En fin de compte, les partis de gauche n’auront récolté que 30 % des voix, essentiellement.

À suivre la campagne, à voir l’engagement des jeunes, à lire certains commentateurs, on se serait attendu à beaucoup plus, notamment de Québec solidaire. Le parti de Gabriel Nadeau-Dubois, après le débat des chefs à TVA, était même vu comme le prochain chef de l’opposition officielle.

Autour de moi, plusieurs vantaient les qualités de tribun du jeune chef, qualités qu’on a pu voir lors de son remarquable discours de fin de soirée électorale. Même de vieux libéraux et péquistes de mon entourage, plutôt de droite fiscale, ont songé à voter pour Québec solidaire, notamment pour sa fougue environnementale.

En fin de compte, donc, le parti n’aura réussi à récolter que 15,4 % des voix des électeurs, soit moins que les 16,1 % de 2018. Les électeurs des régions n’ont pas suivi, étant plus conservateurs qu’à Montréal et moins sensibles aux propos déshonorants de la CAQ sur l’immigration. Bien des jeunes de QS en sont désillusionnés, malgré deux gains du parti à Montréal.

Les Québécois, visiblement, ne partagent pas les préoccupations sociales fortement médiatisées de Québec solidaire. Ou du moins, ils auront été raisonnables : oui l’environnement, oui le logement social, oui la justice sociale, mais pas au prix de déstructurer l’économie et de multiplier les nouvelles taxes et les sociétés d’État.

Quant au Parti québécois (14,6 % des voix), l’autre parti à gauche si l’on exclut l’aspect identitaire, la souveraineté occupe toujours une place centrale, avant tout le reste, mais le projet ne suscite plus autant d’attrait.

Le Québec a élu le parti le plus apte à gouverner, surtout dans le contexte économique incertain. La CAQ a la plateforme et l’équipe économiques les plus solides, malgré ses faiblesses concernant l’enjeu de la pénurie de main-d’œuvre.

Ses baisses d’impôt sont plus raisonnables que celles des deux autres partis qui en promettaient (PLQ et PCQ), comme son utilisation de la provision pour risques économiques (seulement 20 % au lieu de 100 % du PLQ) ou sa récupération d’une partie des versements au Fonds des générations (35 % au lieu de 100 % à QS).

La CAQ n’a pas un plan vert ambitieux – et parfois contradictoire, notamment avec le troisième lien –, mais le Québec ne sera pas dirigé par un gouvernement climatosceptique, tant s’en faut.

Sous la CAQ, il n’y aura pas de baisses de la taxe sur l’essence ni d’abolition du marché du carbone, comme en Ontario. Et on est aussi loin des positions propétrole des conservateurs de l’Ouest canadien et encore plus loin de la droite américaine, brésilienne ou italienne.

De plus, quoi qu’on dise, le Québec aura besoin d’énormément de nouvelles énergies propres s’il veut réussir son virage vert, comme la CAQ le promet.

Dans ce contexte, pourquoi se préoccuper du score des autres partis, notamment de QS ? Parce que notre démocratie aura besoin d’une autre option de pouvoir, aux prochaines élections. Or, avec le positionnement centriste de la CAQ, ou légèrement à droite, en plus du morcellement de l’électorat entre les quatre autres partis, il est difficile de voir d’où viendra cette autre option.

Je peine à imaginer que ce serait le PLQ, un parti centré sur les anglophones et sans grands projets de société. Difficile de croire à une remontée du PQ, dont le projet de souveraineté, surtout porté par les baby-boomers et les membres de la génération X vieillissants, s’étiole. Quant au Parti conservateur, il est trop loin à droite pour l’électeur québécois moyen.

Québec solidaire pourrait représenter cette solution de rechange, grâce à l’appui des jeunes – très déterminés – à son chef charismatique et à l’enjeu central de l’environnement. Mais pour ce faire, le parti devra sérieusement alléger sa plateforme électorale, se réaligner vers le centre et limiter ses efforts à certains enjeux prioritaires, notamment l’environnement.

Car cet enjeu crucial, quoi qu’on dise, rassemble une proportion grandissante de Québécois. La tendance ne se dégonflera pas avec les changements climatiques de plus en plus concrets au cours des prochaines années.

QS doit faire avec l’environnement, entre autres, ce que le PQ a fait dans les années 1970 avec la souveraineté : le PQ avait rallié les nationalistes durs et mous de la gauche et de la droite, malgré sa plateforme sociale-démocrate, parvenant ainsi à diriger le Québec.

Pour y arriver, QS devra faire le constat des limites du modèle économique québécois, l’un des plus à gauche de l’Occident, plutôt que de vouloir le socialiser davantage comme si nous étions les États-Unis.

QS devra aussi se réconcilier avec le monde des affaires. Et reconnaître que le modus operandi des entrepreneurs, sans être parfait, les oblige à être efficaces et à créer de la richesse qui, oui, finit par être redistribuée, ne serait-ce que par les impôts que paient leurs employés et actionnaires.

Les Québécois pourraient vivre avec quelques nouvelles mesures sociales, même avec une certaine hausse d’impôt, mais jamais avec le bouquet touffu que nous propose QS.

Le parti parviendra-t-il à faire ce recentrage, vu l’importante partie de ses militants très à gauche et allergique à tout ce qui rime avec économie, profit ou richesse ? Vu sa base, souvent syndicale, qui voit encore les patrons comme des méchants ?

Sans ce réalignement, ou encore une fusion avec le PQ, QS ne prendra jamais le pouvoir. Et le Québec n’aura probablement pas de solution de rechange sérieuse, puisque le PLQ peine à séduire les francophones, et vu l’improbabilité d’une réforme du mode de scrutin.

Qui se surprendrait alors, comme je l’ai été avec le faible taux de participation de 66 % malgré la brochette de partis divers, que les Québécois se rendent moins nombreux à voter ?