Copines, mères, grands-mères, étudiantes, consœurs et entrepreneures, célébrerez-vous la Journée internationale des femmes, le 8 mars ? Peut-être n’avez-vous pas le cœur à la fête à force de lire à quel point vos finances et vos perspectives de retraite sont précaires par rapport à celles des hommes. C’est vrai que c’est déprimant.

Encore à la mi-février, La Presse publiait un texte intitulé Le salaire des hommes a augmenté davantage que celui des femmes1. On y apprenait qu’en 2021, le salaire moyen des hommes au Québec a crû de 2,7 % pour atteindre 30,16 $. Tandis que celui des femmes n’a augmenté que de 1,5 % pour atteindre 27,39 $.

C’est donc dire que les femmes, déjà moins rémunérées, sont plus accablées par les hausses de prix. L’inflation, qui s’est établie à 3,8 % en 2021, est 2,5 fois supérieure à la hausse des salaires féminins.

Selon l’Institut de la statistique du Québec, le fossé salarial s’est creusé parce qu’il s’est créé de nombreux emplois dans des secteurs où les femmes sont peu présentes, surtout la construction, mais aussi les services professionnels, scientifiques et techniques (informatique). Après au moins une décennie pendant laquelle l’écart s’est rétréci, voilà un revirement de situation navrant.

Espérons que l’année 2021 ne soit qu’une anomalie, qu’une exception en raison de son caractère pandémique exceptionnel. Et non pas la preuve qu’un plateau a été atteint.

Force est de constater que même si les universités sont aujourd’hui pleines de femmes, notamment en médecine, l’égalité financière est loin d’être atteinte. Et ce, à tous les âges.

Prenez l’épargne. Même parmi les plus jeunes travailleurs, ceux de 25 à 44 ans qui vivent depuis toujours – se dit-on – dans un Québec peu discriminant, on constate des écarts frappants.

En moyenne, 78 % d’entre eux ont commencé à mettre de l’argent de côté pour leur retraite, selon un sondage tout frais d’ÉducÉpargne en collaboration avec Léger et Retraite Québec.

Quand on y regarde de plus près, on découvre que 83 % des hommes de cette tranche d’âge épargnent, contre 73 % des femmes. Un écart de 10 points !

Comment cela s’explique-t-il ? Le sondage montre clairement que le fait de travailler à temps plein ou partiel a une incidence majeure. Parmi les répondants à temps partiel, moins de 6 sur 10 (58 %) épargnent pour la retraite. Et devinez quoi ? Les femmes sont 2,5 fois plus nombreuses à travailler à temps partiel.

Le niveau de revenu est une autre explication. Il est évidemment pas mal plus facile d’épargner quand ses revenus sont élevés.

Et parmi les 1000 répondants au sondage âgés 25 à 44 ans, quelle proportion gagne plus de 80 000 $ par année ? Chez les hommes : 32 %, parmi les femmes : 17 %, m’a précisé Léger.

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Je ne sais pas à quel point les femmes de 35 ou 40 ans s’en préoccupent, mais ce genre d’écart dans les salaires et l’épargne risque d’avoir des conséquences toute leur vie (et leur retraite) durant.

L’an dernier, le cabinet de conseils en ressources humaines Mercer a diffusé un rapport2 contenant un certain nombre de phrases que je qualifierais de choc :

« Les femmes prennent leur retraite en ayant épargné 30 % de moins que les hommes. »

« Les femmes ont un revenu annuel inférieur et une qualité de vie inférieure à la retraite. »

« Les femmes doivent travailler au moins deux ans de plus que les hommes pour prendre leur retraite. »

En raison de leur espérance de vie supérieure, « les femmes ont besoin de plus, mais prennent leur retraite avec moins ».

« Même si les femmes adoptent les bons comportements d’épargne, des facteurs structurels empêchent la réduction de l’écart d’épargne », comme les interruptions en carrière en raison des grossesses et l’iniquité salariale.

Avouez que c’est affolant !

Quelques chiffres

Rente mensuelle moyenne de la RRQ*

  • Hommes : 632,50 $
  • Femmes : 459,45 $

Rente de retraite RRQ moyenne des femmes*

  • En 2021 : 73 % de celle des hommes
  • En 2010 : 65 % de celle des hommes
  • En 2000 : 59 % de celle des hommes

Proportion de bénéficiaires de la RRQ qui touchent 700 $ ou plus*

  • Hommes : 45,9 %
  • Femmes : 23,1 %

Proportion de nouveaux bénéficiaires ayant 100 % de la rente maximale RRQ**

  • Hommes ayant touché la rente maximale : 4,8 %
  • Femmes ayant touché la rente maximale : 0,9 %

* Au 31 décembre 2021
** En 2020 (plus récents chiffres disponibles)

Source : Régime des rentes du Québec (RRQ)

À la recherche de solutions et de lueurs d’espoir, je me suis entretenue avec Stéphanie Mariamo, conseillère principale du domaine Avoirs chez Mercer Canada. À son avis, les entreprises peuvent prendre des mesures pour améliorer la situation financière de leurs employées.

Par exemple, lorsqu’une femme prend un congé de maternité ou s’absente pour prendre soin d’un proche, il y a moyen de réduire l’ampleur du « bris d’épargne » qui touche déjà son Régime des rentes du Québec, notamment. « Les entreprises doivent bien communiquer et encourager les femmes à continuer de cotiser à leur régime de retraite », suggère l’experte. Et il faut que ce soit « simple » pour elles de le faire. L’employeur pourrait aussi cotiser pour son employée même si celle-ci ne le fait pas, faute de revenus suffisants, suggère Stéphanie Mariamo.

PHOTO LACHEVROTIERE FOURNIE PAR STÉPHANIE MARIAMO

Stéphanie Mariamo, conseillère principale du domaine Avoirs chez Mercer Canada

Mon grain de sel : afin d’équilibrer l’incidence financière de la venue d’un enfant dans un couple, les hommes devraient avoir le réflexe de contribuer au régime de retraite de leur amoureuse. Et de compenser la perte d’un boni, par exemple.

Une autre solution est l’éducation, poursuit Stéphanie Mariamo. Les entreprises peuvent donner des outils à leurs employés pour développer leurs connaissances en matière de finances personnelles. Lorsqu’elles proposent des formations, par exemple, les femmes sont plus nombreuses à y participer que les hommes, observe-t-on chez Mercer.

En ayant davantage confiance en leurs moyens, elles planifieront mieux leur avenir et oseront davantage investir, ce qui est primordial étant donné leur espérance de vie.

Les entreprises ne peuvent à elles seules tout régler, bien évidemment. Alors, les hommes, les pères, les maris, les confrères et les hauts dirigeants, on trouve des solutions et on les met en place pour toutes ces femmes que vous aimez tant ?

1. Lisez l’article « Le salaire des hommes a augmenté davantage que celui des femmes » 2. Consultez le Baromètre de la préparation à la retraite de Mercer (2e édition)