Dominique Anglade répète qu’elle permettra à « une famille avec deux enfants de recevoir, en moyenne, 5000 $ dans ses poches avec son plan portefeuille ». La promesse est d’ailleurs précisée dans un communiqué du 29 août 2022. Mais d’où viennent ces 5000 $ ? Mystère.

J’ai demandé au Parti libéral du Québec (PLQ) de m’expliquer comment l’ensemble de ses mesures touchant les familles finissait par donner, en moyenne, 5000 $. Je ne suis pas foncièrement exigeant et me serais contenté de 4812 $, disons, arrondi à 5000 $. Mais non, le PLQ n’a pu me fournir de chiffres qui permettent d’étayer clairement ses affirmations.

Selon mes calculs, la moyenne que les familles avec deux enfants obtiendront de plus annuellement, si le PLQ est élu, avoisinerait plutôt les 2800 $, soit presque deux fois moins. J’y reviens plus loin.

En guise d’explications, un porte-parole du PLQ m’a transmis une grille avec quatre cas types pour illustrer les gains avec les mesures proposées. Y figurent notamment les baisses d’impôt, l’exemption du droit de mutation pour les premiers acheteurs (ce qu’on appelle la « taxe de bienvenue ») et l’exemption de TVQ sur les produits essentiels et sur la facture d’Hydro-Québec, par exemple.

Les quatre cas démontrent que certaines familles, en combinant des mesures, toucheraient entre 2216 $ et 12 842 $. Mais ces quatre cas ne donnent aucunement une moyenne de 5000 $ et, surtout, ils ne sont pas représentatifs de la moyenne des gains pour une famille avec deux enfants.

Car entendons-nous : outre les baisses d’impôt généralisées, dont profiteront presque toutes les familles – 1430 $ en moyenne –, les autres mesures touchent des profils spécifiques, dont l’effet est fortement réduit quand on les étend à l’ensemble des familles. C’est ce qu’on appelle une moyenne.

Par exemple, seule une partie des enfants suivent un projet pédagogique particulier à l’école (sport-études, etc.), et donc une minorité de familles bénéficierait des 425 millions de dollars prévus annuellement pour les aider. Même chose pour l’exemption sur la taxe de bienvenue aux premiers acheteurs.

Surtout, l’une des mesures phares du PLQ, soit l’accès à une garderie à 8,70 $ par jour à toutes les familles contraintes de recourir au privé, n’est pas budgétée dans le cadre financier du PLQ1.

La promesse serait essentiellement financée par la réduction du crédit d’impôt pour frais de garde que causerait le changement et par l’augmentation déjà prévue par la CAQ au budget du ministère de la Famille, m’écrit un porte-parole du PLQ. Bref, pas d’argent frais pour les familles à ce chapitre2.

Tout compte fait, c’est-à-dire quand on répartit les mesures du PLQ à l’ensemble des familles – visées ou non par des promesses précises –, la moyenne des gains avoisine plutôt les 2800 $ par famille de deux enfants, loin des 5000 $ promis (voir le tableau détaillé à la fin du texte).

Pour arriver à cette approximation – car c’est ce dont il s’agit et elle est bien imparfaite –, je n’ai pas tenté d’élargir l’écart, au contraire, j’ai été plutôt prudent, avantageant les gains promis par le PLQ dans certains cas, afin de donner la chance au coureur. Ma méthode a été validée par deux experts externes à La Presse, qui ne veulent pas être cités pour éviter de s’impliquer politiquement dans le débat.

Vous me direz que 2800 $, c’est beaucoup d’argent pour une famille moyenne et vous avez raison. Et oui, certains ménages toucheraient bien davantage (et d’autres beaucoup moins).

Mais pourquoi parler de 5000 $, en moyenne, si la somme est plutôt de 2800 $, voire 3000 $ ? D’où vient ce chiffre de 5000 $ au juste ? Pas de réponse.

Est-il possible que le PLQ ait pris le risque de doper ses promesses pour frapper l’électorat, se distancier de l’ère difficile des compressions budgétaires, en espérant ainsi combler l’écart qui le sépare de la CAQ ?

Le PLQ n’est pas le seul à vanter ses promesses pour s’attirer la faveur de l’électorat. Et sa cheffe ne commet pas les gaffes à répétition de la CAQ, notamment sur l’immigration ou le troisième lien à Québec.

Mais après l’erreur de 12 à 16 milliards sur l’estimation de la dette, expliquée dans une précédente chronique, on peut se demander si « le parti de l’économie » avait bien astiqué ses chiffres avant de se lancer dans la campagne électorale.

En soirée, mardi, l’attaché de presse de Dominique Anglade, François White, m’a transmis une réaction à mon estimation par courriel. « Nos cas types démontrent qu’une famille moyenne de deux adultes et deux enfants peut avoir jusqu’à 12 842 $ et d’autres peuvent avoir 2216 $, bref pour chaque famille, il s’agit d’un cas spécifique. Nous sommes très heureux de mettre de l’avant une plateforme qui propose des mesures spécifiques pour aider les familles du Québec à lutter contre l’inflation. »

1. La liste d’attente pour des places à 8,70 $ s’élèverait à 52 000. Actuellement, ces places à contribution réduite sont de environ 235 000.

2. Et même si l’on ajoutait cette somme, l’effet moyen sur les familles avec deux enfants pourrait être de 1250 $ (somme par ailleurs perdue avec le crédit d’impôt), augmentant le total hypothétique à quelque 4050 $, encore sous les 5000 $.