Alors que la tempête inflationniste alimentaire se poursuit, certains épiciers, notamment Loblaw, tentent de marquer des points auprès des consommateurs en gelant les prix de nombreux produits. Bel effort, mais la réaction de Metro à la campagne de Loblaw a soulevé de sérieuses questions sur les pratiques de fixation des prix de l’industrie, encore une fois.

Le taux d’inflation alimentaire au Canada dépasse celui de l’inflation générale de notre pays depuis maintenant 10 mois consécutifs. En septembre, le taux d’inflation des aliments se situait à 10,3 %, selon le plus récent indice des prix à la consommation publié par Statistique Canada la semaine dernière. Étant donné que les épiciers canadiens affrontent de nouveau un déluge de critiques de la part de Canadiens inquiets, certains ont commencé à réagir.

La toute récente annonce de Loblaw pour le lancement de la plus grande campagne de gel des prix au monde a suscité des réactions mitigées de la part des Canadiens.

Certains ont salué la démarche, mais d’autres, qui se souviennent encore du stratagème de fixation des prix du pain qui s’est déroulé pendant 14 années, ont naturellement réagi à l’annonce de Loblaw avec beaucoup de scepticisme. La confiance des consommateurs envers les épiciers avait été minée à l’époque, ce qui suscite toujours la méfiance aujourd’hui.

La campagne de Loblaw se poursuivra pendant plus de 10 semaines, notamment pendant la très lucrative période des Fêtes. On ne sait pas si les clients épargneront vraiment ou combien ils économiseront, mais cette promotion apportera une certaine prévisibilité aux consommateurs.

Toutefois, la réaction de Metro a semé la confusion. Alors que Sobeys a simplement choisi de présenter certaines de ses promotions en cours, Metro a décidé de passer à l’attaque.

Metro a déclaré : « Il s’agit d’une pratique de l’industrie d’avoir un gel des prix du 1er novembre au 5 février pour tous les produits d’épicerie de marque privée et de marque nationale, et ce sera le cas dans tous les points de vente Metro. » Une journée plus tard, Metro a publié une autre déclaration clarifiant que sa position portait sur le gel des prix avec les fournisseurs, et non sur les prix au détail.

Avant de devoir se corriger, Metro voulait clairement saper la campagne de Loblaw en déclarant que le gel des prix à cette période de l’année n’avait rien d’extraordinaire. Ce faisant, sans même y réfléchir à deux fois, il laissait entendre au grand public qu’il agissait de connivence avec d’autres épiciers. La collusion au détail est bien sûr illégale.

Plusieurs dans l’industrie connaissent les pratiques de gestion des coûts saisonniers. Les épiciers seront enclins à accepter des augmentations de coûts pendant certaines périodes de l’année. Toutefois, les périodes hivernales, dites de « blackout », inciteront les épiciers à rejeter les augmentations de coûts de la part des fournisseurs.

La déclaration de Metro a probablement été publiée à la hâte, pour répondre aux demandes des médias la journée même de l’annonce faite par Loblaw. Pourtant, il semble que, sur le coup, Metro n’a même pas réalisé à quel point sa déclaration devenait incriminante pour lui-même et pour l’ensemble de l’industrie, ce qui pourrait indiquer un problème beaucoup plus vaste.

Près de quatre Canadiens sur cinq croient que les épiciers manœuvrent pour faire gonfler les prix à l’épicerie et la déclaration de Metro a renforcé ce sentiment.

Soutenu par un vote parlementaire unanime, Ottawa lancera sous peu son enquête sur les prix alimentaires et l’inflation dans les semaines à venir. Le Comité permanent de l’agriculture devra réviser à fond la déclaration de Metro et comprendre son implication pour l’industrie et pour les consommateurs. Même le Bureau de la concurrence s’en mêle avec sa propre étude sur le même phénomène.

Au-delà de cela, le comité doit également comprendre que la cupidité peut se retrouver n’importe où dans la chaîne alimentaire, de la ferme au magasin, et pas seulement sur les étagères des commerçants. Les prix de détail de certains secteurs verticaux comme les produits laitiers, la viande et la boulangerie ont affiché des tendances erratiques ces dernières années. Il ne faut pas s’étonner que l’industrie de la transformation de la viande fasse actuellement l’objet de deux actions collectives, au Québec et en Colombie-Britannique. Le Bureau de la concurrence doit assurer une surveillance plus proactive de ce qui se passe dans l’ensemble du spectre alimentaire.

Ne cibler que les épiciers reviendrait à blâmer le serveur d’un restaurant lorsqu’un plat manque de cuisson. Espérons que le comité s’engagera à examiner les causes profondes légitimes, et pas seulement les cibles populistes pour marquer des points politiques. Mais Metro n’a pas aidé la cause des épiciers.