Alexandre L’Heureux l’avoue bien candidement, les six derniers mois ont été particulièrement occupés, alors que le PDG de WSP a mené de front des négociations qui ont permis de réaliser trois acquisitions importantes depuis le mois de juin et de faire passer ses effectifs mondiaux de 57 000 à 70 000 professionnels tout en élargissant son expertise dans le domaine des sciences de la Terre et de l’environnement.

Dans le plan stratégique 2022-2024 qu’elle a dévoilé en mars dernier, l’entreprise disait souhaiter atteindre la marque des 10 milliards de revenus nets d’ici 2024. Une fois les transactions complétées, cet objectif pourrait être atteint dès cette année, selon les résultats pro forma de la firme d’ingénierie.

Au début du mois de juin, WSP a annoncé avoir conclu l’acquisition de la division E&I (environnement et infrastructures) de la société écossaise John Wood, au prix de 2,3 milliards, ajoutant d’un coup 6000 professionnels à ses effectifs globaux et des revenus annuels additionnels de 1 milliard.

La semaine dernière, WSP a confirmé avoir conclu un accord avec la firme britannique Capita dans une transaction un peu plus modeste de 160 millions en vue d’acquérir ses divisions Capita REI et GLH, spécialisées dans les services de conseil en ingénierie et en gestion de projet en soutien environnemental. Les deux divisions emploient quelque 1000 professionnels au Royaume-Uni.

Enfin lundi soir, WSP a annoncé qu’elle s’était entendue avec RPS Group en vue de l’acquisition de la totalité des actions de la société britannique qui compte des effectifs de 5000 professionnels à travers le monde, essentiellement actifs dans le domaine du service-conseil, dans une transaction de 975 millions.

Avec ces trois acquisitions, on vient d’augmenter nos effectifs de 25 % en accueillant 12 000 professionnels additionnels. Et c’est sans compter les 2200 postes que l’on a créés de façon organique depuis le début de l’année.

Alexandre L’Heureux, PDG de WSP

RPS Group est particulièrement active dans le domaine environnemental et possède une grande expertise dans les sciences de la mer, notamment dans les parcs éoliens maritimes et le traitement des eaux usées, que ce soit pour le secteur industriel ou municipal.

« Ces transactions contribuent à la transformation de WSP. On avait annoncé en 2018 que l’on voulait devenir un leader mondial de la transformation énergétique, on vient de doubler en cinq ans notre expertise dans ce secteur. »

« Les sciences de la Terre et l’environnement vont totaliser plus de 30 % de nos revenus alors que le transport et le bâtiment vont représenter 40 et 30 %, contre 80 % auparavant », relève Alexandre L’Heureux.

Une souplesse financière

Cette cascade d’acquisitions en l’espace de trois mois a été rendue possible par la souplesse financière dont dispose WSP. Encore une fois, l’entreprise montréalaise a pu compter sur ses actionnaires de longue date qui l’appuient dans son déploiement à l’international.

La Caisse de dépôt et placement du Québec, l’Office d’investissement du régime de pensions du Canada — Investissements RPC — et le fonds souverain de Singapour GIC PTE ont injecté 400 millions par l’entremise d’un placement privé, alors que WSP a réalisé un financement public de 400 millions.

Comme pour la transaction avec John Wood, on a payé comptant et on n’a donc pas alourdi notre bilan, ce qui nous laisse toute la latitude financière pour réaliser éventuellement d’autres acquisitions. On a une structure de capital opportuniste.

Alexandre L’Heureux, PDG de WSP

Le PDG convient toutefois que l’entreprise compte maintenant concentrer ses énergies à réaliser l’intégration des nouvelles entreprises acquises.

« Cela faisait quatre ans que je discutais avec RPS, mais ce n’était jamais le bon moment. Là, les étoiles se sont alignées, et on a pu réaliser la transaction qui satisfait tout le monde.

« Depuis cinq ans, on s’est transformé, on est rendu ailleurs. Aujourd’hui, nos activités sont beaucoup mieux équilibrées. On réalise 50 % de nos revenus dans l’ingénierie-conception et l’autre 50 % dans les services-conseils. On a construit de la résilience », estime le PDG de WSP.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Avec ces transactions récentes, WSP a approfondi son empreinte au Royaume-Uni, où elle est devenue la principale firme de génie, tout comme en Australie et au Canada.

La prochaine expansion pourrait bien se faire du côté des États-Unis, où le groupe montréalais compte sur près de 16 000 professionnels contre 12 000 au Canada.

« Les États-Unis sont 10 fois plus gros que le Canada, il sera donc normal que l’on augmente notre présence par rapport à celle que l’on a ici », évalue le PDG.

« En 2011, lorsque j’étais chef de la direction financière de WSP et que l’on réalisait notre premier financement privé, j’ai dit à des analystes financiers qu’un jour une firme de génie pourrait compter 100 000 professionnels dans le monde. Je pense que cela va se réaliser et que ça pourrait être WSP », anticipe aujourd’hui Alexandre L’Heureux.

Un carnet de commandes record

WSP a par ailleurs dévoilé mardi ses résultats du deuxième trimestre, incluant un carnet de commandes record. Celui-ci s’établissait à 11,4 milliards au 2 juillet, ce qui correspond à 12,5 mois de revenus. En excluant les acquisitions, le carnet de commandes a affiché une croissance interne de 19,1 %. Le bénéfice net a reculé, passant de 120,0 millions à 89,3 millions au trimestre terminé le 2 juillet. La société attribue la diminution à des pertes de valeur liées au régime de rémunération différée à l’intention des employés américains et à des charges imputées aux actifs loués. Les revenus ont progressé de 5 %, à 2,8 milliards. Le bénéfice ajusté dilué par action s’établit à 1,30 $. Les analystes anticipaient un bénéfice par action de 1,30 $ et des revenus de 2,1 milliards, selon la firme de données Refinitiv.

La Presse Canadienne