L’abonnement est un concept qui pourrait donner des leçons d’adaptation, tant il traverse les époques et les modes. On est passés avec fluidité du Club Columbia, avec ses cassettes et ses formulaires à mettre à la poste, aux services de musique en continu. Les agriculteurs bios ont adopté l’idée, tout comme Couche-Tard (lave-auto) et Nintendo (jeux vidéo). Voilà que les grandes chaînes de supermarchés s’y intéressent.

Encore assez nouveau au Québec, le phénomène est plus développé en France. Les grandes chaînes Carrefour, Casino et Monoprix proposent toutes les trois des formules à leur clientèle, généralement pour une poignée d’euros par mois.

Début décembre, Carrefour a toutefois lancé un nouvel abonnement gratuit qui permet de recevoir automatiquement ses produits préférés à la fréquence voulue (toutes les deux, quatre ou six semaines). La livraison est gratuite pour les commandes de plus de 50 euros (72 $). C’est encore plus simple que les Dash Buttons d’Amazon, morts en 2019, ne l’étaient. Il fallait alors appuyer le doigt sur ces petits appareils pour commander sans autres démarches du détersif ou des essuie-tout.

PHOTO LOÏC VENANCE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

En France, les grandes chaînes Carrefour, Casino et Monoprix proposent toutes les trois des formules à leur clientèle, généralement pour une poignée d’euros par mois.

Mais le plus intéressant de l’affaire, chez Carrefour, c’est qu’un rabais de 5 % est offert sur tout achat. Et que les prix des produits choisis resteront fixes durant toute la durée de l’abonnement. En pleine période d’inflation alimentaire, c’est un argument assez convaincant.

Pour le moment, 400 produits sont offerts (savon à lessive, couches, croquettes pour chien, café), mais l’offre sera bientôt enrichie.

L’idée est de faciliter la vie des clients en zone urbaine où la livraison à domicile est un « vrai plus », fait valoir l’entreprise. D’où la présence de nombreux produits lourds dans la liste des choix, peut-on imaginer.

Pour des produits non périssables, qu’on ne risque donc pas de gaspiller, la formule est alléchante. Les clients se privent certes des rabais offerts chez le concurrent, mais le 5 % compense en partie, et cela évite des déplacements chronophages.

Ses principaux concurrents proposent d’autres formules d’abonnement, mais qui s’apparentent davantage au principe d’une carte donnant droit à des rabais. Depuis 2019, les clients de la chaîne Casino obtiennent 10 % de réduction sur tout achat, moyennant un coût mensuel de 10 euros par mois (14,50 $). L’enseigne Monoprix a ensuite proposé sa version baptisée Monopflix, en référence au célèbre service de vidéo en continu.

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Un programme de Loblaws (Maxi, Provigo, Pharmaprix et vêtements Joe Fresh) permet d’obtenir 10 % de remise en points su 12 000 aliments et autres produits de marque PC.

Carrefour, depuis septembre, teste une autre recette : l’abonnement à 6 euros (8,70 $) par mois donne 15 % de rabais, mais uniquement sur les 7000 produits de marque maison. Ça ressemble beaucoup à ce que propose Loblaws (Maxi, Provigo, Pharmaprix et vêtements Joe Fresh) depuis déjà trois ans.

Son programme PC Adeptes, à 119 $ par année (136,82 $, taxes incluses), procure 10 % de remise en points PC Optimum sur ses 12 000 aliments et autres produits de marque PC (Le Choix du Président, Collection Noire, Menu Bleu, etc.).

Ce tarif ne donne pas droit à la livraison, car les supermarchés du groupe n’offrent pas ce service. Cependant, les abonnés ont droit au ramassage en magasin gratuit de leurs achats en ligne. Autrement, la facture est de 3 $ ou 5 $. En l’utilisant une fois par semaine, il faut compter au minimum 156 $, ce qui est plus élevé que le prix de l’abonnement annuel.

Si vous préférez vous rendre au supermarché, il faudra mettre en moyenne 27 $ de produits PC dans votre panier hebdomadaire pour vous retrouver avec un abonnement gratuit. Certains consommateurs verront sans doute un bon avantage à obtenir 10 % chez Joe Fresh en tout temps. En outre, la livraison est offerte sans achat minimum sur les sites de Pharmaprix et de Joe Fresh.

Avant de payer un tel abonnement, il va de soi qu’une petite réflexion sur ses habitudes de consommation et quelques calculs s’imposent.

Pour le moment, du moins, Metro et IGA n’offrent rien de comparable. Mais si l’on se fie à ce qu’on voit outre-mer, où les formules se multiplient, ça pourrait changer. Car nous sommes à l’ère de la « servicisation », résume Laure Saulais, professeure agrégée au département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l’Université Laval.

Puisqu’il est difficile pour les entreprises de se différencier des concurrents avec leurs produits, elles misent sur les services qui les entourent. En alimentation, l’idée fait des petits : des boulangeries se sont mises de la partie. C’est le cas de Miette, à Montréal, où l’on propose la livraison systématique d’un ou plusieurs pains par semaine. Un peu comme les laitiers.

L’abonnement est surtout une stratégie de fidélisation des clients. Quand on paie des frais mensuels, on veut les rentabiliser.

Ça fonctionne très bien pour Amazon dont le programme Prime, aux États-Unis, comprend la livraison gratuite en deux heures d’aliments frais vendus sur son site et celui de sa chaîne de supermarchés Whole Foods Market (dans certaines villes). Alors depuis que nos grands épiciers vendent en ligne, il est tout naturel qu’ils s’en inspirent.

Cela est d’autant plus pertinent que les achats en ligne gagnent en popularité. La proportion d’aliments achetés en ligne est passée de 1,5 à 4,5 % au plus fort de la pandémie, selon la BMO. Même si un certain repli a été observé, les prochaines années seront assurément synonymes de croissance.

En fait, avec la cinquième vague qui nous frappe, gageons que le rebond est déjà entamé.