« Il y a une grosse pancarte Bell et ils vendent des forfaits de Bell. Alors je me plains à Bell. Mais Bell me dit que ce n’est pas son magasin ! »

Michel n’oubliera pas de sitôt l’achat de son dernier iPhone.

Céline non plus.

Michel et Céline ne se connaissent pas, mais ils m’ont pratiquement raconté la même histoire.

Tous deux se sont rendus dans une boutique Bell (pas la même), où ils ont acheté un nouvel appareil. Tous deux ont découvert qu’on leur avait facturé une garantie prolongée à leur insu. Tous deux ont appelé Bell pour se plaindre avant d’apprendre qu’ils n’avaient pas vraiment fait affaire avec Bell.

En juillet, Michel s’est rendu dans une boutique Bell de la couronne nord de Montréal. Il a payé son iPhone 13 au complet, tout en précisant au vendeur qu’il souhaitait garder le même forfait. On lui a remis un étui, une vitre protectrice, un câble. Il a apposé sa signature sur un iPad avant de repartir sans aucun document papier. Rien de surprenant, en 2022.

La surprise s’en venait. Arrivé chez lui, Michel regarde ses courriels. « Bell m’annonçait une augmentation du prix de mon forfait. » En rappelant la boutique, il finit par comprendre qu’on lui a vendu une garantie prolongée à 880 $ et que les accessoires n’étaient pas gratuits. Facture totale : plus de 1100 $. C’est cette somme, étalée sur 24 mois, qui avait été ajoutée à son forfait.

Céline voulait payer son nouvel appareil comptant « comme on s’achète une paire de chaussures dans un magasin ».

À son grand étonnement, l’employé de la boutique située dans l’île de Montréal lui dit qu’il n’était pas « équipé pour facturer » les clients, m’a-t-elle raconté. Il fallait donc « passer par une tierce partie », en l'occurrence Flexiti, une entreprise de financement. La dame insiste, elle ne veut pas se retrouver à payer des intérêts si elle oublie un paiement. On lui assure que ce ne sera pas le cas.

« Je trouvais ça un peu étrange, mais je me pensais chez Bell puisque le magasin arbore le logo et les couleurs Bell, et que les employés ont un écusson Bell sur leur chandail. » La cliente baisse sa garde. Bell n’est quand même pas une binerie.

Céline a fini par recevoir deux factures. Celle de Bell, avec un montant pour l’achat de l’appareil, et celle de Flexiti pour un « Promotional Purchase » de 874 $ et un « Annual Fee » de 40 $. Elle croyait avoir été facturée en double pour son téléphone, mais ce n’était pas le cas. Elle a fini par comprendre qu’on lui avait vendu une garantie prolongée et des accessoires de plusieurs centaines de dollars, le tout financé par Flexiti.

À l’instar de Michel, Céline s’est empressée de contacter Bell pour se plaindre.

C’est ainsi qu’ils ont appris que le propriétaire des boutiques où ils ont acheté leur téléphone s’appelle Cellcom. Et qu’ils devaient régler leurs litiges directement avec cette entreprise.

« Je n’ai pas manqué de leur mentionner à quel point ces magasins nuisent à la réputation de Bell ! », m’a dit Céline, en me demandant si Bell peut légalement se dégager de toute responsabilité sous prétexte que les magasins ne lui appartiennent pas.

C’est une excellente question que j’ai posée à l’Office de la protection du consommateur (OPC). Impossible de trancher sans connaître « la nature des relations commerciales » entre Bell et Cellcom, a-t-on répondu. Les consommateurs lésés doivent donc entreprendre des recours contre les deux et, ultimement, le tribunal devra statuer sur la responsabilité de chacune des parties.

De son côté, Bell affirme que tous ceux qui vendent ses produits et services « doivent respecter des normes et des codes stricts », y compris les employés de Cellcom, et que « la conformité à ces normes est étroitement surveillée ». Le géant des télécommunications ajoute que les clients ne devraient « jamais » se faire vendre un produit ou un service à leur insu. « Nous prenons ces allégations au sérieux », assure la porte-parole Éliane Légaré.

Finalement, Michel a réussi à se faire rembourser, tandis que Céline a obtenu une compensation. Mais tous deux tenaient à raconter ce qu'ils ont vécu pour alerter les consommateurs avec leur histoire qui n’est pas sans rappeler ce qui se passe chez certains concessionnaires automobiles. Là aussi, on impose des frais, on vend des accessoires et des garanties prolongées que les clients n’ont jamais demandés. Et dont ils n’ont même jamais entendu parler.

C’est précisément ce que reproche l’Autorité des marchés financiers (AMF) à HGrégoire⁠ 1, et l’OPC à une série de commerçants, dont ceux du Groupe Park Avenue⁠ 2.

L’industrie des télécommunications a aussi des croûtes à manger pour améliorer sa réputation.

En 2019, une étude du CRTC concluait que les pratiques « trompeuses ou agressives » se produisent « à un point qui est inacceptable ». Et même si elle demeure plutôt méconnue, la Commission des plaintes relatives aux services de télécom-télévision (CPRST) reçoit chaque année les doléances de dizaines de milliers de Canadiens.

La bonne nouvelle, c’est que le CPRST règle la vaste majorité (88 %) des plaintes qui lui sont acheminées. Ça vaut le coup de recourir à ses services.

Mais l’idéal serait de régler les problèmes potentiels en amont, en forçant les entreprises à remettre des contrats détaillés et des factures claires aux clients. Au moment de la transaction, sur du bon vieux papier. Même en 2022.

1. Lisez la chronique « Écarts de conduite chez HGrégoire » 2. Lisez la chronique « Les clients moins payants se font tordre le bras »