Malgré la pénurie de main-d’œuvre, le taux élevé d’inoccupation des édifices de bureaux et le télétravail qui affecte toujours l’achalandage du centre-ville, l’activité économique du Grand Montréal a retrouvé son élan d’avant la pandémie et enregistre même de nouveaux sommets, notamment au chapitre du taux d’emploi qui a atteint, en avril dernier, un niveau record des 15 dernières années dans l’île de Montréal.

On a souvent l’impression que la morosité plane toujours au-dessus du ciel montréalais, une perception qui s’explique sans doute par le perpétuel état de désorganisation de son réseau routier, continuellement affligé par l’apparition de nouveaux chantiers et de nouvelles entraves et le prolongement indu des travaux en cours depuis de nombreux mois. On a la nette impression qu’on n’en verra jamais la fin.

Encore cette semaine, le ministère des Transports et la Ville de Montréal ont dévoilé la liste des chantiers estivaux qui vont essaimer dans l’île et tout autour. Ce ne sont pas moins de 85 chantiers majeurs qui vont venir compliquer davantage la vie déjà pas facile des automobilistes qui doivent passer par Montréal.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le chantier du REM, en mai dernier

On parle d’une hausse de 40 % du volume de travaux par rapport à l’an passé, au moment où l’accès au pont Jacques-Cartier, au tunnel Louis-H. -La Fontaine et à l’autoroute Métropolitaine sera entravé et que la poursuite de la construction du REM va encore générer son lot de détours…

En dépit de cette réalité pénible et affligeante, l’activité économique à Montréal semble étonnamment blindée contre ces contraintes circulatoires.

Dans un document récemment réalisé par la Communauté métropolitaine de Montréal, on constate que l’économie du Grand Montréal carbure à plein régime et se retrouve même en meilleure posture qu’elle l’était lors de son sommet de 2019, avant la pandémie.

De toutes les régions du Québec, c’est celle du Grand Montréal qui affiche le plus fort rebond de la situation de l’emploi depuis la pandémie, ce qui lui permet de se retrouver aujourd’hui à un sommet des dix dernières années.

La situation s’est particulièrement raffermie du côté des services privés du savoir (professionnels, finances, génie, technologies de l’information, jeux vidéo, intelligence artificielle…) où le taux d’emploi est nettement supérieur à ce qu’il était en 2019. Même chose du côté des services publics et parapublics, où la création d’emploi dans les domaines de la santé et de l’éducation nous ramène à un sommet des dix dernières années.

Après un léger fléchissement en 2020, le nombre d’emplois dans le secteur des services privés du savoir a atteint de nouveaux records, ce qui n’est pas encore le cas dans le transport où le redécollage très progressif du trafic aérien et les difficultés de la chaîne d’approvisionnement ont ralenti le mouvement de reprise.

La situation dans le secteur de la fabrication est encore très légèrement en retard par rapport à ce qu’elle était en 2019 en raison des aléas de la chaîne d’approvisionnement, mais elle est sur le point de surpasser les sommets qu’elle avait atteints il y a trois ans.

Même l’île rebondit

Fait surprenant, le taux d’emploi est maintenant plus élevé dans l’île de Montréal que dans la grande région métropolitaine qui englobe les couronnes nord et sud. L’île enregistre un taux d’emploi record des 15 dernières années.

Selon Sylvain Giguère, économiste en chef de la Communauté métropolitaine de Montréal, qui a colligé ces données économiques, la croissance économique est tellement forte qu’elle continue de permettre la création d’emplois malgré la pénurie de main-d’œuvre.

« C’est sur l’île de Montréal que sont concentrées les entreprises de services du savoir qui ont le plus profité du dynamisme de ce secteur d’activité. Les entreprises de fabrication qui automatisent leurs procédés deviennent aussi plus productives. Il y a seulement dans le secteur de la consommation qu’on n’arrive pas à reprendre le dessus et qu’on se retrouve aujourd’hui encore bien en dessous des niveaux d’emplois de 2019.

« En 2020, beaucoup de travailleurs hésitaient à accepter un poste, plusieurs sont revenus dans le marché et on se rend compte que peu importe le taux de chômage, qu’il soit bas ou élevé, le nombre de postes vacants reste élevé, c’est ce qu’on appelle la courbe de Beveridge », souligne l’économiste.

Enfin, si le taux d’inoccupation des édifices de bureaux dans la grande région de Montréal est à son niveau le plus élevé des 20 dernières années, à près de 17 %, c’est tout à fait l’inverse que l’on observe du côté de l’immobilier industriel qui affiche son plus bas taux depuis 2000, tout proche du zéro…

« Les données nous démontrent que pour poursuivre le développement économique de Montréal, il va falloir mieux gérer l’espace économique en repensant notamment nos parcs industriels, renforcer l’écosystème de l’innovation, développer les compétences et, enfin, accélérer la transition énergétique », constate Sylvain Giguère, de la CMM.

Un constat que les récentes statistiques économiques du Grand Montréal confirment pleinement.