Au cours de la dernière année, les consommateurs n’ont fait que consommer davantage qu’ils ne le faisaient avant la pandémie. Ils ne voyagent plus, ne dépensent plus en divertissements, ils sont à la maison et ne font qu’acheter en présentiel ou en virtuel parce que la consommation est devenue un des seuls pouvoirs qu’ils peuvent encore exercer.

Mais ce pouvoir de l’achat ne fait que contribuer à la hausse des prix, à nourrir la rareté et, insidieusement, à altérer le pouvoir d’achat des consommateurs.

L’inflation a progressé à un taux annuel de 5,1 % en janvier, la plus forte augmentation enregistrée en 30 ans, nous a appris Statistique Canada, mercredi.

On le sait, les causes de cette flambée inflationniste sont multiples, mais principalement induites par trois phénomènes distincts qui sont par ailleurs interreliés.

Il y a d’abord les distorsions – amplifiées par la pandémie – qui ont touché les chaînes d’approvisionnement et aggravé le phénomène de rareté de certains intrants et de produits finis, ce qui a fait pression sur les prix de quantité de biens de consommation.

Il y a aussi la pénurie de main-d’œuvre qui est venue pousser à la hausse les salaires de plusieurs catégories d’emplois, ce qui a pour effet de se répercuter par une hausse des prix de nombreux produits et services.

À cet égard, j’ai hâte de voir ce qu’il va nous en coûter pour acheter un rôti de porc l’été prochain, alors que Olymel vient de consentir des augmentations de salaire à l’embauche de l’ordre de 20 % et plus dans certaines de ses usines. Malgré tout, le transformateur alimentaire cherche toujours à pourvoir 3000 postes dans ses abattoirs, principalement au Québec…

Enfin, il y a la faiblesse des taux d’intérêt qui a rendu plus facile l’accessibilité à la propriété à des milliers de ménages canadiens, ce qui a permis la réalisation d’une année record de transactions immobilières au pays, mais qui a contribué à la rareté des propriétés disponibles et poussé les prix du logement à des niveaux jamais vus.

Depuis un an, donc, tout augmente – surtout les prix de l’essence et du transport, de la nourriture et du logement –, mais les salaires, eux, ne progressent évidemment pas avec la même vélocité. L’érosion du pouvoir d’achat des consommateurs est un fait avéré avec lequel il faut apprendre à composer.

Limiter ses ardeurs

Le corollaire de ce nouvel environnement économique inflationniste est que le pouvoir d’achat des consommateurs continue de s’effriter alors que ces derniers ont été aveuglés comme jamais par les mirages que le pouvoir de l’achat leur fait miroiter.

La pandémie a exacerbé pour plusieurs le besoin de consommer. Depuis deux ans, jamais je n’ai vu autant de camions Purolator, UPS ou FedEx parcourir quotidiennement la rue pourtant tranquille où j’habite pour y déposer non-stop des colis de toutes les tailles.

Bien que l’appétit des consommateurs ait été légèrement freiné en décembre dernier par l’arrivée du variant Omicron, qui a ralenti la fréquentation dans les magasins, on a tout de même enregistré une augmentation de 8,4 % des dépenses réelles de détail au Canada pour l’ensemble de l’année 2021, ce qui représente une hausse considérable par rapport à la contraction de 2,2 % observée en 2020.

Les gens ont l’impression de vivre parce qu’ils consomment, c’est ce qu’on peut appeler le pouvoir de l’achat. Avec les nombreuses restrictions qu’ont imposées la pandémie et les différentes formes de confinement, la consommation a permis à beaucoup de sublimer leurs frustrations quotidiennes.

Mais cette frénésie consumériste a participé elle aussi à la progression galopante de l’inflation – au-delà du seuil de 3 % toléré par la Banque du Canada – et a donc nourri la perte du pouvoir d’achat des consommateurs, alors que l’effet du pouvoir de l’achat a joué au détriment de leur pouvoir d’achat.

Les dernières statistiques sur l’inflation viennent confirmer que la Banque du Canada va amorcer dans deux semaines une série de hausses des taux d’intérêt pour calmer le jeu. Est-ce que l’institution pourrait imiter la Réserve fédérale américaine et procéder à des hausses plus importantes qu’au rythme d’un seul quart de point à la fois ? On le verra le 2 mars prochain.

La hausse de l’inflation est nettement plus désavantageuse et même dramatique pour les plus démunis qui doivent consacrer l’essentiel, si ce n’est la totalité, de leurs revenus à tenter de combler leurs seuls besoins essentiels de se nourrir et de se loger.

La hausse des prix est toutefois beaucoup plus facile à gérer pour les ménages qui disposent d’un revenu annuel important même si la forte inflation vient aussi éroder leur pouvoir d’achat. Ils ont la latitude de pouvoir atténuer son impact en relativisant leurs priorités de consommation.

La hausse prochaine des taux d’intérêt va permettre de réduire les ardeurs des consommateurs trop dépensiers et remettre en perspective le réel pouvoir de l’achat. En haussant le coût du loyer de l’argent, la Banque du Canada contribuera certainement à enrayer au cours des prochains mois l’effritement du pouvoir d’achat des consommateurs.