Comme bien des militants de gauche dans le monde, Québec solidaire veut imposer les grandes successions et ainsi contribuer à réduire les inégalités de richesse.

Québec solidaire (QS) dit s’inspirer « des politiques qui existent en Allemagne, en France, au Royaume-Uni ou au Japon ». Les autres partis politiques du Québec se sont rapidement opposés à la mesure, pour diverses raisons, et le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a dit n’avoir aucunement l’intention de « taxer les morts ».

En soi, un impôt sur l’héritage peut se justifier dans la mesure où les riches héritiers n’ont pas mérité, par leur travail ou leur génie, la fortune qu’ils reçoivent. Et dans le contexte où plusieurs économistes ont constaté un écart grandissant entre l’avoir des riches et celui des pauvres, ce qui nuit à la cohésion sociale.

Mais il y a un hic : le Québec et le Canada imposent déjà les morts. En s’inspirant des politiques d’autres pays, Québec solidaire imposerait donc doublement les successions des Québécois (l’impôt atteindrait 35 % des sommes excédant 1 million de dollars, selon la proposition de QS).

Dans une analyse comparative parue l’an dernier, le professeur de fiscalité Luc Godbout, de l’Université de Sherbrooke, a fait le tour de la question pour 36 pays et ses conclusions sont claires : une forme d’imposition au décès existe déjà au Canada et au Québec, comme ailleurs, même si elle ne porte pas le nom d’impôt successoral à proprement parler.

Lisez l’analyse de Luc Godbout

Plus précisément, au décès, tous les biens d’un particulier sont présumés être liquidés et donc sujets à un impôt sur le gain en capital. Actions en Bourse, chalet et immeubles à revenu (autres que la résidence principale), par exemple, sont sujets à un impôt sur la moitié du gain dont le taux peut atteindre un maximum de 53 % au Québec.

Le Canada fait partie de 3 des 36 grands pays industrialisés à imposer le gain en capital couru dans les mains du défunt avant tout transfert aux héritiers (bien que des roulements soient possibles, principalement au conjoint). En France ou au Royaume-Uni — modèle cité par Québec solidaire –, « le gain en capital couru au décès n’est jamais imposé », explique M. Godbout, d’où la pertinence d’un impôt sur la succession.

Cet impôt varie selon le type d’héritiers, mais en règle générale, le conjoint héritier est souvent très peu imposé et les enfants qui héritent doivent payer un taux qui progresse selon le niveau des sommes reçues. Le taux marginal peut atteindre 40 %, par exemple, sur la portion de l’héritage reçu par un enfant qui dépasse 1 million de dollars.

En Suède, il n’y a pas d’impôt sur les successions, et l’impôt sur le gain en capital n’est prélevé que lorsque l’héritier cédera éventuellement l’actif dont il a hérité (bref, on reporte l’impôt à beaucoup plus tard).

Alors, faut-il imposer doublement les morts au Québec ?

TVQ : plutôt un chèque pour compenser

Autre sujet chéri de Québec solidaire, la TVQ, cette taxe de vente qui frappe davantage les pauvres, en proportion de leur budget, surtout en période inflationniste. Le parti veut la suspendre sur certains produits et services pour tous les contribuables, riches et pauvres.

Par souci d’équité, n’aurait-il pas été préférable pour QS de promettre d’envoyer des chèques aux seuls moins fortunés pour compenser ?

Mais encore une fois, il y a un hic : c’est exactement ce que fait déjà notre système fiscal depuis de très nombreuses années, au provincial comme au fédéral.

Cette année, le régime québécois a versé 1,8 milliard de dollars aux Québécois moins fortunés par le truchement du crédit d’impôt pour la solidarité. Ce crédit couvre essentiellement les coûts de la TVQ pour les produits de base et un montant pour les frais de logement.

Et en plus, les chèques sont indexés, ce qui permettra aux ménages plus modestes de voir leurs versements gonfler de 5 à 6 % de plus en 2023, soit l’équivalent de l’inflation.

Pour la portion TVQ, les personnes seules gagnant moins de 36 790 $ ont droit à des chèques totalisant 456 $ et les couples, à 618 $. La somme descend progressivement pour devenir nulle passé un certain revenu (51 990 $ pour une personne seule et 57 390 $ pour un couple).

Le crédit a été conçu pour compenser entièrement la TVQ payée par les moins fortunés pour un panier de consommation de base, qui englobe l’alimentation, les vêtements et le transport, entre autres. Il faut oublier les restaurants, bien sûr, que veut couvrir Québec solidaire avec sa promesse.

En ajoutant la composante logement, le chèque du gouvernement grimpe jusqu’à 1055 $ pour une personne seule et 1345 $ pour un couple, toujours sous les 36 790 $ de revenus. Le seuil de fin de crédit est un peu plus élevé quand sont combinés les composantes TVQ et logement (54 373 $ et 63 473 $).

Bon an, mal an, quelque 2,8 millions de ménages encaissent un chèque de solidarité, dont la somme moyenne s’élève à quelque 635 $. Somme à laquelle il faut ajouter le crédit pour la TPS du fédéral.

Bref, vous aurez compris que notre système fiscal prévoit déjà de compenser adéquatement les moins fortunés pour la TVQ et que ce système est bien moins coûteux et solidaire que de faire profiter tous les contribuables d’une baisse de la TVQ.