Ouch, l’inflation a progressé de 8,5 % en mars aux États-Unis, sa plus forte augmentation en 40 ans, et cette progression ne montre toujours pas de signes de ralentissement. Si les chiffres pour le Canada sont un peu plus modestes avec une hausse de quand même 5,7 % en février, l’augmentation actuelle des prix risque de plus en plus de créer un clash avec celle, beaucoup moins rapide, des salaires.

Depuis l’apparition d’une inflation un peu plus soutenue en 2021, après une année de fortes perturbations économiques engendrées par la pandémie de COVID-19, la hausse du coût de la vie ne cesse de prendre de l’ampleur.

De mois en mois, l’Indice des prix à la consommation ne fait que s’apprécier, alors qu’il est propulsé principalement par la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation, qui a été elle-même alimentée par le déclenchement de la guerre en Ukraine.

On a beau dire et évaluer un peu partout que cette hausse du coût de la vie est conjoncturelle et que le mouvement devrait progressivement s’estomper pour retrouver un rythme plus normal et acceptable – de l’ordre de 2 ou 3 % sur une base annuelle –, la situation bien réelle du moment, c’est que la cadence des augmentations se poursuit et ne faiblit pas.

Le pouvoir d’achat des consommateurs, lui, ne fait que suivre le mouvement inverse, et on peut difficilement imaginer qu’un jour, des hausses de salaire importantes permettront de réduire cet écart qui ne fait que grandir.

Très peu d’organisations sont en mesure d’accorder à leurs employés des hausses salariales qui leur permettraient d’absorber intégralement celle du coût de la vie, à moins qu’elles refilent la facture à leurs clients en haussant leurs prix, nourrissant du même coup l’insatiable appétit de l’inflation.

« Il y a des employeurs plus chanceux qui ont signé une convention collective qui couvre encore deux années et qui sont prémunis de la situation actuelle », souligne Richard Gaudreault, avocat associé au groupe Droit du travail et de l’emploi chez Lavery.

Mais, convient le spécialiste, la situation particulière de forte inflation que l’on traverse, aussi temporaire soit-elle, va générer des clashs dans certaines négociations.

En 20 ans de pratique de négociations et de conseil, Richard Gaudreault assure qu’il n’a jamais œuvré dans un contexte comme celui d’aujourd’hui, et la vérité est qu’une majorité d’entreprises ne sont pas préparées pour y faire face.

« Je suis présentement sur cinq ou six tables de négociations, et les employeurs n’ont pas de plans et cherchent des solutions. On sait que le taux d’inflation ne restera pas éternellement élevé et plusieurs vont opter pour des solutions temporaires, mais le défi est de les faire accepter par les syndiqués », expose Richard Gaudreault.

Des solutions anti-clashs

Depuis une vingtaine d’années, beaucoup d’entreprises ont favorisé la signature d’ententes collectives à long terme – six, sept ou huit ans – parce qu’on voulait acheter la paix industrielle et que le contexte de prévisibilité économique le permettait.

« Sur le plan salarial, il y avait des augmentations modestes avec des hausses plus importantes en fin de contrat. La tendance cette année sera de conclure des conventions de courte durée pour faire face à la crise », observe l’avocat.

Pour répondre aux effets immédiats de la flambée des prix et ne pas alourdir le bilan à long terme des entreprises, le versement de montants forfaitaires pourrait être effectué tout en prévoyant des augmentations salariales dans le temps, modulées à des taux d’inflation plus proches de la normale.

Très utilisée durant les années 1970 et 1980, l’adoption d’échelles d’indexation au coût de la vie avec des plafonds et des mesures de temporisation permettrait aussi d’assurer une certaine prévisibilité et d’atténuer les impacts de la hausse de l’Indice des prix à la consommation.

Le problème de forte inflation qui sévit actuellement est amplifié par celui de la pénurie de main-d’œuvre qui oblige les entreprises à redoubler de créativité pour assurer la rétention de leur personnel clé.

« Curieusement, la pénurie de main-d’œuvre des dernières années n’a pas entraîné de mouvement de hausse de salaire comme on aurait pu s’y attendre. Les employés d’expérience ont préféré capitaliser sur l’ensemble de leurs avantages sociaux et sur la flexibilité de leurs conditions de travail qui leur a été accordée par beaucoup d’employeurs », souligne Richard Gaudreault.

Un peu plus de flexibilité dans les horaires, par exemple, serait donc un autre axe qui permettrait aux employeurs et employés de s’entendre sur des conditions salariales moindres que celles que commanderait l’inflation.

D’ici là, on peut toujours espérer que la poussée inflationniste des derniers mois qui nous afflige soit effectivement de courte durée, comme le prédisent un grand nombre d’économistes. Les dernières statistiques américaines pour le mois de mars semblent vouloir confirmer cette éventualité.

L’inflation a certes progressé de 8,5 % durant le mois de mars qui a entièrement escompté les effets de la guerre en Ukraine, déclenchée le 24 février dernier. Une fois que l’on exclut les prix de l’énergie et de l’alimentation, le taux d’inflation n’a progressé que de 0,3 % en mars, contre 0,5 % en février. En espérant que ce ralentissement marque le début d’une tendance.