La restauration récupère tranquillement, mais le secteur n’est pas sorti du bois.

Après une série de confinements et de fermetures, la restauration peine à se sortir du marasme. Depuis un an, le nombre de restaurants au Canada qui ont fermé leurs portes est 43 % plus élevé que le nombre de restaurants qui ouvrent. L’offre rétrécit toujours.

Selon un récent rapport de Restaurants Canada, les ventes dans le secteur du service alimentaire, ajustées selon l’inflation, stagnent à 11 % en dessous de celles de 2019, la dernière année complète avant la pandémie. Les ventes pourraient toutefois franchir la barre des 100 milliards de dollars dès l’an prochain. Un rebondissement spectaculaire. Pour 2022, nous nous attendons à une diminution de l’achalandage de 9 % dans la restauration avec service, et de 5 % dans la restauration rapide. Encore une fois, des chiffres encourageants.

Le rapport annuel se voit bien sûr endoctriné par l’optimisme et la résilience que l’on connaît du secteur. Mais dans une éventuelle récession avec des taux d’intérêt qui augmentent partout, les gens devront faire des choix et même changer certaines habitudes. Sans nul doute, un budget plus serré raréfiera les visites au resto pour bon nombre de consommateurs.

Nous estimons qu’en moyenne, 27 % du budget alimentaire se destine actuellement à la restauration. Avant la pandémie, cette proportion dépassait 35 %. Pour retrouver ce pourcentage, il faudra du temps, voire quelques années.

Mais le rapport surprend un peu ; pas un seul mot sur le travail à domicile. Or, nous estimons que d’ici 2025, près de 40 % de la main-d’œuvre canadienne travaillera au moins une journée par semaine à la maison. Un marché plus domestique et sédentaire n’a pas la même relation avec la nourriture qu’un marché qui se mobilise quotidiennement. La chaîne Shake Shack aux États-Unis, qui possède au-delà de 6000 restaurants dans le monde, dont quelques-uns au Canada, illustre bien le modèle du pivot stratégique durant la pandémie. Les revenus de la chaîne atteignent près de 500 millions de dollars. En mars 2020, ses ventes en ligne étaient pratiquement nulles. Aujourd’hui, 43 % des ventes proviennent du web, par l’entremise de l’application téléphonique. D’ailleurs, pour la restauration rapide, seulement 16,5 % des clients mangeront leurs repas sur place. Avant la pandémie, ce taux atteignait 33,9 %.

Peu surprenant de voir d’autres chaînes imiter Shake Shack, notamment Subway, qui mise beaucoup sur sa propre application. Le trafic virtuel devient ahurissant. Skip, qui vient de licencier 350 personnes, le sait très bien. Cette plateforme de commerce électronique ainsi qu’Uber Eats, Doordash et d’autres qui proposent la livraison de repas des restaurants partenaires voient leurs chiffres d’affaires touchés par un marché qui reconnaît le potentiel d’une clientèle plus virtuelle.

Même les épiciers améliorent leur service et misent davantage sur l’achat en ligne. Avant la pandémie, le service alimentaire avait le quasi-monopole de la livraison et du service au comptoir. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Bien évidemment, le secteur devra surmonter les embûches semées par l’inflation et la main-d’œuvre. Pour l’inflation, pendant que le prix sur les menus augmente, le nombre de choix diminue. Moins de gaspillage, moins de coûts. Possiblement, nous assisterons à un nombre grandissant de restaurants qui offriront un seul plat par jour. Et pourquoi pas ? Des restaurants européens le font déjà. La demande devient plus prévisible.

Pour la main-d’œuvre, Restaurants Canada estime que le secteur dénombre entre 150 000 et 170 000 postes vacants depuis quelque temps. Mais en réalité, le secteur emploie 271 000 personnes de moins qu’en 2019, avant la pandémie. Un écart énorme. Des établissements réduisent leurs heures d’ouverture et demeurent fermés certains jours de la semaine. Les restaurateurs miseront de plus en plus sur la robotique, et on le constate déjà dans plusieurs commerces, autant dans la cuisine que dans la salle à manger.

La restauration se redéfinit et ressort d’une période tumultueuse avec une volonté ferme de s’adapter à un marché difficilement prévisible. Les tendances à suivre en restauration se concentreront sur les produits locaux, les mets réconfortants et des aliments aux saveurs d’inspiration internationale. En voulez-vous des paradoxes, en v’là.