En dépit d’un automne étonnamment clément durant lequel l’été s’est étiré de façon tenace, l’hiver est à nos portes et va bientôt nous permettre de renouer avec la plupart des attributs qui font du Québec un État nordique. Une nordicité qui nous caractérise, nous définit et dont nous partageons plusieurs valeurs avec les pays nordiques d’Europe qui souhaitent collaborer davantage avec le Québec et ses entreprises.

Cette semaine, les ambassadeurs des pays nordiques que sont la Finlande, la Suède, la Norvège, le Danemark et l’Islande étaient de passage dans la métropole pour y réaliser une série de rencontres afin de mieux se faire connaître, présenter leurs priorités et espérer nouer de nouveaux partenariats dans un contexte géopolitique changeant.

Les ambassadeurs de ces pays nordiques ont eu des entretiens avec des représentants de Montréal International, d’Investissement Québec, du Mila – Institut québécois d’intelligence artificielle –, de la grappe du cinéma et de l’animation, ils ont participé à une séance de discussion à l’Université Concordia. Bref, ils se sont immergés durant deux jours dans la culture et l’environnement québécois.

J’ai eu l’occasion de rencontrer quatre des ambassadeurs et d’échanger avec eux lors d’une présentation à Montréal International à laquelle l’ambassadrice du Danemark n’a pu participer pour des raisons de santé.

Quelle est la raison de cet intérêt soudain, mais bienvenu pour le Québec ?

« On a développé une nouvelle stratégie. On travaille ensemble tous les cinq, on se connaît bien. On sait qu’on est des petits poissons dans un grand océan, mais réunis, on peut mieux expliquer et défendre nos dossiers communs », indique dans un premier souffle Roy Eriksson, ambassadeur de Finlande au Canada.

Urban Ahlin, ambassadeur de Suède, enchaîne rapidement pour préciser les intentions derrière la démarche du groupe de pays scandinaves.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Urban Ahlin, ambassadeur de Suède au Canada

Le monde a changé. Il y a d’abord eu la COVID-19, puis l’agression de l’Ukraine par la Russie. Avant, on pouvait externaliser nos chaînes de production vers la Chine et d’autres pays qui ne sont plus fiables aujourd’hui. On cherche maintenant des partenaires sûrs. Le Canada en est un et nous en sommes aussi.

Urban Ahlin, ambassadeur de Suède au Canada

« On vient de voir comment l’Europe est devenue dépendante du pétrole et du gaz russes. Ce n’était pas une stratégie très intelligente. Avec la COVID-19, vous avez vu au Canada combien vous étiez dépendants de l’extérieur pour vos approvisionnements en vaccins, il faut revoir nos façons de faire », poursuit-il.

La nordicité comme tronc commun

Les cinq pays nordiques sont en croisade au Canada pour développer davantage de partenariats afin de mieux faire face aux enjeux émergents.

« On a une longue histoire commune. Les gens ne le savent pas, mais longtemps l’Islande a financé l’industrie de la pêche au Canada », souligne Hlynur Gudjonsson, ambassadeur d’Islande.

Les cinq pays souhaitent une meilleure collaboration avec le Canada et le Québec dans tout ce qui touche la transition énergétique, l’exploitation et la transformation des minéraux critiques, la filière manufacturière des batteries de véhicules électriques.

La Norvège et l’Islande aimeraient développer des alliances dans le secteur des produits de la mer, des technologies propres, biomédicales et maritimes.

« On souhaiterait fabriquer des navires brise-glace pour le Canada. On construit 60 % des brise-glace dans le monde, tant pour le secteur militaire que pour le secteur commercial, et ils coûtent bien moins cher », précise Roy Eriksson, ambassadeur de Finlande.

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Roy Eriksson, ambassadeur de Finlande au Canada

La Finlande ne veut plus dépendre de la Chine, nous voulons renforcer notre chaîne d’approvisionnement en intensifiant nos échanges avec vous.

Roy Eriksson, ambassadeur de Finlande au Canada

Les cinq ambassadeurs ont tenu des rencontres semblables, plus tôt cette année, au Manitoba, au Yukon et en Alberta.

La Suède, on le sait, est le pays nordique qui a la plus forte empreinte économique au Québec, avec ses entreprises emblématiques telles que Volvo, Nova Bus, ABB, Ericsson et même IKEA.

La Finlande suit avec l’entreprise Emballage Winpak, le développeur de jeux vidéo Rovio, les ascenseurs Kone. La Norvège s’est fait connaître avec l’implantation malheureuse de Norsk Hydro à Bécancour, mais à l’instar du Québec, le pays compte sur l’hydroélectricité pour répondre à plus de 90 % de ses besoins en électricité.

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Erik Furu, chef de mission adjoint à l’ambassade de Norvège au Canada

Par ailleurs, la société québécoise Couche-Tard s’est signalée en Norvège, il y a 10 ans, lorsqu’elle a réalisé l’acquisition du réseau de 2300 dépanneurs et stations-service Statoil Fuel & Retail au prix de 2,8 milliards US.

On veut plus du Québec

« Nous exportons beaucoup vers le Canada, mais nous voulons importer plus de produits du Québec, plaide Urban Ahlin, de la Suède. On souhaite notamment réaliser des partenariats dans les secteurs des mines et de la foresterie. »

Après vérifications, le Québec importe effectivement davantage qu’il n’exporte vers les pays d’Europe du Nord, soit 782 millions d’exportations l’an dernier contre 1,8 milliard d’importations, le Québec accumulant ainsi un déficit commercial de plus de 1 milliard.

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Hlynur Gudjonsson, ambassadeur d’Islande au Canada

On est très proches du Québec et du Canada. Pas seulement à cause de la température, mais aussi du mode de vie. On est beaucoup plus proches de vous que des États-Unis.

Hlynur Gudjonsson, ambassadeur d’Islande au Canada

Et tout le monde autour de la table s’entend sur une chose, outre le fait de partager une frontière quasi commune avec l’Arctique, les pays nordiques et le Canada partagent une valeur et une passion cardinale commune : le hockey.

« Aujourd’hui, c’est plus un trait commun avec la Suède et la Finlande », avance l’ambassadeur de Suède.

« Je vous rappelle que neuf des joueurs de l’équipe des Falcons de Winnipeg, qui a représenté le Canada aux Jeux olympiques de 1920 en Belgique, étaient islandais et qu’ils ont permis au Canada de remporter la première médaille d’or de l’histoire [du hockey aux Jeux olympiques] », réplique prestement et fièrement Hlynur Gudjonsson, ambassadeur d’Islande.

Effectivement, le hockey est et reste un puissant ciment de la nordicité.

Rectificatif : Dans une version précédente du texte, des propos de Roy Eriksson, ambassadeur de Finlande au Canada, avaient été attribués à tort à Erik Furu, chef de mission adjoint à l’ambassade de Norvège au Canada.