Permettez que je vous parle aujourd’hui des 2 x 4 – ces colombages que tâtent régulièrement les bricoleurs, dont je suis – pour vous illustrer les bonnes nouvelles concernant l’inflation ?

Pour la première fois depuis plusieurs mois, le taux d’inflation courant a diminué le mois dernier, a annoncé Statistique Canada. Il est passé d’une hausse annuelle de 8,1 % en juin à 7,6 % en juillet au Canada (et même à 7,3 % au Québec).

En soi, c’est une bonne nouvelle, bien que le phénomène s’explique surtout par la baisse récente du prix de l’essence, d’où la prudence de bien des économistes.

Mais ce n’est pas de cette bonne nouvelle que je veux vous parler. Mon propos porte plutôt sur les indicateurs précurseurs, ceux qui influenceront les prix que paieront les consommateurs au cours des prochains mois, dont celui touchant les fameux 2 x 4 et autres matériaux.

Ces derniers mois, le prix du bois d’œuvre payé par les grands manufacturiers n’a pas augmenté, il a plutôt chuté dramatiquement.

Début mai, il fallait payer plus de 1000 $ US le mille pieds mesure de planche – l’unité utilisée dans le marché –, prix qui a dégringolé à quelque 550 $ ces derniers jours, en baisse de 45 % !

Ce genre de variation ne se reflète pas instantanément dans le prix payé par les consommateurs, à la hausse comme à la baisse. Sauf que tôt ou tard, les prix s’ajusteront. Pour votre gouverne, les 2 x 4 de 8 pieds en épinette se vendent 5,39 $ l’unité par les temps qui courent.

Le bois d’œuvre n’est pas le seul secteur touché par les baisses de prix. Pour un entrepreneur qui veut acheminer ses produits par conteneur, les nouvelles sont bonnes : le prix mondial moyen qu’il faut payer pour affréter un conteneur de 40 pieds a chuté de 27 % depuis trois mois, à 5989 $ US.

Le constat est semblable pour le prix des métaux et minéraux (- 9 %), de l’énergie (- 12 %) et même pour les produits agricoles canadiens (- 9 %), selon les indicateurs de la très crédible Banque du Canada. Si bien que globalement, le prix de l’ensemble des produits est en recul de 14 % depuis trois mois.

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« Il y a beaucoup d’indicateurs qui pointent vers une baisse du prix dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. La baisse récente de prix pour les produits est généralisée et se reflétera plus tard dans l’indice des prix à la consommation (IPC) », m’explique l’économiste en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion.

Un autre élément important vient toutefois mêler les cartes, soit le prix payé pour la main-d’œuvre, notamment pour les services. Un peu partout, les employés exigent des augmentations salariales qui rattrapent l’inflation, ce qui, en soi, est de nature à stimuler une hausse des prix.

Cette composante importante de l’inflation doit être analysée par le truchement du taux de chômage. Tant que la création d’emploi demeurera solide, la pression sur les salaires restera forte. On peut toutefois s’attendre à ce que la hausse des taux d’intérêt finisse par ralentir l’économie, réduire les marges de profits des entreprises et contraindre le marché du travail, donc les hausses de salaire.

Autre facteur : le logement. Encore une fois, la hausse des taux hypothécaires, bien qu’inflationniste pour l’immobilier, finira par freiner le marché immobilier et ses hausses de prix. Plusieurs observateurs notent d’ailleurs que le refroidissement du marché est déjà commencé et entrevoient des chutes significatives de prix.

Dans ce contexte, les économistes de la Banque Nationale estiment que la Banque du Canada devra encore augmenter son taux directeur, le 7 septembre, cette fois de 75 points de base. De son côté, le Mouvement Desjardins prévoit une hausse de 50 points.

Des taux d’intérêt plus élevés incitent les épargnants à placer davantage leur argent plutôt qu’à dépenser, entre autres.

« Après cette nouvelle hausse de taux d’intérêt, la Banque du Canada prendra une pause pour voir l’effet de sa politique monétaire sur l’économie », croit M. Marion.

Quoi qu’il en soit, l’économiste prévoit qu’en décembre, la hausse de l’IPC passera sous les 5 % comparé à décembre 2021.

En plus de la baisse du prix de nombreux produits, ce ralentissement de l’inflation s’expliquera aussi par ce qu’on appelle l’« effet de base ». Par exemple, à 1,80 $ le litre, le prix de l’essence est certes élevé, mais il vient un moment où son niveau est comparé au même mois de l’année précédente où il était déjà aussi élevé, ce qui se traduira par une inflation nulle dans un tel cas.

Au vu de ces observations, la chute du taux d’inflation moyen à 3,2 % en 2023 prévu par le ministère des Finances du Québec, puis à 2 % en 2024, n’est pas si farfelue.

Croisons les doigts…