(Québec) On a tendance à penser que le boom de l’inflation nuit au gouvernement. Qu’il rend plus difficile l’atteinte de l’équilibre budgétaire et des cibles d’endettement. Or, c’est tout le contraire.

Grâce à l’inflation, le ministre Eric Girard dispose d’une importante marge de manœuvre cette année, qui lui permet d’engager de nouvelles dépenses importantes, à quelques mois des élections.

Comment ? Eh bien voilà, la croissance importante des prix vient s’ajouter à la forte reprise économique post-confinement. En 2021, le PIB réel a crû de 6,3 %, mais en ajoutant l’inflation, la hausse est de 11,3 %. C’est du jamais-vu depuis… les années 1970.

Ce bond du PIB nominal, ce sont des commerces qui vendent plus, des entrepreneurs qui rénovent davantage, des salaires qui augmentent plus vite, des prix de matières premières qui bondissent.

Cette activité accrue se répercute directement sur les impôts et taxes collectés par l’État. Et au bout du compte, le gouvernement a donc vu ses revenus autonomes grimper de 10,2 milliards de plus que prévu cette année (2021-2022), une somme en grande partie récurrente pour les années à venir. Wow !

Pendant ce temps, ses dépenses n’ont pas augmenté au même rythme. Oui, il y a eu des engagements liés à la COVID-19, mais le plus important poste de dépenses du gouvernement – les salaires de ses employés – n’a pas suivi. Les nouvelles conventions collectives donnent des hausses de 2 % par année pour trois ans, essentiellement, et quand on ajoute les offres particulières (enseignants, infirmières, CPE), en plus de la hausse dans l’échelle salariale, la masse salariale croît d’environ 3 % par année.

Bref, les revenus augmentent bien davantage que les dépenses courantes.

L’inflation a un autre avantage, à court et à moyen terme : elle diminue notre endettement relatif. De fait, la dette exprimée en pourcentage du PIB chute, puisque le PIB a explosé de 11,3 %.

Ainsi, même si la dette brute a augmenté de 5,2 milliards cette année, pour atteindre 215 milliards au 31 mars 2022, la dette en pourcentage du PIB recule considérablement, passant de 46,8 % du PIB l’an dernier à 43,1 % cette année.

Mais attention, ce beau scénario ne durera pas éternellement. À long terme, une forte inflation finit par avoir des conséquences économiques néfastes.

Pour casser l’inflation, la Banque du Canada augmentera de façon notable son taux d’intérêt directeur. Cette décision fera bondir les dépenses d’intérêt du gouvernement et ralentira l’économie, et donc la progression des recettes de l’État. Ces hausses pourraient être faites en parallèle des impacts économiques négatifs découlant de la guerre en Ukraine.

Autre élément : au gouvernement, les conventions collectives se terminent le 31 mars 2023 et l’on peut penser que les syndiqués seront exigeants, surtout si l’inflation est restée élevée. Se produira alors l’effet inverse de cette année : les hausses de salaire seront fortes, mais la croissance des recettes de l’État, basée sur le PIB courant, deviendra plus faible.

Le gouvernement prévoit d’ailleurs que la croissance du PIB nominal, de 11,3 % en 2021, tombera à 6,4 % en 2022 et à 3,5 % en 2023. Une fois l’inflation retranchée, le PIB réel croîtra donc très lentement (1,5 % par année à partir de 2024), moins qu’ailleurs au Canada et aux États-Unis. Le défi du gouvernement sera alors de freiner les ardeurs des groupes de pression et de diviser par deux la croissance des dépenses.

En attendant, le budget du Québec nous offre de belles surprises. Comme dans les autres gouvernements provinciaux, la force de la reprise a surpris, faisant diminuer les déficits bien davantage que prévu.

Au cours de l’année qui se termine le 31 mars 2022, soit dans quelques jours, le déficit sera de 6,1 milliards, soit la moitié de ce qui était prévu dans le budget de mars 2021. Et encore, il aurait plutôt été d’environ 3 milliards si le ministre n’avait pas décidé d’offrir 500 $ à 6,4 millions de Québécois, la mesure étant financée à même l’exercice qui se termine et non pas sur celui qui commence.

Ce n’est pas tout. Si le Québec calculait son déficit comme les autres provinces – et donc sans versements au Fonds des générations et sans chèque de 500 $ –, notre déficit serait pratiquement nul cette année (2021-2022), ce qui est rarement le cas ailleurs.

Au cours de l’année 2022-2023 qui commence, le déficit est calculé en incluant, outre les versements au Fonds des générations, une provision de 2,5 milliards pour risques économiques. En retranchant ces deux éléments, le déficit de 6,45 milliards de 2022-2023 fondrait à 500 millions.

Et au cours des années suivantes, en faisant le même exercice, on tomberait en surplus de 1,5 milliard en 2023-2024, de 2,1 milliards en 2024-2025 et de 6,2 milliards en 2025-2016. Qui l’eût cru ?

Bref, même si le gouvernement parle de déficit structurel, ce budget ne laisse entrevoir aucune autre période d’austérité…

Beaucoup d’argent pour les universités

Le budget accorde beaucoup plus d’argent aux cégeps et universités.

Dès cette année, les fonds pour l’enseignement supérieur augmentent de 930 millions – ou 12 % – si l’on exclut les mesures liées à la crise sanitaire. En retranchant les 455 millions consacrées aux bourses Perspective, entre autres, les fonds réservés aux budgets courants augmentent d’environ 450 millions – plus de 6 % – ce qui est presque deux fois supérieur à ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts du système et la hausse de clientèle (3,2 %), selon ce qui est indiqué au budget des dépenses.

Les fonds consacrés par le gouvernement à l’enseignement supérieur – les mesures pandémiques étant exclues – avoisinent les 8,65 milliards en 2022-2023.