(Londres) Après une éclipse de deux ans, les entreprises québécoises du secteur de l’aéronautique participent pour la première fois à un grand rendez-vous, le Salon aéronautique international de Farnborough, où elles pourront enfin renouer avec leurs clients et fournisseurs, et rebâtir les liens interpersonnels indispensables à leur bonne cohésion.

« On est une business de suivi, il faut voir et parler en personne avec nos clients, connaître leurs projets, leurs besoins, leurs attentes, et constamment réévaluer notre relation en fonction de la réalisation d’objectifs communs », m’ont affirmé des PDG et consultants de l’aéronautique québécoise rencontrés samedi soir à Londres.

Ces derniers participaient à une réception organisée par Aéro Montréal, la grappe industrielle de l’aéronautique, en marge de l’ouverture, ce lundi matin, du Salon de Farnborough, le premier grand évènement international du genre depuis le Salon du Bourget de 2019.

Si les attentes contractuelles ne sont pas démesurées, la perspective de renouer avec les multiples acteurs de la grande chaîne mondialisée de l’aéronautique gonflait à elle seule l’enthousiasme des participants, trop contents de rompre avec l’isolement forcé des deux dernières années.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Patrick Champagne, conseiller sénior de CMC Électronique

On vient rencontrer nos clients pour s’assurer que l’on répond bien à leurs besoins et surtout pour discuter de leurs projets à venir et pour aligner de façon adéquate nos efforts.

Patrick Champagne, conseiller sénior de CMC Électronique

Patrick Champagne a été longtemps vice-président, recherche et développement, de l’ancienne Marconi, spécialisée en systèmes électroniques et en avionique, qui emploie 700 spécialistes à son usine de l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal.

« Aller rencontrer le chef de la défense de la Malaisie pour savoir si nos systèmes d’entraînement fonctionnent bien, c’est compliqué. À Farnborough, on peut faire le tour de tous nos clients pour échanger sur plein de sujets », souligne-t-il.

Chez Héroux-Devtek, concepteur et fabricant de trains d’atterrissage de Longueuil, on prévoit réaliser une centaine de rencontres avec des clients et fournisseurs de partout dans le monde. Les responsables des ventes, de l’ingénierie et de la haute direction vont se partager ces échanges interpersonnels.

« Après trois ans, ça fait du bien de rencontrer nos clients, surtout ceux de l’extérieur de l’Amérique du Nord. On peut mieux évaluer nos priorités à court et moyen termes », expose Martin Brassard, PDG d’Héroux-Devtek.

PHOTO TIRÉE DU SITE DU SALON DE FARNBOROUGH

Une délégation évolutive

L’industrie aéronautique québécoise a été durement frappée par la crise de la COVID-19 et du transport aérien. Les revenus globaux de l’industrie, qui s’élevaient à près de 18 milliards en 2019, sont tombés à 15,2 milliards en 2021. Les emplois du secteur, à 43 400 il y a trois ans, se chiffraient à un peu plus de 35 000 à la fin de 2021.

« La situation évolue rapidement. La reprise est forte et les entreprises cherchent à réembaucher, mais l’industrie fait maintenant face à la pénurie de travailleurs. On prévoit quand même terminer l’année avec 3000 à 4000 travailleurs additionnels. On prévoit lancer une grosse campagne de recrutement en septembre », évoque Suzanne Benoît, PDG d’Aéro Montréal.

« On a une bonne délégation de 35 entreprises et de 75 participants cette année au Salon de Farnborough. Outre les habituels participants, on accueille cette année de nouveaux joueurs, notamment dans l’aérospatiale et dans les start-ups de haute technologie. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Suzanne Benoît, PDG d’Aéro Montréal

Il y a aussi les nouveaux enjeux comme la mobilité urbaine, la décarbonation du transport aérien et la formation de nouvelles chaînes d’approvisionnement avec l’arrivée de l’hydrogène vert. Le Québec veut bien se positionner dans ces secteurs émergents.

Suzanne Benoît, PDG d’Aéro Montréal

La délégation québécoise ne se limite pas aux seules entreprises du secteur : le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, et le président d’Investissement Québec, Guy LeBlanc, sont aussi présents à Londres, tout comme le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne.

Le Salon international de l’aéronautique de Farnborough est aussi le premier grand évènement de l’aviation commerciale qui se déroulera sans la présence de Bombardier, qui était encore partenaire d’Airbus en 2019.

Il ne faut pas se le cacher, durant plus de 20 ans, Bombardier a été le grand parapluie sous lequel tout le secteur de l’aéronautique québécoise se déployait à l’échelle internationale. C’était la carte de visite qui crédibilisait l’ensemble de l’industrie québécoise.

« C’est sûr qu’au chapitre du branding, l’absence de Bombardier peut se faire sentir, mais au chapitre des affaires, cela n’a aucun impact sur les entreprises qui sont présentes au Salon de Farnborough », constate Suzanne Benoît.

À titre de grand donneur d’ordres, est-ce qu’Airbus pourra prendre le relais de leader industriel capable de galvaniser l’ensemble de l’industrie aéronautique québécoise ?

« Je pense que l’on est devenu une entreprise québécoise forte. On est le quatrième joueur du secteur au Canada avec nos activités dans le secteur militaire et de l’hélicoptère. Notre contribution à l’industrie est plus forte que le seul A-220, mais au Québec, on a réinvesti et on a donné le signal qu’on était là dans la durée », indique Benoît Schultz, PDG d’Airbus Canada.

« On a 2500 employés à Mirabel, 3000 si on compte nos travailleurs de chez Stelia. Notre cœur névralgique va rester au Québec. »

Au cours des prochains jours, on sera en mesure d’évaluer l’état de santé de l’industrie aéronautique mondiale et de celle de la région de Montréal, qui a longtemps été reconnue comme l’une des grandes capitales du secteur, après Toulouse et Seattle.