Il existe depuis près de 15 ans et sa générosité ne fait aucun doute. Pourtant, le régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) est loin d’être aussi connu et utilisé que le REER ou le REEE. Ce n’est pas normal, estime un jeune ingénieur logiciel de 23 ans devenu entrepreneur avec l’ambition de corriger la situation.

Parmi l’éventail des comptes enregistrés, le REEI est le plus obscur.

C’est dommage. Car Ottawa y verse des subventions pouvant atteindre 300 % des sommes cotisées. Et même si on n’a pas les moyens d’épargner un sou, le seul fait d’ouvrir un compte permet aux moins nantis de recevoir 20 000 $ en cadeau. Pourtant, moins d’une personne admissible sur trois y contribue.

Pourquoi s’en priver ?

Statistique Canada a répondu en avril. Bien évidemment, pour profiter du REEI, il faut savoir qu’il existe. Or, presque la moitié (46 %) des personnes admissibles – celles qui ont droit au Crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) – ignorent de quoi il s’agit. Parmi ceux qui connaissent le régime, près de la moitié n’y contribue pas faute d’argent. D’autres manquent d’informations (29 %) ou le jugent trop compliqué (15 %).

C’est justement pour simplifier la vie des personnes handicapées que Michel-Alexandre Riendeau a lancé une plateforme en ligne, en 2021, qui permet d’ouvrir un REEI « en quelques minutes ». Son nom : Terry, en l’honneur de l’athlète Terry Fox. Déjà 600 comptes ont été ouverts. Le service est gratuit.

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Michel-Alexandre Riendeau, fondateur de la nouvelle plateforme en ligne Terry qui permet d'ouvrir facilement un REEI

« Ça demande une certaine expertise. Nous, on ne fait que du REEI, ce qui permet d’avoir des processus allégés et efficaces pour bien servir cette population malheureusement oubliée », souligne celui qui s’est entouré d’investisseurs ayant la cause à cœur, comme l’acteur et scénariste Louis Morissette, dont la sœur est atteinte de paralysie cérébrale.

N’allez pas croire que son bassin de clients potentiels est lilliputien. Au Québec, plus de 1 million de personnes ont une incapacité.

Guillaume Parent est bien placé pour comprendre Michel-Alexandre Riendeau, dont il salue l’arrivée dans le marché, puisque « la patinoire est très grande ». Il a fondé son entreprise Finandicap, en 2010, avec les mêmes visées que son concurrent. « Au départ, j’étais très naïf. Je me disais qu’avec toutes les subventions, ça allait faire la queue. Mais non ! » Encore aujourd’hui, des mythes nuisent au REEI.

Ce qui est encore plus choquant, c’est qu’au Québec, on est deux fois moins nombreux à demander le CIPH qu’ailleurs au pays.

Guillaume Parent, président fondateur de Finandicap

Le manque de coopération des médecins, qui doivent signer des formulaires, en est la raison principale, soutient le président de Finandicap.

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Guillaume Parent, président fondateur de Finandicap, firme spécialisée dans les REEI et la planification financière pour les gens en situation d’invalidité et de handicap

Véronique Bolduc, qui souffre de diabète de type 1 depuis 25 ans, peut en témoigner. L’endocrinologue qui l’a suivie pendant des années refusait de remplir la paperasse prétextant que le Collège des médecins l’en empêchait et qu’il pourrait être poursuivi. « Je pensais avoir été malchanceuse, mais non, mon deuxième endocrinologue m’a dit exactement la même chose ! »

La travailleuse autonome de 40 ans souhaite obtenir le CIPH pour accéder au REEI. Ce régime sécuriserait sa situation financière, plaide-t-elle, puisqu’elle peut difficilement souscrire une assurance invalidité. Elle vient tout juste d’obtenir les documents signés.

Ce scénario est fréquent.

Faire remplir les documents « est un cauchemar », observe Michel-Alexandre Riendeau. « C’est l’enfer », renchérit Guillaume Parent, en déplorant que des médecins « s’aventurent fiscalistes » en présumant que le CIPH « ne vaut pas la peine ».

Le Collège des médecins m’a affirmé ne jamais avoir transmis de directive au sujet du CIPH et ne jamais avoir reçu de plainte du public. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et la Fédération des médecins spécialistes du Québec jurent aussi ne pas avoir émis d’avis à ce sujet.

Quoi qu’il en soit, de toutes les provinces, c’est au Québec que le taux d’utilisation du CIPH et du REEI est le plus faible. Selon l’organisation Finautonome, « le Québec est le moins bon pour identifier les personnes vivant avec un handicap ». Sa mission est justement de rattraper le « retard ».

De leur côté, Terry et Finandicap sont là pour aider les parents d’enfants handicapés à préparer l’avenir avec le REEI. Les adultes peuvent aussi y souscrire pour leurs propres besoins.

Même si les banques traditionnelles ne font pas de publicité, elles ouvrent aussi des comptes REEI. C’est le cas de la BMO, mais pas en succursale. Tout se fait par téléphone. Un centre d’appels « dédié » permet d’avoir une équipe mieux formée sur ce produit financier « plus complexe que le REEE », justifie le directeur soutien aux comptes REEI de la BMO, Ralph Awad.

Ça vaut le coût de s’informer adéquatement. D’autant plus que, contrairement à la croyance populaire, il n’est pas nécessaire d’être « vraiment magané pour être handicapé », insiste Guillaume Parent.

Consultez le site de Terry Consultez le site de Finandicap Consultez le site de Finautonome Faites des simulations au moyen d’un calculateur de REEI Consultez le site du gouvernement fédéral au sujet du REEI Consultez le site du gouvernement fédéral au sujet du CIPH Consultez le site de la Semaine pour les personnes handicapées qui se tient en ce moment
En savoir plus
  • 12 milliards
    Valeur totale des actifs détenus dans les comptes REEI au pays
    Source : Finandicap
    +20 %
    Croissance annuelle de cet actif (rendements et nouveaux comptes)
    Source : Finandicap