Le géant Ticketmaster devra encore défendre sa façon d’afficher le prix des billets qu’il vend en ligne. La Cour supérieure du Québec vient d’autoriser une action collective.

Cette fois, le débat portera sur l’affichage du prix initial des billets revendus par Ticketmaster sur le marché secondaire.

Le printemps dernier, alors que le Canadien de Montréal étonnait tout le monde avec ses performances pendant les séries éliminatoires, Steve Abihsira a décidé de s’acheter des billets pour la partie du 20 juin. C’était le quatrième match de la demi-finale, contre Las Vegas. Évidemment, il ne restait plus de billets sur le marché primaire.

Mais il en a trouvé deux sur le marché secondaire de Ticketmaster. Prix payé : 837,90 $ chacun.

À l’origine, ces mêmes billets avaient été vendus 350 $.

Steve Abihsira affirme que ce prix initial ne lui a été divulgué qu’à la toute fin du processus d’achat, alors qu’au cours des étapes précédentes, Ticketmaster « indiquait plutôt un prix de 650 $ l’unité pour des billets de revente validés (verified resale tickets) », peut-on lire dans le jugement daté du 25 janvier.

« Imaginez que vos enfants vous demandent d’aller voir Disney sur glace. Vous achetez des billets à 200 $ sur Ticketmaster, mais avant de confirmer l’achat, vous apprenez que ces billets valaient vraiment 20 $. Est-ce que votre décision d’achat sera la même vu que c’est 10 fois le prix ? », demande l’avocat Joey Zukran, du cabinet LPC, qui pilote le dossier.

La Loi sur la protection du consommateur (LPC) exige que « le prix annoncé », c’est-à-dire le prix initial du billet revendu, soit divulgué avant la conclusion de la vente. Ticketmaster plaide que son site respecte cette disposition de la loi.

Selon des captures d’écran soumises au juge Pierre C. Gagnon à titre d’exemple, la divulgation du prix initial survient à la 15étape du processus d’achat sur 16, soit juste avant d’appuyer sur « Passez la commande ». À cette étape, l’acceptation des frais de service (un pharaonique 338 $ !) et l’inscription du numéro de carte de crédit sont déjà effectuées.

PIÈCE SOUMISE AU TRIBUNAL

Étape d’achat sur le site de Ticketmaster montrant le prix d’origine (350 $) des billets du Canadien

Indiquer plus tôt dans le processus le prix qui est imprimé sur le billet provoquerait de la « confusion » chez les consommateurs, plaide l’importante plateforme de billetterie.

Le magistrat rappelle que l’article 228 de la LPC interdit à tout commerçant de faire une représentation aux consommateurs qui « passe sous silence un fait important ». Pour déterminer s’il y a faute, poursuit-il, il faut « tenir compte de l’impression générale ».

Ticketmaster soutient par ailleurs que Steve Abihsira n’a pas subi de préjudice financier. Le juge Gagnon résume ainsi son argumentaire : « Il savait fort bien qu’il payait le gros prix pour un match de demi-finale vers la Coupe Stanley à Montréal ! Lui divulguer autrement, différemment, plus abondamment que les billets proposés avaient un prix annoncé initial moindre aurait communiqué un renseignement inutile et non pertinent étant donné qu’il ne restait plus aucun billet disponible à ce prix original à 2 jours du 4match de la série Canadiens-Golden Knights. »

L’action collective ira néanmoins de l’avant. MZukran espère que Ticketmaster sera condamnée à verser des dommages compensatoires et punitifs de 500 $ par personne concernée.

Si vous étiez au Québec au moment d’acheter des billets sur le marché secondaire de Ticketmaster, vous faites automatiquement partie du groupe. Les billets doivent avoir été achetés après le 6 juin 2018.

Crédit

Parlant de vente de billets, les clients des sites StubHub, Vivid Seats, TicketNetwork, SeatGeek et Fanxchange, visés par une action collective autorisée en 2018, ont automatiquement obtenu un crédit qu’ils peuvent utiliser depuis le 1er janvier. D’une somme de 24,29 $, il sera utilisable jusqu’à la fin de décembre 2024.

Les sommes inutilisées seront ensuite versées à un organisme sans but lucratif qui n’a pas encore été nommé, précise MZukran.

Geneviève, qui avait payé très cher pour voir Elton John, s’étonne d’avoir reçu ce crédit. « Ça me force à faire de nouveau affaire avec eux. Je ne comprends pas que cette entente ait été autorisée par un juge. Le fautif est gagnant », m’écrit-elle en ajoutant qu’elle n’a aucunement l’intention de faire affaire de nouveau avec StubHub vu « ses prix élevés ».

« C’est sûr qu’on préfère tous une solution en dollars », convient MZukran. Mais dans ce cas-ci, dit-il, « il n’y a aucune admission de faute, la question du préjudice aurait été compliquée à prouver, et l’autre option aurait pu être 0 $ ».

Le recours judiciaire portait sur l’affichage de prix fragmentaires, plutôt que « tout inclus ». Au départ, Ticketmaster était également visée, mais « ils ont rapidement changé leur pratique et réglé le dossier », fait savoir MZukran. Les clients concernés ont reçu un crédit de 7 $. C’était en 2019. Les autres entreprises ont également modifié leur site afin que le prix affiché comprenne les frais, ce qui était une condition essentielle à la ratification d’un règlement.

Rectificatif
La première version de ce texte indiquait que Ticketmaster précise le prix initial des billets à la 5e étape du processus d’achat alors que c’est plutôt à la 15e.