Finances personnelles, investissement, consommation… Une fois par mois, la chroniqueuse Marie-Eve Fournier fait le tour des petites et grandes questions qui préoccupent les lecteurs de La Presse.

Hériter d’une maison et du défi de l’assurer

Nous sommes en processus de succession et l’assurance de la maison de notre mère décédée prendra bientôt fin. La compagnie d’assurance refuse de renouveler, prétextant qu’elle est réputée non occupée. Nous y passons pourtant beaucoup de temps pour disposer des biens meubles. En quoi est-ce différent d’un chalet qui n’est pas occupé à temps plein ?

Pierre G.

Les propriétés peuvent être classées en quatre catégories, explique Michel Verrier, directeur principal d’Alpha Assurances : principale, secondaire (accessible 12 mois par année), saisonnière (accessible seulement une partie de l’année) ou vacante.

Dans le cas d’une succession, la résidence tombe dans la quatrième catégorie.

D’ailleurs, le liquidateur a le devoir de prévenir l’assureur du changement de statut que le décès provoque.

« Il faut obtenir un permis d’inoccupation chez l’assureur pour satisfaire aux exigences du contrat, ajoute M. Verrier. Si un assuré ne prévient pas l’assureur d’une vacance, il risque de faire face à une nullité de police. » Chaque compagnie est libre d’accepter ou non, mais selon M. Verrier, la réponse sera positive 80 % du temps.

Le Bureau d’assurance du Canada (BAC) affirme aussi que les assureurs « acceptent généralement » de maintenir la police. Mais rien ne les y oblige.

En plus d’un possible refus, il faut s’attendre à ce que le prix et les conditions changent, et ce, de façon importante. Car une maison vacante représente un risque accru.

« Outre les risques de vol et vandalisme, si un évènement cause des dommages (chauffe-eau qui éclate, tuyau qui gèle, arbre qui s’affaisse sur la maison), personne ne pourra les constater rapidement et poser les gestes requis afin d’éviter qu’ils ne s’aggravent », explique la porte-parole du BAC Anne Morin.

Pour « se sécuriser », explique Michel Verrier, l’assureur pourra, par exemple, enlever la valeur à neuf, diminuer le nombre de protections, exiger le maintien du système d’alarme ou la fermeture de l’entrée d’eau, réclamer du « gardiennage » (quelqu’un qui passe tous les trois jours), augmenter le prix de la police et le montant de la franchise. « Une franchise de 10 000 $, c’est fréquent dans le cas des maisons inoccupées. En plus, dans les successions, les assureurs sont très réticents à offrir la protection contre le refoulement d’égout. »

Chez Desjardins, des risques spécifiques (dommages causés par un incendie, la foudre, la fumée, la grêle ou les vents violents) sont normalement maintenus. En revanche, tous dommages liés à l’eau, au mazout, au vol ou au vandalisme, notamment, sont exclus, précise la porte-parole de la coopérative, Valérie Lamarre.

Pour obtenir de meilleures conditions si vous héritez d’une maison vacante, Michel Verrier propose de contacter son propre assureur. Puisqu’il nous connaît, il devrait être plus enclin à se montrer accommodant, justifie-t-il.

« Desjardins Assurances va montrer de l’ouverture à offrir des protections d’assurance si elle assure également la résidence principale du demandeur », confirme Mme Lamarre.

Si vous éprouvez des difficultés à trouver un assureur pour une propriété vacante, le BAC offre un service d’aide. « Notre mécanisme prévoit, dans le cas d’une succession, que l’assureur désigné offre une couverture pendant une période minimale de six mois. Précisons que nous n’intervenons toutefois pas sur le montant exigé », mentionne Anne Morin.

L’intérêt de connaître les intérêts sur les cartes de crédit

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Les taux d’intérêt sont plus élevés pour une avance de fonds que pour les achats sur les cartes de crédit.

J’aimerais avoir une explication simple du calcul de l’intérêt sur le solde d’une carte de crédit. J’avais un solde de 757 $, j’ai fait un paiement de 700 $. J’ai dû payer presque 20 $ d’intérêt. Je croyais que nous payions des intérêts sur le solde impayé.

Francine C.

Même si les cartes de crédit font partie de notre quotidien, le calcul des intérêts facturés est souvent incompris, constate Johanne Le Blanc, conseillère budgétaire chez Option consommateurs. « Les intérêts sont calculés sur le total des achats, même si on en rembourse la majeure partie. C’est une surprise, quelque chose que les gens découvrent quand on donne des formations. La plupart des gens ne s’en doutent pas. »

Ainsi, même si Francine a payé son solde presque entièrement, l’émetteur de la carte de crédit de Francine a exigé de l’intérêt sur 757 $. En plus, le calcul s’est fait à compter du jour où les achats ont été portés au compte. Comme l’indiquent les contrats, pour bénéficier du fameux délai de grâce de 21 jours, il faut nécessairement rembourser son solde en entier.

« Ça démontre à quel point il y a une dimension exponentielle quand on ne paie pas le solde en entier », rappelle Mme Le Blanc.

Rappelons que dans le cas des avances de fonds, il n’y a jamais de délai de grâce. En plus, le taux d’intérêt est plus élevé que celui pour les achats. Ce type d’emprunt doit donc être fait en dernier recours.

Ceux qui ne paient pas toujours leur solde — 30 % de la population, selon la Banque du Canada et un récent sondage de la Banque Scotia – devraient donc privilégier les cartes avec des taux d’intérêt réduits (entre 9 et 13 %). Il en existe une panoplie, et les comparaisons peuvent se faire aisément en ligne sur ces quatre sites, notamment.

Consultez le comparateur de Hardbacon Consultez le comparateur de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada Consultez le comparateur de Protégez-Vous (attention, certaines cartes dans sa liste affichent un taux de 20 %) Consultez le comparateur de Milesopedia

Les cartes à faible taux ont un autre avantage : de petits frais annuels, voire aucuns.

Si vous traînez un solde important, certaines cartes attirent par ailleurs les nouveaux clients en leur offrant un taux d’intérêt minuscule pendant quelques mois, ce qui peut donner un coup de pouce pour se débarrasser d’une dette. Par exemple, la BMO à taux préférentiel offre actuellement un taux d’intérêt de 0,99 % sur les transferts de solde pendant neuf mois. Des frais de transfert de 2 % s’appliquent.

La recherche d’une carte à faible taux est particulièrement judicieuse en cette période inflationniste qui fait bondir les dépenses. Selon Equifax, les Québécois ont augmenté leurs achats par carte de crédit de 18,4 % au premier trimestre par rapport à la même période en 2021. De plus, le solde moyen des cartes de crédit au pays est en hausse de 9,5 %.

L’argent comptant compte-t-il encore ?

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Depuis février 2022, les agents dans les stations de métro de Montréal n’acceptent plus les paiements en espèces.

Le changeur dans le métro refuse de prendre mon 6,50 $ en argent pour mon billet aller-retour, m’indiquant que pour l’argent comptant, je dois utiliser la machine pour acheter mon titre de transport. Il ne prend qu’Interac. À ce que je sache, un commerçant ne peut refuser d’être payé en argent comptant, non ?

Robert P.

Effectivement, depuis février 2022, les agents dans les stations de métro n’acceptent plus les paiements en espèces. Seules les cartes de débit ou crédit sont acceptées.

Si l’on désire payer comptant, on doit utiliser les distributrices automatiques de titres.

Au début de la pandémie, la STM avait retiré temporairement l’option de paiement comptant et ses clients ont alors adopté de nouvelles habitudes, explique la porte-parole Amélie Régis.

« Avant de pérenniser sa décision, la STM a sondé ses clients, à l’automne 2020, pour s’assurer de bien répondre à leurs besoins et éviter un impact négatif sur leur expérience », précise-t-elle. L’exercice a permis de déterminer que seulement 4 % des clients du réseau régulier ne possèdent pas de carte bancaire.

Consultez l’annonce de la STM au sujet des modes de paiement

Quant à la question de la légalité pour une entreprise de refuser l’argent comptant, elle s’était notamment posée lors de l’ouverture, au Centre Eaton de Montréal, du magasin Décathlon et de l’aire de restauration Time Out Market. Tous deux n’acceptent que les paiements électroniques.

La Banque du Canada avait alors confirmé que les vendeurs sont tout à fait dans leur droit de déterminer quels modes de paiement ils acceptent.

Une entreprise peut donc fixer ses propres règles et refuser le comptant, les chèques ou les cartes. Elle peut aussi refuser certaines coupures comme les billets de 100 $, par exemple. La Loi sur la protection du consommateur empêche toutefois les commerçants de facturer des frais supplémentaires lors d’un paiement par carte.

En janvier 2020, Option consommateurs a publié un rapport invitant Ottawa à changer la Loi sur la monnaie pour qu’il soit interdit de refuser l’argent comptant. « La disparition du paiement en espèces expose les consommateurs à de nombreux risques en matière de protection de la vie privée et de gestion budgétaire », plaide l’organisme de défense des consommateurs. À son avis, les aînés, les consommateurs à faible revenu et les personnes moins scolarisées sont particulièrement désavantagés par la multiplication des entreprises qui refusent l’argent comptant.

Dans un rapport de 71 pages sur la question, Option consommateurs résume ainsi les propos recueillis en groupe de discussion : « Les consommateurs ont dit souhaiter que l’argent comptant reste en circulation au Canada, même s’ils préfèrent utiliser des modes de paiement électroniques. […] Les consommateurs sont vexés lorsque des commerçants refusent leurs espèces […]. Les consommateurs veulent pouvoir choisir la façon dont ils paient et estiment illégitime qu’on leur retire ce mode de paiement démocratique. »