants, dont 600 du Québec », m’explique Étienne St-Jean.

Le GEM considère une entreprise comme émergente lorsqu’elle est au stade du démarrage jusqu’à ce qu’elle cumule 42 mois de salaires versés, peu importe le nombre d’employés.

L’année 2021 a donc été une année de rattrapage pour les nouveaux entrepreneurs émergents québécois puisque leur nombre a augmenté de 17,6 %, contre 12,1 % en 2020. Le taux d’entrepreneurs émergents était de 9,5 % en 2013, lorsque l’Institut de recherche sur les PME de l’UQTR a amorcé sa collaboration avec le GEM.

« Plusieurs entrepreneurs qui pensaient faire le saut en 2020 ont décalé l’exécution de leur projet en 2021, ce qui a permis, selon nous, d’atteindre ce taux record de 17,6 %. Il s’agit d’un bel élan », souligne Étienne St-Jean.

Les secteurs du détail et des services ont été ceux privilégiés par bon nombre d’entrepreneurs émergents au cours de l’année 2021, observe également le professeur.

Ce dynamisme des nouveaux entrepreneurs émergents québécois est cependant inférieur au taux de 20,8 % qui a été enregistré dans le reste du Canada.

« Depuis 2013, le reste du Canada devance toujours le Québec en termes de taux d’entrepreneurs émergents dans les analyses du GEM. Quand on pense aux grandes entreprises pétrolières de l’Ouest ou au secteur de l’auto, il y a plein de petites entreprises qui décrochent des contrats en sous-traitance », expose le chercheur.

Malgré le score inférieur obtenu par nos nouveaux entrepreneurs émergents, le Québec se classe tout de même avantageusement au 3rang du classement mondial, derrière le Chili, au 1er rang, le Canada, au 2e, et devant les États-Unis et les 24 autres pays de l’OCDE qui font partie du classement, qui regroupe plus de 40 pays.

L’enjeu de la pérennité

L’étude du Global Entrepreneurship Monitor nous apprend également que nos entrepreneurs émergents sont moins sensibilisés aux enjeux sociaux et environnementaux que ceux du Canada et de plusieurs autres pays dans le monde.

Seulement 58,9 % de nos entrepreneurs émergents priorisent les impacts environnementaux et sociaux plutôt que les profits contre 68,8 % dans le reste du Canada. Le Québec se classe 9e parmi les 24 pays de l’OCDE, alors que le reste du Canada arrive au 5rang.

Les entrepreneurs émergents québécois sont toutefois plus éveillés à la transformation numérique de leurs activités que ceux du reste du Canada, alors que 42 % veulent améliorer les technologies numériques existantes contre 25,6 % pour les nouveaux entrepreneurs du reste du Canada.

Le grand enjeu de la pérennité des activités des entreprises nouvellement lancées reste celui où, selon moi, les entrepreneurs émergents québécois ont la plus grande côte à remonter.

Seulement un infime pourcentage de 5,8 % des entrepreneurs émergents accédera au statut d’entrepreneur établi, c’est-à-dire que leur entreprise survivra toujours après la période charnière des 42 mois de salaires versés.

La grande majorité des entrepreneurs québécois émergents cesseront leurs activités en cours de route ou verront leur entreprise être reprise par un autre. Le Québec se classe au 12rang des 24 pays de l’OCDE, alors que le reste du Canada arrive bon deuxième avec un taux de 8,9 %.

Le professeur St-Jean souligne toutefois que le Québec enregistre un très fort taux de 44,3 % de repreneuriat contre seulement 24,8 % pour le reste du Canada.

« Beaucoup d’entrepreneurs émergents québécois ont dû composer avec la pénurie de main-d’œuvre et la hausse des salaires, qui ne leur permettait plus d’être concurrentiels. Plusieurs qui gardaient un emploi tout en lançant leur entreprise ont aussi préféré cesser leurs activités », analyse le professeur St-Jean.

S’il est quand même de bon augure que le Québec retrouve le dynamisme qui l’a longtemps caractérisé en matière d’entrepreneuriat, il serait nettement plus souhaitable que cette vitalité serve à mettre en marche des projets porteurs qui durent. L’éphémère n’a jamais un grand avenir.